Anecdotes et statistiques [fr]

Une histoire vaut tous les chiffres de la terre. Nassim Nicholas Taleb l’explique très bien dans son livre The Black Swan (aussi en français), que j’ai lu avec fascination. L’auteur y décortique toute une série de nos vices de raisonnement, non des moindres la tendance à penser que le passé est une bonne indication de comment se déroulera le futur (par exemple: “je ne suis jusqu’ici jamais mort dans un accident de voiture, il n’y a donc aucune raison que ça commence demain”).

Les êtres humains aiment les histoires. Nous mettons les choses sous forme narrative (notre recherche effrénée de la causalité dans tout ce qui nous entoure, la quête de sens) et retenons nos apprentissages sous cette forme également (“la voisine du dessous s’est fait cambrioler car elle a laissé sa porte ouverte en allant à la lessive, je vais donc toujours fermer ma porte à clé quand je vais à la lessive”). C’est économique, et clairement, nous avons eu un avantage à le faire d’un point de vue évolution (probablement qu’on mourait moins souvent si on avait cette tendance).

Mais cette façon de concevoir le monde, à coups d’anecdotes, a ses limites:

– on continue à avoir bien plus peur de l’avion que de la voiture, malgré tout ce que disent les statistiques, car les accidents d’avion sont transformés en histoires dramatiques à forte charge émotionnelle

– quand j’essaie d’expliquer que le risque pour un enfant d’être victime d’un prédateur sexuel sur internet est minime, on me répond “mais ça arrive, je connais quelqu’un dont la fille…” (donc allez vous faire voir avec vos statistiques)

– un meurtre a eu hier au Golden Gate Parc — je vais donc éviter l’endroit et aller plutôt me promener ailleurs.

Bref, sans rentrer dans les détails, le pouvoir de l’anecdote (l’histoire qui est arrivée à quelqu’un) écrase tous les chiffres qu’on peut bien lui opposer. Il est donc important d’en tenir compte.

Des règles abstraites auront moins de force qu’un ou deux exemples bien choisis démontrant leur raison d’être.

Des histoires de personnes seront toujours plus utiles que des raisonnements ou des chiffres. (Je me répète, vous trouvez?)

Un exemple récent où j’ai vu ce principe en application a été la Journée Ada Lovelace. Si les femmes ont plus besoin de modèles positifs féminins, c’est bien d’histoires qu’il s’agit. Faire des listes ou donner des noms, c’est déjà bien, mais c’est beaucoup moins puissant que de mettre en scène une héroine, avec une histoire. C’est ce qui lui permettra véritablement de devenir une inspiration pour d’autres.

Savoir qu’il y a 50 ou 60% de femmes dans telle ou telle branche (ou même 40%), alors qu’on imagine que les femmes y sont fortement sous-représentées, ne va pas créer des “modèles positifs”. C’est l’histoire d’une femme qui aura cet effet. De même, savoir que 95% des cas d’abus sexuels d’enfants on lieu dans le cadre de la famille, des voisins, des amis proches n’empêche pas certains parents de flipper quand leurs gossent passent du temps à chatter, parce que les médias ou la police leur ont raconté l’histoire d’une victime d’un “prédateur internet”.

Moralité? Pour faire véritablement entendre les chiffres aux gens, il faut leur raconter des histoires.

An Experiment (Seesmic and The Black Swan) [en]

I love reading, and I have a pile of interesting books waiting for me to dig through them. I’ve just picked up The Black Swan where I left it over a month ago.

One of my frustrations with reading, I realise, is the difficulty in sharing the interesting stuff I discover. Being an online person, I’m used to being able to share all the interesting stuff I find or think of very easily. Going from printed book to the web is not that simple.

I painstakingly typed up quotes in my tumblr but honestly, it’s not the best solution. Maybe somebody will offer me a pen-scanner one day (that would be fun!) but in the meantime, I’m a bit stuck without a good bridge between my dead-tree reading and my online community.

So, I just did an experiment with Seesmic. I read out quotes and commented some of the stuff I was reading. There are two videos because (as I just discovered!) Seesmic cuts you off at 10 minutes. In total, here are 16 minutes or so of me rambling on and reading quotes to you.

The Black Swan I

The Black Swan II

Sorry for those of you who can’t see the videos. For those of you who can, do let me know if you think this is a good idea or not.

Update: more videos…

The Black Swan III

The Black Swan IV