Fertilité féminine: un enfant à 40 ans? [fr]

[en] Numbers and facts about female fertility. Do you know what the success rate of an IVF is at age 40? and 42? Many links at the bottom of the article are in English.

Je suis, encore et encore (depuis quelques année) sidérée de voir à quel point les idées ambiantes sur la fertilité féminine sont à côté de la plaque. Régulièrement, j’entends parler de femmes de 40 ans (ou plus) qui pensent qu’elles ont toutes les chances de concevoir, si elles le veulent assez.

Vous êtes maintenant en train de penser à toutes les femmes que vous connaissez et qui sont devenues mères (ou qui ont enfanté à nouveau) autour de 40 ans. Ça arrive tout le temps, me direz-vous!

J’espère, chère lectrice (cher lecteur aussi) que tu es familier/familière avec les mécanismes du biais du survivant et du biais de confirmation. Le premier nous rappelle qu’on entend parler des survivants et de ceux qui ont réussi, et beaucoup moins de ceux qui ont tout tenté et échoué. Vous savez donc bien qui sont les femmes de votre entourage ayant réussi à enfanter autour de 40 ans. Vous ignorez peut-être toutes celles qui ont essayé et échoué, parce qu’on ne parle pas trop de ça, sauf avec les intimes. Ça nous fait donc surestimer les taux de réussite. Le biais de confirmation, lui, nous rappelle qu’on remarque et retient les choses qui viennent confirmer ce qu’on croit. Si on croit qu’avoir un enfant à 40 ans est facile, on aura dans sa tête une liste de toutes les histoires qui viennent confirmer cette croyance, et on aura tendance à ignorer et ne pas retenir celles qui pourraient l’infirmer.

Ce qui n’aide pas non plus, c’est la médiatisation extrême des célébrités qui font des enfants “tard”. Genre Janet Jackson, récemment. On retient “Janet Jackson enceinte à 50 ans” et on se dit “ah ben 40, j’ai encore tout le temps!” Mais ce qu’on ne sait pas, c’est:

  • combien de temps elle a essayé
  • combien elle a dépensé
  • si elle a porté l’enfant (les photos ne prouvent pas grand-chose)
  • et surtout, si c’était ses ovules du jour, ou si elle a fait appel à un don d’ovules ou si elle avait congelé les siens quand elle était plus jeune.

Ce dernier point est important, car l’âge de l’ovule est un facteur déterminant dans les chances de succès d’une grossesse, bien plus que l’âge de l’utérus dans lequel l’enfant se développe.

Quelques chiffres pour remettre l’église au milieu du village:

  • la fertilité féminine se casse la figure grave vers les 37 ans
  • 1 femme sur 5 née dans les années 60, et 1 sur 4 née dans les années 70, arriveront à 45 ans sans avoir d’enfant – jusqu’à 80% d’entre elles “pas par choix”
  • les chances de succès (naissance) d’une FIV à l’age de 40 ans tournent autour de 10% (et ça se casse la gueule grave après ça)
  • les chances de concevoir lors d’un rapport sexuel durant la période fertile, quand on est jeune, sont de 15-20% max (oui, vous avez bien lu)
  • FIV avant l’âge de 30 ans? au max 40% de chances de succès
  • les chances de succès d’une FIV ne baissent pas avec l’âge si l’ovule utilisé est jeune
  • si vous êtes une femme et que vous voulez des enfants et que vous attendez 35 ans “pour vous y mettre”, vous avez de fortes chances de ne pas réussir à en avoir (donc sérieusement, si vous avez 40 ans ou proche, passez sans attendre à la FIV si c’est important pour vous d’être mère… 10% de chances c’est déjà mieux que ce que vous allez avoir autrement)

Oui oui, je vous entends: vous connaissez tous des cas qui “contredisent” ces chiffres. Si vous pensez ainsi, c’est que vous ne comprenez pas ce qu’est une probabilité. Un événement peut avoir une probabilité de 1 sur 500 d’arriver, et arriver la première fois. Ou la dernière. On espère tous être “le miracle”, mais être un peu réaliste quant à ses chances permet de s’investir de façon mesurée, et peut-être de mieux supporter la dure réalité de l’échec quand il arrive. Donc quand je dis qu’une FIV à 40 ans a 1 chance sur 10 de fonctionner, et que vous me répondez “mais je connais Josette qui est tombée enceinte après une FIV à 42 ans du premier coup”, ce n’est pas une contradiction des statistiques. C’est juste que Josette a eu beaucoup de chance. Elle est “l’anomalie”, ou plutôt, “le miracle”.

Bon à savoir, pour la Suisse:

  • le don d’ovules est interdit (info critique quand on sait que l’âge de l’ovule influe lourdement sur les chances de succès)
  • le don de sperme n’est pas ouvert aux couples homosexuels, non mariés, ou aux femmes seules (du coup, exit FIV aussi)
  • la congélation d’ovules (qui n’est pas la panacée) n’est possible que jusqu’à 35 ans et pour une durée de 5 ans (je n’arrive plus à retrouver la source pour ça)
  • pas juste pour la Suisse, mais tout ça coûte cher! Entre 5000 et plus de 10000.- pour une FIV à Lausanne par exemple, et c’est pas remboursé…

 

Je vous laisse avec quelques sources pour creuser, vérifier, vous informer… Et faites passer ces infos autour de vous afin de lutter contre les idées reçues (fausses) concernant la procréation et la fertilité féminine!

Ne confondez pas les miracles avec la norme.

 

Anecdotes et statistiques [fr]

Une histoire vaut tous les chiffres de la terre. Nassim Nicholas Taleb l’explique très bien dans son livre The Black Swan (aussi en français), que j’ai lu avec fascination. L’auteur y décortique toute une série de nos vices de raisonnement, non des moindres la tendance à penser que le passé est une bonne indication de comment se déroulera le futur (par exemple: “je ne suis jusqu’ici jamais mort dans un accident de voiture, il n’y a donc aucune raison que ça commence demain”).

Les êtres humains aiment les histoires. Nous mettons les choses sous forme narrative (notre recherche effrénée de la causalité dans tout ce qui nous entoure, la quête de sens) et retenons nos apprentissages sous cette forme également (“la voisine du dessous s’est fait cambrioler car elle a laissé sa porte ouverte en allant à la lessive, je vais donc toujours fermer ma porte à clé quand je vais à la lessive”). C’est économique, et clairement, nous avons eu un avantage à le faire d’un point de vue évolution (probablement qu’on mourait moins souvent si on avait cette tendance).

Mais cette façon de concevoir le monde, à coups d’anecdotes, a ses limites:

– on continue à avoir bien plus peur de l’avion que de la voiture, malgré tout ce que disent les statistiques, car les accidents d’avion sont transformés en histoires dramatiques à forte charge émotionnelle

– quand j’essaie d’expliquer que le risque pour un enfant d’être victime d’un prédateur sexuel sur internet est minime, on me répond “mais ça arrive, je connais quelqu’un dont la fille…” (donc allez vous faire voir avec vos statistiques)

– un meurtre a eu hier au Golden Gate Parc — je vais donc éviter l’endroit et aller plutôt me promener ailleurs.

Bref, sans rentrer dans les détails, le pouvoir de l’anecdote (l’histoire qui est arrivée à quelqu’un) écrase tous les chiffres qu’on peut bien lui opposer. Il est donc important d’en tenir compte.

Des règles abstraites auront moins de force qu’un ou deux exemples bien choisis démontrant leur raison d’être.

Des histoires de personnes seront toujours plus utiles que des raisonnements ou des chiffres. (Je me répète, vous trouvez?)

Un exemple récent où j’ai vu ce principe en application a été la Journée Ada Lovelace. Si les femmes ont plus besoin de modèles positifs féminins, c’est bien d’histoires qu’il s’agit. Faire des listes ou donner des noms, c’est déjà bien, mais c’est beaucoup moins puissant que de mettre en scène une héroine, avec une histoire. C’est ce qui lui permettra véritablement de devenir une inspiration pour d’autres.

Savoir qu’il y a 50 ou 60% de femmes dans telle ou telle branche (ou même 40%), alors qu’on imagine que les femmes y sont fortement sous-représentées, ne va pas créer des “modèles positifs”. C’est l’histoire d’une femme qui aura cet effet. De même, savoir que 95% des cas d’abus sexuels d’enfants on lieu dans le cadre de la famille, des voisins, des amis proches n’empêche pas certains parents de flipper quand leurs gossent passent du temps à chatter, parce que les médias ou la police leur ont raconté l’histoire d’une victime d’un “prédateur internet”.

Moralité? Pour faire véritablement entendre les chiffres aux gens, il faut leur raconter des histoires.

Twitter Metrics: Let's Remain Scientific, Please! [en]

[fr] On ne peut pas prendre deux mesures au hasard, en faire un rapport, et espérer qu'il ait un sens. Un peu de rigueur scientifique, que diable!

10.02.2011: Seesmic recently took its video service down. I have the videos but need to put them back online. Thanks for your patience.

Video post prompted by Louis Gray’s Twitter Noise Ratio. I’m still somewhat handicapped and used up my typing quota this morning. corrections: measure time, measure distance (not “speed”) My graphs: Louis Gray's Twitter Noise Updates/Followers Ratio Zoom in to the beginning of the graph: Twitter Noise, extremes removed Attempt to spot trends: Twitter Noise Updates per Followers, annotated Not conclusive. See also: Stowe’s Twitterized Conversational Index — interestingly, Stowe became much more “chatty” on Twitter lately 😉 Update: The Problem With Metrics — a few thoughts on what metrics do to the way we behave with our tools. Confusing ends and means.

Reading The Black Swan [en]

[fr] Notes de lecture de "The Black Swan", sur l'impact des événements hautement improbables.

One of the things I did yesterday during my time offline was read a sizeable chunk of The Black Swan: The Impact of the Highly Improbable by Nassim Nicholas Taleb.

It’s a fascinating read. (Thanks again to Adam Hill for saying I should read it.) I just find myself a little frustrated that I can’t effortlessly copy-paste quotes from the book into a text file or my Tumblr as I read. (And no, I wouldn’t want to be reading this online. I like books. They just lack a few features. Like searchability, too.)

Anyway, I’ve been twittering away while I read, and here are a few things I noted. These are not exact quotes, but paraphrases. Consider them “reading notes.” (And then a few me-quotes, hehe…).

  • oh, one quote I did copy to Tumblr (check it, if you’re lucky, you might find more quotes!)
  • Finding Taleb’s concepts of Mediocristan and Extremistan fascinating and insightful.
  • Probably in Extremistan: number of contacts, length of relationships? Not sure.
  • High-impact, low-probability events (Black Swans) are by nature unpredictable. Now apply that to the predator problem.
  • We confuse ‘no evidence of possible Black Swans’ with ‘evidence of no possible Black Swans’ and tend to remember the latter.
  • ‘No evidence of disease’ often interpreted as ‘Evidence of no disease’, for example.
  • Taleb: in testing for a hypothesis, we tend to look for confirmation and ignore what would invalidate it.
  • Interesting: higher dopamine = greater vulnerability to pattern recognition (less suspension of disbelief)
  • So… Seems we overestimate probability of black swans when we talk about them. Terrorism, predators, plane crashes… And ignore others.
  • Anecdotes sway us more than abstract statistical information. (Taleb)
  • That explains why personal recommendations have so much influence on our decisions. Anecdotes, rather than more abstract facts or stats. (That’s from me, not him.)
  • Journalists according to Taleb: ‘industrial producers of the distortion’

Update: Anne Zelenka wrote a blog post taking the last and, unfortunately, quite incomplete citation as a starting-point. Check my clarification comment on her blog. And here’s the complete quote:

Remarkably, historians and other scholars in the humanities who need to understand silent evidence the most do not seem to have a name for it (and I looked hard). As for journalists, fuhgedaboutdit! They are industrial producers of the distortion. (p. 102)

Update 2: Anne edited her post to take into account my comment and our subsequent discussion. Thanks!

Most People Are Multilingual [en]

[fr] Une clarification de ce que j'entends par "la plupart des gens sont multilingues". Multilingues au sens large.

In a comment to my last post, Marie-Aude says I’m being a bit optimistic by stating that “most people are multilingual”. I’d like to clarify what I mean by that.

The “most people are multilingual” thing is not from me. I’ve seen it mentioned in varied settings, though I still need to find systematic studies to back it up (let me know if you have any handy).

It all depends how you define “multilingual”. If you define it in a broad sense (ie, school-level passive understanding of a language counts), then a little thinking shows it’s not that “optimistic”. Here is what would make somebody multilingual:

  • immigration, of course
  • learning a foreign language at school
  • living in a country with different linguistic groups.

Some examples:

  • in India, many people are fluent in their mother tongue, and to some extent in one of the countries official languages: Hindi or English
  • in the US, think about the huge immigrant population; the whole country was built upon immigration, come to think of it; in the bus in San Francisco, I often heard more foreign languages than English
  • again in the US (because the English-speaking world is seen as a big “monolingual” block), think of the increasingly important hispanic/latino population (people who will often have knowledge of both English and Spanish)
  • in most European countries, people learn at least one foreign language in school — even if it’s not used, most people retain at least some passive knowledge of it; I’m not sure about Asia, Africa, Southern America, Australia: does anybody know?

So, I don’t think it’s that optimistic to say most people are multilingual. To say that most people are “perfectly multilingual”, of course, is way off the mark. But most people understand more than one language, at least to some extent.