Ivresse [en]

29 mars 1996

Tu es perdu, perdu, perdu… Tu regardes partout, ta tête tourne et tu ne penses plus. C’est quoi, penser? Peut-être ne plus avoir ces tourbillons dans la tête, les oreilles qui bourdonnent et le coeur qui tape. Peut-être pouvoir regarder une idée un peu plus longtemps que le temps d’un éclair. Peut-être pouvoir faire un lien entre deux idées?

Tu aimerais que le carrousel s’arrête; tu sais où est l’interrupteur, il est sous ta main mais cette ivresse a quelque chose de si fascinant. Tu te sens glisser, glisser, tu vas presque tomber. Tu ne souhaites pas tomber, bien sûr, mais être juste sur le point de glisser, c’est si agréable…

Comme un papillon de nuit qui volette autour d’une bougie et qui prie pour qu’il y ait un verre entre lui et la bougie. Un verre si fin qu’il laisserait passer lumière et chaleur qui l’hypnotisent, mais qui l’empêcherait pourtant de se brûler les ailes ou – pire – de disparaître dans un petit crépitement. Plus rien. Plus de papillon. La lumière reste toujours mais la vie, le plaisir, le désir sont bien éphémères.

Tu tournes toujours, plus vite, plus vite, encore plus vite. Tu tournes comme le papillon autour de sa bougie. Tu sens le gouffre qui se rapproche, qui t’attire irrésistiblement, et tu sens aussi dans ta main le bouton qu’il te suffit de serrer pour arrêter le manège. Tourner? Ne pas tourner? Tu as de la peine à  penser. Les idées passent, pressées, tu n’arrives pas à  les attraper.

Tu ne sais même pas si tu as envie de les attraper. Tu tends vaguement le bras, sans grande conviction. Et si tu en attrapais une, si elle s’imposait, et si elle ne te plaisait pas? C’est bien plus agréable de tourner. Au fond, tu sais que tu es capable de tourner, tourner, tourner pour toujours, sans jamais tomber. C’est pour cela que tu tends mollement la main vers ces idées qui passent. Tu essaies de les regarder pour te donner bonne conscience, mais tu ne te convaincs pas toi-même…

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