Ceci est le compte-rendu de ma contribution à la présentation orale faite lors du séminaire (Prof. Chaperon). Elle porte principalement sur les ouvrages La Vie de l’Espace et La Grande Loi.
Séminaire de littérature française, UNIL, janvier 2001
Démarche et méthode de Maeterlinck
Maeterlinck fait oeuvre de vulgarisateur. Les notions scientifiques dont il se saisit ne sont pas toujours profondément comprises; il s’en sert plus comme point de départ pour ses propres réflexions et extrapolations (comme nombre d’auteurs de l’époque). Comme il le dit lui-même:
“Le chemin parcouru est bien souvent plus beau que le point d’arrivée. Il s’agit plutôt de saluer ou de remuer au passage quelques idées que d’aboutir à des conclusions qui sont encore très discutables.”
(La Vie de l’Espace, p. 73)
Il faut retenir dans ces écrits ce qui peut nous éclairer sur la conception du monde de Maeterlinck, l’exactitude scientifique de ce qu’il nous rapporte étant secondaire pour notre propos.
La quatrième dimension
La quatrième dimension, couplée à la notion d’espace-temps, échappe à nos pouvoirs de représentation. Cela tient pour Maeterlinck à l’insuffisance de nos sens et de notre intelligence. Pour nous éclairer sur cette difficulté et nous permettre tout de même d’imaginer un tant soit peu cette quatrième dimension, il nous présente le cas d’êtres à une et deux dimensions chez Hinton (être emprisonné dans une ligne ou dans un plan) et Ouspensky (le limaçon et le chat).
Il en ressort qu’un être appelera “temps” la dimension qui le dépasse, et que les actions d’un être “de dimension supérieure” sur son monde lui paraîtront incompréhensibles et miraculeuses: nous pouvons sans difficulté soulever l’être plat hors de sa maison-carré et le poser en dehors, provoquant ainsi un phénomène de “sortie de la chambre close” pour lui.
Les médiums “maîtrisent” donc la quatrième dimension; et tout homme la maîtrise durant ses rêves (nous ne connaissons pas les contraintes spatiales et temporelles dans nos rêves, et nous visitons le futur – preuve en est les rêves prémonitoires que nous faisons).
Maeterlinck décrit également la vie future de l’homme qui, ayant grandi en intelligence et en sagesse, pourra se libérer de son enveloppe corporelle et voyager de planète en planète. Il ne voit pas de raison pour que de tels êtres ne soient pas déjà en train de nous visiter (ce qui bien sûr permet d’expliquer nombre de phénomènes ressortissant à la Métapsychique).
Le temps reste un concept problématique. Pour Maeterlinck, ce n’est qu’un autre nom que l’on donne à ce que l’on ne comprend pas, et on pourrait tout aussi bien le nommer “éther” ou “gravitation”.
Critique
Pour Maeterlinck, la quatrième dimension est “une nouvelle direction de l’espace”, que l’on appelerait “temps”, alors que le traitement des équations dans la théorie de la relativité ne nous révèle pas trois coordonnées d’espace et une de temps, mais bien quatre coordonnées d’espace-temps. De plus, la composante temporelle trouve sa solution dans les nombres complexe – ce qui montre bien l’impossibilité de nous la représenter.
La gravitation
La théorie de la relativité fournit certains concepts intéressants comme l’espace-temps, mais elle repose sur des postulats difficiles à accepter pour Maeterlinck: la constance de la vitesse de la lumière (quel que soit le référentiel) ainsi que la courbure et la finitude de l’univers.
De plus, au moment où écrit Maeterlinck, la théorie n’est pas prouvée et reste très discutée. De plus, elle n’a pour lui rien apporté à la théorie newtonienne de la gravitation, et a finalement créé plus de problèmes qu’elle n’en résout.
La gravitation est la force qui régit l’univers. On ne peut s’y soustraire ni la modifier, elle est indissociable de la matière et en émane comme la pensée (force quasi-spirituelle). Elle règle les mouvements des astres comme des atomes (modèle “planétaire” de l’atome), elle est source de tout mouvement et toute vie.
En tentant d’imaginer ce qui arriverait à nos organes hors de son influence, Maeterlinck en conclut que l’homme ne peut vivre sans l’influence gravitationelle de la terre (à noter ici que Maeterlinck confond la gravitation avec un de ses effets, la pression: si nous ne pouvons vivre dans le vide, nous nous passons tout à fait bien de la pesanteur).
L’éther
L’origine de la gravitation reste mystérieuse, tout comme celle de la rotation présente partout dans l’univers. La force centrifuge surtout (associée à la rotation) n’est pas compréhensible sans l’éther – une sorte de fluide étrange qui remplit tout l’univers et que nous ne sentons pas. De plus l’éther permet aussi d’expliquer le mouvement brownien, la lumière et les ondes électromagnétiques, et même la gravitation (c’était l’hypothèse de Newton, mais il n’a pas osé la publier – faute de preuves assez solides).
Mais surtout, ce qui nécessite l’existence de l’éther, c’est l’impossibilité du vide, qui absorberait tout ce qui l’entoure si il existait. Disons que pour Maeterlinck, le vide s’approche un peu de l’idée que nous nous faisons des trous noirs.
Les propriétés parfois étranges et souvent contradictoires de l’éther ne semblent finalement pas plus absurdes aux yeux de Maeterlinck que certains concepts introduits par la théorie de la relativité. Et la matière ne serait, au fond, rien d’autre qu’une coagulation de l’éther.
Conclusion
Nous voyons encore une fois que l’homme est limité, pris dans un cosmos qui le dépasse. Il est soumis à des forces (physiques ou psychiques) qui lui échappent, comme nous l’avons vu figuré à maintes reprises dans ses pièces de théâtre.
Maeterlinck cherche une explication globale et cohérente à l’univers, et sa volonté d’unifier tout ce qui nous est inconnu confine au monisme: temps = espace = éther = matière = gravitation = univers = Dieu.
On retrouve au niveau matériel ce que nous avons vu pour l’esprit lors de la séance précédante: la matière étant une coagulation de l’éther, les corps matériels ne sont que des petites îles émergeant du fond commun de l’univers: l’éther. A la mort, nos particules se dispersent et retournent dans le grand Tout. La mort, tant psychique que physique, est une perte de l’individualité mais non de notre être profond transpersonnel (l’éther ou l’hôte inconnu).
Les preuves que l’éther existe :
Les expériences de Michelson et Morley de 1887 et de Michelson et Gale de 1924:
http://www.ilcatecumeno.net/fr014.annexe1.htm