Lausanne, 5 février 2001
Nous assistons à un précipitation du temps. Il faut faire le maximum de sa vie, tout voir, tout faire, tout entendre, tout lire. La masse de savoir et de créations humaines mise à notre disposition est phénoménale.
La terre s’est concentrée. L’avion, le téléphone, la télévision, Internet et l’imprimerie nous donnent accès à tout ce que l’humanité peut produire.
Et nous voulons tout consommer – nous nous devons d’en consommer un maximum pour avoir le sentiment de véritablement “profiter” de notre vie.
Cette attitude, que l’on est prompt à critiquer lorsqu’elle concerne nos achats et les biens matériels, n’en est pas moins inquiétante lorsqu’elle touche au domaine de l’esprit – de l’intellectuel.
En effet, elle survalorise la fin (le but, l’objet produit ou créé) au détriment du processus y amenant. Dans l’industrie, il faut à tout prix minimiser le temps et le coût de la production. Dans l’éducation, on cherche à faire assimiler une quantité toujours plus grande de matière sans augmenter le temps à disposition. Ce qui compte, c’est le pot – et non l’agir du potier qui l’a créé.
Pourtant, c’est le faire qui remplit véritablement la vie. Ne parle-t-on pas d’ailleurs toujours de faire quelque chose de sa vie?
Il faut revaloriser l’agir. Il y a quelque chose d’infiniment précieux dans l’acte d’écrire un poème ou de peindre un tableau – même s’il n’y a ensuite personne pour en voir le résultat. Il faut revaloriser aussi le temps – vivre, c’est aussi prendre le temps d’écouter vraiment une musique ou de regarder dormir son nouveau-né.
Merci au Prof. Raphaël Célis pour son emploi de l’expression “précipitation du temps” qui a servi de point de départ à ce petit essai.
Avec plus de trois ans de retard, je me félicite d’avoir lu ton article. C’est sans doute un des trucs les plus profonds que j’aie lus chez toi (de mon point de vue, et sachant comme tu es prolifique, je n’ai jamais dû lire que 10% de ce que tu écris) 🙂
Merci d’avoir formalisé ça, je suis très persuadé que tu as raison et je pense pareil, mais je ne l’avais jamais mis en mots. Ça va circuler 🙂
Que dis-je, trois ans. 2001. Wouffff.