Lausanne, 20 février 2002
— Toi et moi, on devrait se marier, m’avait-il dit il y a fort longtemps.
Nous sommes dans un café qu’éclaire une lumière jaune. Il me parle.
— C’est toi que je veux épouser.
L’autre est assise à une table, elle ne se doute de rien.
— Le fait qu’elle porte mon enfant n’a aucune importance pour moi. C’est un enfant de toi que je veux.
On recommence.
Nous sommes assis dans un café éclairé par une faible lumière jaune. Il dit qu’il veut m’épouser, que ça a toujours été moi.
— Mais elle, alors? Ne m’avais-tu pas dit qu’elle était la femme de ta vie?
Elle lit son livre tranquillement. Elle porte son enfant.
Il prend ma main dans la sienne, et plonge ses yeux dans les miens.
— C’est un enfant de toi que je voulais. Le sien ne compte pas.
J’ai l’impression d’avoir déjà vécu cette scène.
Nous sommes assis à nouveau dans le café sombre, mal éclairé par des lampes aux abats-jour de vieux verre jaune.
Nous sommes assis de part et d’autre d’une longue table de vieux bois noir. Nous parlons.
— Marions-nous, dit-il.
Je la regarde. Elle est affaissée sur son livre, deux tables plus loin. La tête posée sur les bras. Je suis certaine qu’elle sait.
— …je veux que nous ayions des enfants ensemble. Je l’ai toujours voulu!
— Es-tu réel, cette fois? je lui demande. Parce que les deux dernières fois que tu m’as dit cela dans ce café, tu n’étais qu’un rêve. Et ça fait trop mal quand je me réveille.
— Mais non, c’est pour de vrai! proteste-t-il. Je te promets, allons viens, je veux vraiment t’épouser! Bien sûr que je suis réel, il faut me croire!
Mais je sais qu’il me ment. Il n’est qu’un rêve, une poussière dans mon esprit qui se débat pour un peu d’existence. Je le sais bien, même prise dans ce rêve qui n’en veut plus finir.
C’est l’autre qu’il a choisie pour être sa femme. C’est elle la mère de son enfant à naître.
Et moi, me voilà seule avec ces regrets qui viennent hanter mes nuits. N’avoir pas su, n’avoir pas pu. Et surtout, n’avoir pas été là quand il aurait fallu.