[en] I did a workshop on Friday in Neuchâtel around "how to make yourself known in the 2.0 world". Basically, it was about sharing how I'd done it and what could be learned from it. The results were surprising to me, but I had a really great time and I think the participants did too!
J’ai animé vendredi un “CréAtelier” au Swiss Creative Center à Neuchâtel. C’était une expérience extrêmement intéressante et enrichissante, qui m’a donné l’occasion de jeter un regard nouveau sur mon parcours et ce que je fais.
Pour ce workshop, Xavier m’a demandé la chose suivante: faire rentrer les participants dans mon univers en racontant mon parcours, et les lancer dans un exercice de “design thinking” à partir de là. Comment ai-je fait pour me faire une place en tant que blogueuse, me “médiatiser en 2.0”?
Ce que j’ai réalisé en me replongeant dans ces 15 dernières années en ligne, c’est que la plupart des choses que j’ai faites, je les ai faites simplement parce que j’en avais envie, et non pas comme moyen pour atteindre un certain but. Tout ce que j’ai “accompli”, au final, a pour moi un goût d’accidentel. Je n’ai pas cherché à me faire connaître. Je n’ai pas essayé de me lancer comme indépendante.
Du coup, je séchais sur la question de l’exercice de groupe: est-ce qu’on pouvait vraiment tirer de mon histoire des leçons pour “faire de même”? Il me semblait que ce que j’avais fait avait “marché”, rétrospectivement, justement parce que je n’essayais pas de faire marcher quoi que ce soit.
Ce qui me semblait ressortir de mon parcours, c’est l’importance des mes activités “en communauté” (= les gens) à côté du blog comme lieu de publication. Mon blog, en fait, était (tout comme mon site) un moyen d’étendre mes relations avec les gens que je connaissais en ligne. Il n’a jamais eu d’existence dans le vide. J’ai réalisé assez vite aussi qu’il y avait un écho fort entre mes activités en ligne et hors ligne: internet n’est absolument pas pour moi un lieu d’altérité. Ma vie et mes relations sont intégrées, online/offline.
Pour le travail de groupe, j’ai décidé de proposer aux participants d’imaginer qu’ils étaient des passionnés de chocolats à la tête d’une chocolaterie/tea-room de demain. Que pourrait-on faire avec ça?
Je voulais éviter de tomber dans le piège classique de l’entrepreneur-exemple qui vient raconter son histoire, dit “on ne savait pas du tout ce qu’on faisait, mais on a eu de la chance, ça a marché malgré tout, si vous voulez faire de même il ne faut surtout pas faire comme nous, ayez une stratégie, un business plan, et tout et tout”. Vous avez déjà noté ce paradoxe? Nombre des histoires de succès qu’on nous présente reprennent sous une forme ou une autre le refrain de “on savait pas ce qu’on faisait”. La mienne incluse. Et après, on essaie d’en tirer des enseignements pour quelqu’un qui chercherait explicitement à atteindre un objectif similaire!
J’ai donc donné les consignes suivantes à mes “chocolatiers”:
- se détacher des objectifs
- partager sa passion
- qu’est-ce qui serait cool?
- aimer les gens
- online et offline
Peu après avoir lancé l’exercice, j’ai commencé à avoir un tas d’arrière-pensées. Je venais de leur dire pendant une heure que tout ce que j’avais fait, je l’avais fait de façon désintéressée, parce que j’étais passionnée, parce que j’avais un élan intérieur qui me poussait à le faire, parce que j’aimais les gens et qu’au fil des mois et des années j’avais créé des liens avec et que ces liens revenaient nourrir ma vie plus tard à des moments inattendus. Et je les lançais sur un thème imposé, pour lequel ils allaient devoir faire semblant de se passionner, et dans un cadre tout de même intitulé “se médiatiser en 2.0” — voilà un bel objectif, non?
Si je pressentais une petite dissonance entre ce que j’avais prévu en matière de discours et d’exercice, je n’avais pas vu venir ça aussi fort. Un exemple de plus de l’irréductibilité de l’expérience humaine: on a beau préparer son speech, sa classe, ou son workshop, le faire “pour de vrai” colore tout différemment. Je pense d’ailleurs que quand on enseigne des choses aussi expérimentales que ce que je fais habituellement, la capacité à improviser et à s’adapter à ce qui se passe dans la salle est capital, même s’il faut jeter son plan de cours par la fenêtre. Etre à l’aise avec ça m’a sauvé la mise plus d’une fois.
Les retours des groupes étaient extrêmement créatifs — mais se situaient tous au niveau entrepreneurial. On va offrir tel service, etc. Un exercice extrêmement réussi, au fond, pas celui que j’avais essayé de lancer! Peut-être que mon cadre n’était pas assez bien défini — ou peut-être aussi simplement était-ce impossible. Je penche pour la deuxième solution.
J’ai expliqué ça et soumis le casse-tête à la classe. Une proposition de la salle rejoignait exactement l’exercice “bis” que j’avais concocté durant le premier travail de groupe: un des participants allait se porter volontaire pour partager une de ses passions avec le groupe (première partie de l’exercice: comment communiquer une passion à des quasi-inconnus autour d’une table, les intéresser, les faire “rentrer” dedans?), puis le groupe allait réfléchir ensemble à des sujets d’articles de blog sur cette thématique, pour en préparer une petite liste.
Cet exercice s’est avéré beaucoup plus réalisable que celui d’avant. Mais la fin du workshop approchant, certains étaient perplexes. “Bon alors, comment je me médiatise en 2.0?” — “Concrètement, je fais quoi maintenant?”
Oui, c’est ça qui fait un peu mal. Le succès d’untel n’indique pas nécessairement le chemin à suivre pour autrui. Beaucoup de mon parcours (et de mon “succès”) est lié à ma personnalité, ou à des concours de circonstances. Comment on peut reproduire ça? Difficilement…
Toutefois, il y a, je crois, quelques “take-aways” exportables à partir de mon histoire. Quelques clés que je peux partager.
- La base, ce sont les gens. Ecrire un blog dans le vide n’avancera à rien. Et quand je dis “les gens”, je pense à de véritables relations, pas à des contacts-networking empilés sous forme de cartes de visites.
- L’authenticité. On ne peut pas bâtir ces relations si importantes sur une image. Il faut oser être soi un peu, se dévoiler, être un peu vulnérable. Cela n’implique pas la transparence totale, absolument pas, mais ça invite à laisser tomber un peu le masque et à être humain et faillible.
- Suivre ses intérêts, partager sa passion. C’est lié à l’authenticité: si les montres m’indiffèrent, je ne vois pas comment je pourrais écrire un blog à succès ou devenir une référence dans le monde des montres. La passion contrefaite, on la sent à 15km. Il suffit d’ouvrir une brochure marketing pour s’en convaincre.
- Et ça prend du temps. C’est Xavier qui a relevé ce point. Dans mon cas, des centaines et des centaines d’heures à chatter, à trainer dans des forums, à bricoler en ligne. Parce que j’avais du plaisir à faire ça — je n’aurais jamais pu y passer autant de temps si c’était juste une “stratégie”.
Deux autres articles que j’ai envie d’écrire suite à ce workshop: un récit de mon parcours (bonjour le cours d’histoire), et peut-être un autre sur la “blog attitude”, comme l’a joliment mis un des participants au workshop.
Merci encore à Xavier et au Swiss Creative Center de m’avoir donné l’opportunité d’animer ce workshop. Et si vous y avez pris part, j’adorerais lire vos retours dans les commentaires!