J’écris beaucoup en anglais sur des sujets qui touchent les indépendants, dans la catégorie Being the Boss et aussi, dans une moindre mesure, Life Improvement. Aujourd’hui, j’ai envie d’offrir à mes lecteurs francophones indépendants quelques conseils de survie. J’aurais bien fait de les suivre à mes débuts, et je suis bien consciente qu’on n’apprend jamais mieux qu’à travers ses propres erreurs, mais parfois, parfois, les expériences d’autrui peuvent être précieuses.
Sans plus attendre, lançons-nous donc.
1. Barricader votre temps personnel
Surtout en début de carrière indépendante, à plus forte raison si l’on a transformé en métier une passion, il est facile de se laisser griser par la liberté des horaires et l’impression que “le travail n’est plus du travail”. Le problème de la plupart des indépendants, c’est qu’ils travaillent trop. Fatigue, stress, ou même burn-out les attendent au contour.
Préservez jalousement votre temps personnel: pour dormir, manger, vous détendre, et fréquenter famille et amis. Même si c’est frustrant au départ, fixez-vous des règles: pas de travail le week-end, ou le dimanche, ou après 19h. Ou pas de travail le matin si vous avez travaillé le soir. Plus tard, avec l’expérience, vous apprendrez quand vous pourrez faire des exceptions sans trop en souffrir. Mais pour commencer, soyez stricts.
2. L’agenda de votre client n’est pas plus important que le vôtre
La liberté d’horaire qui va avec beaucoup de métiers indépendants est très agréable et pratique, mais cela ne signifie pas que vous devez à tout prix offrir la flexibilité maximale à vos clients. Si vous avez l’habitude de concentrer vos rendez-vous sur certaines journées (une pratique que je recommande) et que vous y tenir nécessite de ne voir le client que dans deux semaines, ce n’est pas votre entière responsabilité. Si votre client annule un rendez-vous et veut du coup vous voir sur une de vos plages de temps personnel, apprenez à être ferme.
En donnant la priorité à l’agenda de votre client, vous cédez à son urgence, et mettez le petit doigt dans l’engrenage d’une forme d’esclavage.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais faire d’exceptions. Mais faites d’abord l’expérience d’être intransigeant, pour être ensuite libre dans vos exceptions.
3. Etre plus cher, quitte à perdre quelques clients
La plupart des indépendants que je connais travaillent trop et ne gagnent pas assez d’argent. Souvent, simplement parce qu’ils ne sont pas assez chers. Il vaut mieux perdre des mandats parce qu’on est trop cher (et croyez-moi, si vos prix sont justes vous serez régulièrement “trop cher” pour quelqu’un) que d’accepter des mandats trop gros pour des tarifs trop bas et travailler à perte ou pour 20.- de l’heure, à ne plus s’en voir les mains.
“Gérer” un client (du premier contact, voire des efforts marketing engagés pour l’attirer, jusqu’au paiement final) c’est aussi du travail, et même si vous ne pouvez pas le facturer, vous devez en tenir compte lorsque vous calculez vos tarifs pour rentrer dans vos frais. Ce sont vos frais fixes, si on veut — le “coût d’acquisition” du client.
4. Faire payer des acomptes
Face au client qui est souvent une entreprise, l’indépendant est en position de faiblesse. Si quelque chose va de travers, c’est en général l’indépendant qui casque (comprenez: il ne se fait pas payer, ou cède à la pression de faire du travail supplémentaire pour le même montant). Le client court très peu de risques de payer pour du travail qui n’est pas fait, comme le travail est généralement facturé après-coup. Bien sûr, l’indépendant peut engager des poursuites si son client ne paie pas, mais il n’a pas à disposition l’appareil judiciaire ou les ressources financières (ou le temps!) pour mener ce genre d’opération jusqu’au bout. Sans compter que les sommes à investir dépassent souvent largement celles qui sont dûes.
Afin de partager un peu les risques, il faut faire payer un acompte au client avant de démarrer le travail. 50%, c’est bien — au minimum 30%. L’intérêt de l’acompte est double: d’une part, il vous donne de quoi payer une facture ou deux pendant que vous travaillez sur le mandat (que le premier indépendant n’ayant jamais connu de problèmes de liquidités s’annonce!), et d’autre part, il permet de trier les clients. Un client qui refuse de payer un tel acompte n’est probablement pas un client avec lequel vous désirez travailler — ce qui nous amène au point suivant.
5. Repérer au plus tôt les “clients difficiles” et ne pas travailler avec
Un client qui commence par mettre en question vos tarifs ou vos compétences, refuse de régler un acompte, annule un rendez-vous ne va pas magiquement se transformer en client modèle pour la suite de votre relation. Si ça démarre mal, il y a de fortes chances pour que ça continue mal et que ça finisse également mal, et que vous ayez eu avantage, en fin de compte, à ne pas travailler pour le client en question. Un client qui commence par être difficile continuera généralement à l’être.
Ayez donc l’oeil vif et alerte lors de vos premiers contacts avec un nouveau client, pour les signes avant-coureurs de problèmes à venir. S’il fait des problèmes pour payer votre acompte, par exemple, il y a fort à parier qu’il fera des problèmes ailleurs aussi.
Le cadre de travail, c’est nous, en tant qu’indépendants, qui le posons. Ce n’est pas au client de dicter les termes — mais si vous le laissez faire, il le fera, parce que quelqu’un doit bien diriger les opérations. Ayez donc un cadre de travail, un processus, que vous expliquez au client et auquel vous vous tiendrez. C’est rassurant aussi bien pour lui que pour vous.
Et renoncez sans regrets aux clients qui s’annoncent trop difficiles.
6. Avoir des traces écrites
En parlant de cadre de travail, ayez des traces écrites de vos accords avec vos clients (on dira que l’e-mail, c’est suffisant dans la plupart des cas). Les discussions se font souvent par téléphone ou en face-à-face, et dans ce cas, dites au client que vous allez lui envoyer un petit mail récapitulatif de votre accord. Terminez celui-ci par quelque chose comme “merci de bien vouloir me confirmer par retour de mail que tout ceci est en ordre pour vous”.
Il n’est pas inutile non plus d’avoir un document “générique” détaillant vos conditions, que vous pouvez joindre à un tel envoi. Versement d’acompte, conditions de paiement, d’annulation, ce qui est inclus ou non dans la prestation, et même, si c’est pertinent pour votre situation, la petite phrase “je décline toute responsabilité en cas de XYZ”.
La plupart de vos clients ne vous causeront jamais de problème. Mais pour celui qui le fera, ce serait quand même dommage de ne pas s’être couvert un minimum. Et le faire par écrit dans un document “générique” me paraît une bonne solution pour ne pas froisser le client normal, bien-pensant, et honnête.
7. Engager un comptable
A moins d’être un pro de la compta vous-même, engagez un comptable. Oui, ça fait des frais, mais que de soucis en moins! Les comptes de votre entreprise seront en ordre, votre déclaration d’impôts aussi, et en cas de contrôle fiscal, c’est un professionnel qui s’en sera occupé, ce qui ne peut que faire bonne impression.
Si votre comptable est trop cher pour que vous lui confiez la tâche de faire toutes les écritures, regardez si vous pouvez trouver quelqu’un d’autre à qui déléguer cette tâche (y compris le classement ordré de vos quittances).
Et si vous le faites vous-même, faites-le à mesure! (Oui je sais, c’est pénible et en général on n’arrive pas à tenir, c’est pour ça que je recommande de confier cette tâche à quelqu’un d’autre.)
8. Facturer à mesure
Entre le moment où l’on facture et le moment où l’argent arrive sur votre compte en banque, il peut s’écouler du temps. Il est donc impératif de ne pas attendre d’avoir besoin d’argent pour envoyer vos factures! (Rigolez, ça paraît stupide, mais je l’ai fait longtemps et j’en connais d’autres dans ce cas.) Dès que le mandat est terminé, la facture part.
Un autre avantage à faire payer des acomptes: j’envoie personnellement souvent mes factures avant d’avoir effectué le travail, précisant les conditions de paiement (acompte de 50% dès réception de la présente, solde à payer x jours après la fin du mandat ou la date de la conférence ou de la formation). Comme ça ma part est faite.
Comme vous le voyez, ces conseils concernent l’hygiène de vie de l’indépendant (et sa santé mentale sur le long terme!) plutôt que des questions pratiques sur le réseautage, la négociation, l’établissement des tarifs, ou l’organisation du travail. Ces derniers points sont importants également, mais les compétences dans ces domaines sont complètement inutiles si on ne tient pas le rythme. (C’est tout lié, c’est sûr, mais il faut bien hierarchiser un peu.)
J’espère qu’ils pourront être utiles à certains!