Internet, espace de vie [fr]

[en] About the profound humanness of the internet. It's not a space to "communicate", it's a space to "be" with other humans. The internet is made of people.

La fête: internet, c'est ça aussi.

Ce qui “coince” beaucoup de personnes quand elles envisagent leur propre présence en ligne, c’est cette conception d’internet (des médias sociaux, de facebook, etc) comme “canal de communication”. Ça peut l’être, certes, mais c’est réducteur.

Internet est un espace social. Il y a du “contenu”, mais surtout des gens. Vous vous souvenez de la vidéo “The internet is made of cats“? J’ai envie de dire “the internet is made of people”.

A la fin des années nonante, je découvrais internet, comme beaucoup de monde. Je faisais des recherches sur Altavista, je trouvais des nouveaux sorts à utiliser pour mes jeux de rôle. Je l’utilisais comme une bibliothèque. Je trouvais moyennement excitant.

Tout a basculé pour moi quand je me suis mise à chatter. Internet n’était plus cette bibliothèque silencieuse, mais mon Lapin Vert à moi. Puis j’ai commencé à me balader sur le web, et j’ai eu cette révélation: les sites que je visitais, les pages que je découvrais avec émerveillement, elles avaient été créées et mises en ligne par des gens comme moi. Et je n’ai pas tardé à les rejoindre. Le web, c’était cette collection de voix humaines.

Cette conscience profonde de l’humanité d’internet ne m’a jamais quittée. A travers les pages perso, les forums, les blogs, MySpace, Friendster, Flickr, Twitter, Dopplr, Facebook, coComment, Foursquare, Instagram, Snapchat, Periscope et tous les autres: ce sont les gens et les relations qui sont la structure sous-jacente du monde numérique.

Je ne vous raconte pas ça juste pour le shoot de nostalgie: c’est parce que c’est encore vrai aujourd’hui, mais comme ça a été le cas au début des années 2000 avec le web, la main-mise des marques sur les médias dits sociaux finit par nous faire oublier leur nature originelle, et qu’ils sont adaptés avant tout aux personnes.

Comprendre que Facebook et consorts sont des espaces de vie, ça va changer notre approche pour y “être”. Etre présent en ligne, c’est plus du savoir-être que du savoir-faire. Quand on se rend à un apéro ou salon professionnel, l’essentiel de ce qu’on y fait c’est rencontrer des gens, discuter, découvrir des choses intéressantes dont on va parler plus loin, etc. En ligne, ça peut être comme ça aussi. Et c’est quand on approche le online comme ça qu’il nous apporte le plus.

Avoir un compte Twitter sur lequel on cherche à “partager des choses” ou “gagner des followers”, c’est super chiant à faire. Par contre, être présent sur Twitter comme espace social, où sont tout plein d’autres personnes qu’on connaît, qu’on apprécie, qu’on découvre peut-être, ça oublie d’être du travail.

On comprend donc l’importance de l’authenticité et du “personnel” (de “personne”, pas dans le sens de “privé”) dans la présence en ligne: notre présence en ligne nourrit des relations avec d’autres humains, et nos relations aux autres s’ancrent le mieux dans notre humanité.

Cette approche nous libère également de l’éternel obstacle (excuse?): ça prend du temps. Oui oui, ça prend du temps. Tout comme boire des cafés ça prend du temps, aller à un apéro ça prend du temps. Mais ce qu’on dit quand on dit “j’ai pas le temps” ou “ça prend du temps”, c’est “c’est chiant à faire” et “je vois pas l’intérêt”.

Si on arrive à faire en sorte de vivre le online comme un espace social d’interactions auxquelles on prend plaisir, la question du temps que ça prend se transforme.

Quand vous pensez à votre présence en ligne, réfléchissez-vous en termes de “communication”, de “message”, ou bien est-ce simplement un espace où vous connaissez des gens et interagissez avec eux?

Elle écrit plus? [fr]

[en] Why I'm struggling to write, these days: I'm trying to clarify all my cluetrainy ideas about the internet, people, and the world – and though they come out readily in conversations (having a lot of those these days as I have launched my 2016 professional website) I am struggling to squeeze them into post format. I wish I had Euan's gift for concision!

Not that comfortable

Mes articles ont du mal à sortir, ces jours. La raison en est que je suis en train de mettre de l’ordre dans tout un tas d’idées qui servent de fondement à mon travail. Des évidences (pour moi) concernant notre condition d’homo numericus, la nature des espaces numériques qui imprègnent nos vies, nos relations les uns aux autres et le rôle que celles-ci jouent à influencer le cours de nos vies.

Ce ne sont pas des idées nouvelles, mais je les développe généralement au cours de conversations, souvent en tant que prérequis aux autres thèmes qui nous préoccupent plus officiellement: est-ce que je devrais vraiment être sur Facebook pour mon travail? A quoi ça sert de poster des photos de vacances? Twitter, je capte toujours pas, c’est nul… Sur quoi je vais communiquer pour ma présence en ligne?

J’ai déjà pas mal dégrossi en préparant la nouvelle mouture de mon site web professionnel (en anglais, mais il y a une page en français). Parlant de nouveau site, à part ça, n’hésitez pas à diriger chez moi les gens de votre entourage qui pourraient bénéficier de mes services ou mes ateliers, je vais avoir de la disponibilité pour prendre des nouveaux clients cet automne à côté des ateliers de développement de carrière pour musiciens que je donne avec Elisabeth Stoudmann.

Je reprends le fil: toutes ces choses que j’expose si joyeusement dans un contexte de discussion, j’ai du mal à leur donner une forme d’article. Tout est lié, enchevêtré, et somme toute assez complexe. Je n’ai pas le don de la concision de mon ami et collègue Euan Semple, et chaque fois que je me dis “ah je pourrais faire un article sur ça” je me retrouve à ne pas commencer de peur que l’article devienne un livre. Problème classique que je connais bien.

Histoire de vous montrer que je suis capable de suivre mes propres conseils, je vais me lancer directement avec quelques réflexions sur internet en tant que lieu de vie – versus canal de communication.

La "blog attitude" [fr]

Asked about the “blogging attitude”, my response is that it hinges around authenticity. The most powerful vehicle for advancing one’s projects or business is often relationships. Without going all the way to radical transparency, relationships thrive on authenticity.

[en] Asked about the "blogging attitude", my response is that it hinges around authenticity. The most powerful vehicle for advancing one's projects or business is often relationships. Without going all the way to radical transparency, relationships thrive on authenticity.

Lors de la discussion finale du CréAtelier de vendredi, on m’interpelle sur la “blog attitude”. La blog attitude? L’attitude à avoir pour bloguer. Quelque chose dont je parle souvent, que ce soit en cours ou avec des clients, mais qui — je trouve — coince toujours un peu. Et là, après le CréAtelier, j’ai trouvé que ça coulait de source.

Une des choses sur lesquelles j’ai mis l’accent dans ce workshop, ce sont les gens. Les gens qu’on connaît, qui nous entoure, qu’on rencontre, et les relations qu’on tisse avec eux. Les relations. Une fois qu’on a compris ça, profondément, ce qu’on raconte toujours sur le côté “personnel, informel” des blogs prend tout son sens.

Donc. Admettons que la prémisse de départ pour une présence en ligne fructueuse, c’est les relations authentiques qu’on établit avec autrui. Le blog est un espace parmi d’autres pour nourrir, initier, établir, et vivre ces relations. (D’ailleurs cette même prémisse permet de comprendre l’importance de la soi-disant “futilité” de nombre d’échanges sur les médias sociaux, Twitter et Facebook en particulier.)

Le blog, avec ses permaliens et ses commentaires, est un espace d’expression en dialogue, au minimum potentiel, s’il n’est pas actuel. Comme lorsque je parle à une assemblée de personnes lors d’un cours: même si c’est moi qui parle, a priori, il y a en tout temps la possibilité d’une interruption, d’une interpellation, d’une question ou d’une remarque de la part de quelqu’un d’autre. Je ne parle pas en mode “speech”, mais en mode “conversationnel”. Je m’adresse aux personnes dans la salle en tant que personnes. C’est un peu une version étendue de la discussion autour de la table au bistrot.

Du coup, dans un blog, on n’écrit pas dans le vide. On ne fait pas du “commercial” ou du “communiqué”. On s’adresse à ses lecteurs, qu’ils soient présents ou non. Pour qu’il y ait relation, il faut qu’un échange soit possible. Il faut qu’on puisse toucher à l’humain en face. On ne peut pas faire ça avec un discours lisse et poli de journaliste ou d’agence de communication.

Le blogueur apparaît donc à travers ses écrits. Il est accessible. A force de le lire, on fait petit à petit sa connaissance. On s’attache, et on revient lire plus — tout comme on s’attache aux personnages de fiction des séries que l’on regarde épisode après épisode, à la différence près que le blogueur est une personne réelle, et non pas une fiction savamment élaborée pour leurrer nos émotions.

Ce qui nous attire chez l’autre, c’est l’humanité. Un personnage qui est sans cesse en représentation ne laisse entrevoir aucune possibilité de relation. Il ne met pas ses billes, on ne met pas les nôtres non plus. Engagement zéro. L’humanité comprend la faillibilité. On a le droit à l’erreur. On a le droit à l’imperfection. Oser ça, c’est se dévoiler un peu, se rendre un peu vulnérable.

Concrètement, ça se traduit par quoi?

  • dire “je”
  • parler de ce qui nous tient à coeur
  • partager ce qui nous intéresse
  • être authentique, être “soi”
  • oser l’imperfection et l’erreur
  • accepter la rencontre avec autrui
  • être généreux
  • exprimer des avis et des opinions

Voilà, selon moi, ce qu’est l’essence de la “blog attitude”. Comme vous le voyez, c’est bien plus une question “d’être” que de “faire”! C’est pour ça, aussi, que je crois que c’est difficile à enseigner, et difficile à faire quand on a été formaté toute sa vie à accorder tant d’importance au “paraître”, surtout dans le monde du business.

Alors être authentique, ça ne signifie pas nécessairement qu’il faille aller jusqu’à danser tout nu sur les tables. Mais ça implique d’oser se livrer la moindre.

Pour un entrepreneur, cela peut vouloir dire partager son parcours au fur et à mesure, ses difficultés et ses doutes. Le “derrière la scène” est toujours quelque chose qui intéresse les gens. Un tel blog va attirer un lectorat avec un fort “capital-sympathie” pour l’entrepreneur et son projet. Mais pas juste un lectorat! De nouvelles relations qui peut-être un jour s’avéreront précieuses, si on les traite comme telles et non pas juste comme des “contacts”.

One participante réagissait à tout ça en mettant en doute l’applicabilité d’une telle “stratégie” dans le domaine du luxe. Je dis que ce n’est pas nécessairement perdu d’avance: lisez seulement le blog de Thomas Mahon, le tailleur de Savile Row dont le business a véritablement décollé grâce à son blog.

Pour résumer, je dirais que selon moi, la “blog attitude”, c’est un peu “l’authenticité comme stratégie de communication” — même si ça me fait un peu mal de mettre ces deux mots dans la même phrase.

Arrêtons de parler d'amitiés virtuelles [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Une chose qui m’irrite profondément, c’est l’utilisation de l’adjectif “virtuel” pour qualifier tout ce qui se passe en ligne. Réseaux virtuels, mondes virtuels, et surtout, “relations virtuelles”.

J’ai une bonne amie qui habite en France. On se connaît depuis des années, et avec le temps, on est devenues plus proches. On discute presque tous les jours — des fois c’est “tu vas bien, oui, et toi?” et d’autres fois ce sont des conversations plus longues sur le travail, la vie, la famille, nos intérêts.

Nous ne nous sommes encore jamais rencontrées — ni même parlé au téléphone. Mais qu’on n’aille pas me dire (ni à elle) que notre amitié est “virtuelle”.

Le problème avec le mot “virtuel”, vous voyez, c’est qu’il signifie quelque chose comme “seulement en puissance et sans effet actuel”. Dire que cette amitié est “sans effet actuel” parce qu’on ne s’est jamais rencontrées, c’est complètement à côté de la plaque. Il suffit pour s’en rendre compte de voir le joli arrangement floral qui égaye mon salon depuis la semaine dernière. Elle me l’a fait livrer pour me remercier de mes conseils lors de ses débuts comme indépendante. Si c’est pas un effet actuel, ça, je ne sais pas ce que c’est.

Bien sûr, il ne me viendrait pas à l’idée de dire que les communications par chat, SMS, ou même téléphone ont la même valeur que se retrouver en face-à-face autour d’un café. Mais elles en ont une. Et il y a des choses qu’on l’on peut dire par chat ou SMS bien plus facilement que par téléphone ou en personne. Il n’y a donc pas à mon sens de hiérarchie rigide et absolue entre ces différents modes de communication. Ils sont différents, et permettent (ou pas) des choses différentes.

Ces interactions en ligne ne valent pas rien, comme le suggérerait le qualificatif “virtuel”. Il y a de belles amitiés, et même des histoires d’amour, qui se bâtissent sur elles.

Privilégions donc des expressions qui ne charrient pas des wagons de jugements de valeur. “En ligne”, c’est certes moins accrocheur que “virtuel”, mais c’est plus honnête.

C'est si superficiel [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Une critique souvent faite à l’encontre des médias sociaux, c’est la superficialité des contenus qui y transitent ou y sont publiés. Twitter, Facebook, et même les blogs sont montrés du doigt comme autant d’exemples de la vacuité des propos de l’être humain moyen.

On oublie que les médias sociaux, à la différence des mass-médias, visent moins à diffuser des informations qu’à créer des relations.

C’est pour ça que la métaphore de la machine à café pour décrire ces espaces numériques est si juste. La plupart des discussions autour de la machine à café sont banales — mais ce sont elles qui créent les liens entre les gens. Le tissu des relations humaines, c’est justement ces petits échanges anodins, sur le temps qu’il fait, le film qu’on a vu, ou les plantes à rempoter.

Qu’on bavarde de ce genre de chose au téléphone, dans le bus, entre deux réunions, ou même par SMS, cela n’émeut personne. Mais qu’on fasse la même chose en ligne, où règne l’écrit, réservé traditionnellement aux seules expressions de notre culture dignes d’être imprimées, et l’on s’empresse de brandir ce mot chargé de jugement moral: “superficiel”.

C’est faire preuve d’une grande méconnaissance de la nature profonde des relations humaines.

Suis-je toujours l'amie de mes amis? [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Les réseaux sociaux sont asymétriques.

Je ne parle pas des réseaux sociaux en ligne, mais bien des réseaux de relations et de gens, les vrais réseaux que les sites comme Facebook, MySpace, LinkedIn et autres cherchent à modéliser.

A mon sens, la grande majorité de ces sites nous proposent un modèle de relations comportant une erreur fatale: les liens entre les gens y sont symétriques, alors que ce n’est pas le cas dans la réalité.

Pensez aux gens qui font partie de votre monde: il y a fort à parier que vous trouverez sans difficulté des personnes qui sont plus importantes pour vous que vous pour elles — et vice-versa. On aimerait, idéalement, que les gens que l’on aime nous aiment autant en retour, que ceux que l’on admire nous admirent en retour, que ceux que l’on enrichit par notre présence nous enrichissent pareillement en retour. Mais souvent, et à des degrés divers, ce n’est pas le cas.

Et dans le monde professionnel, encore moins.

Pour qu’un lien soit établi entre deux utilisateurs de Facebook ou LinkedIn, chacun doit l’approver. Chacun doit dire “oui, je le veux”.

Du coup, un tel réseau social ne capture que les relations symétriques, ou bien (et c’est ce qui a tendance à arriver) fait passer des relations parfois fortement asymétriques pour des relations symétriques, parce qu’au bout d’un moment, on “cède”, et on accepte également comme amis les gens que l’on connaît peu, voire ceux que l’on ne connaît pas mais qui voudraient nous connaître.

Il existe cependant des réseaux sociaux en ligne (ou presque) qui permettent de rendre compte de ces asymétries.

Twitter est celui qui occupe le devant de la scène ces temps. Sur Twitter, vous pouvez suivre qui vous voulez, sans que cette personne doive vous suivre en retour (c’est d’ailleurs ce qui en fait un outil de veille si puissant, bien plus que Facebook).

Dopplr, un service permettant de partager ses déplacements et projets de voyages avec son réseau, vous laisse simplement décider qui peut accéder à votre profil — la réciprocité n’est pas requise.

Plus ancienne, la liste de contacts d’un service de messagerie instantanée permet également l’asymétrie, même si la pratique penche vers la réciprocité: je peux apparaître sur la liste de contacts d’une personne et avoir supprimé celle-ci des miens.

L’ensemble des blogs peut également être considéré comme un immense réseau social peu formalisé, où les “blogrolls” (listes de liens vers d’autres blogs appréciés du blogueur) révélaient les relations entre blogueurs, avant de tomber en désuétude (les blogrolls, pas les blogs).

Plus proche de chacun, peut-être, et pas tout à fait en ligne, la liste de contacts dans son téléphone mobile. Vous avez enregistré mon numéro, mais ce n’est pas pour autant que j’ai le votre.

Facebook, d’un certaine manière, tente de se rattraper avec les “listes d’amis”. Chacun peut maintenant en effet classer ses amis dans diverses listes (qui restent privées) que l’on peut utiliser pour donner ou non accès à certaines parties de son profil. Ainsi, je peux être connectée à Jules, à qui je donnerai le droit de voir tout mon profil, alors que lui ne me donnera qu’un accès limité au sien.

Sans ce genre de subtilité, les réseaux sociaux qui imposent la réciprocité parfaite finissent par devenir invivables avec la multiplication des contacts de tous bords, ce qui amène à leur désertion par ceux qui les faisaient vivre.

Se voir à Paris, avec wifi [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Mardi matin, je saute dans le TGV pour aller passer quelques jours à Paris afin de participer à la conférence LeWeb. Cet événement, qui s’appelait il y a six ans “Les Blogs“, rassemble en un même lieu plus de 2000 professionnels de tous bords, ayant un intérêt dans le web et les médias sociaux. Le thème de cette année? “The Real-Time Web“, le web en temps réel de Twitter, Facebook, la messagerie instantanée, le streaming vidéo live, l’iPhone, etc.

Si je vous mentionne cette conférence, ce n’est pas dans une optique bassement publicitaire (elle affiche complet — quoique… prenez-vous-y à l’avance l’an prochain!) mais parce que ce foisonnement d’événements s’adressant aux gens du monde connecté, ou à ceux qui gravitent autour avec intérêt, nous montre bien à quel point toutes les avancées technologiques en matière de communication n’ôtent rien à la richesse et à l’importance de la rencontre en chair et en os.

En effet, c’est là un souci récurrent que j’entends: la pléthore de moyens de communication à distance n’est-elle pas en train de nous déshumaniser, de nous transformer en petits robots emprisonnés dans des mondes virtuels? L’être humain est-il en chemin pour finir sa carrière sous forme de cerveau flottant dans un bocal, branché dans la matrice?

Que nenni, heureusement.

Il se trouve même que plus les gens chattent, bloguent, et de façon générale se connectent à leurs semblables via le monde en ligne, plus ils ont envie de se rencontrer. L’être humain est fondamentalement social et utilise toutes les ressources à sa disposition pour le devenir encore plus. L’expression “médias sociaux”, traduction française un peu maladroite de l’anglais “social media” (ça fait un peu “services sociaux”), vient bien de là.

C’est logique, quand on y pense. Prenons un peu de recul technologique: est-ce que l’avènement du courrier postal a découragé les gens de faire l’effort de se rencontrer? Et le téléphone? Et le téléphone mobile? Bien sûr, on remplace parfois avantageusement une rencontre en face-à-face par un coup de fil. Mais le coup de fil, souvent, mène à une rencontre. De même avec l’e-mail et le chat. Et que dire de la facilité de communication croissante, qui m’encourage à envoyer un SMS “à tout hasard” à une copine pour lui proposer de me rejoindre ici, maintenant, pour un brin de causette?

Au fond, la technologie crée autant d’occasions de se rencontrer qu’elle ne semble en supprimer. A Paris, dans quelques jours, c’est donc toute une partie du monde connecté qui se retrouvera dans la même ville, à la même conférence, pour se serrer la main, s’embrasser (si H1N1 le permet), discuter à bâtons rompus autour d’un bon buffet, rire ensemble, parler business, ou tout simplement être assis côte-à-côte pour écouter le même orateur.

On aura bien sûr nos ordinateurs portables et nos iPhones, il y aura du wifi jusque dans les moindres recoins, mais qu’est-ce qu’on sera contents de se voir… ou de se revoir.

Problèmes d'internet, problèmes d'humains [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Les médias se plaisent à nous rappeler régulièrement qu’internet est un espace dangereux. Passons pour cette fois, si vous le voulez bien, sur les exagérations et les dangers particuliers (je le fais déjà assez ailleurs) pour nous pencher sur un principe de base.

Internet est peuplé d’humains. Les problèmes que l’on y rencontre sont donc avant tout des problèmes d’humains. Et dans les médias sociaux en particulier, les principales difficultés sont de l’ordre du relationnel.

Les personnes peu familières avec internet semblent tout d’un coup perdre toutes leurs compétences interpersonnelles dès que l’échange a lieu par écrans interposés. Un commentaire désagréable en réponse à un article? Il suffit souvent de se demander comment l’on réagirait en face-à-face. Certes, cela demande parfois un peu de maturité — mais il est très rare que l’on se retrouve compètement démuni face à quelqu’un dans la plupart des situations de la vie courante.

Même les problèmes plus “sérieux” comme le harcèlement en ligne, les contacts sexuels entre adultes et mineurs, les communautés “malsaines” (pro-ana, racisme…) sont à la base des problèmes de personnes. Ce sont des problèmes qui existent en-dehors d’internet, qui se manifestent là où il y a des gens — y compris sur internet.

On comprendra donc qu’y remédier passera donc par se concentrer sur la dimension humaine du problème, et non sur celle, accessoire, de sa présence sur internet.

Je simplifie, bien sûr, et il y a des exceptions. Tout ce qui a trait au droit d’auteur, par exemple, est inextricablement lié aux caractéristiques techniques d’internet. La permanence des objets numériques, également, change le paysage de nos relations les uns aux autres, et à l’information.

N’oublions donc pas, dans notre exploration du monde connecté, que les principales difficultés que nous y rencontrerons seront humaines. Et que les humains, c’est du terrain connu.

Chat ou e-mail pour rester en contact? [fr]

Au détour d’une conversation avec Fabien ce matin, je (nous) faisais la réflexion suivante: même si j’adore écrire (preuve les kilomètres de texte qui s’alignent sur ce blog, sauf quand je n’écris pas) je ne suis pas du tout versée dans l’e-mail “correspondance”.

Certes, j’utilise (beaucoup) l’e-mail comme outil de travail. Pour des échanges factuels. Pour de l’administratif.

Mais pour parler de sa vie ou de son coeur, je préfère être en intéraction directe: IM, SMS, IRC Twitter, téléphone, ou même (oh oui!) se voir en chair et en os pour boire un café ou manger un morceau.

Déjà avant que l’e-mail ne débarque dans ma vie, je n’étais pas vraiment une correspondante. Ma grand-mère paternelle se plaignait amèrement du manque de lettres provenant de sa petite-fille, les cartes postales signées de ma main étaient dès le jour de leur réception des pièces collector, et les deux ou trois tentatives adolescentes d’avoir des correspondantes dans d’autres pays se sont assez vite essoufflées.

Peu étonnant, dès lors, qu’un fois accro au chat sous toutes ses formes, ce soit les modes de communication interactifs que je privilégie pour mes relations avec les gens.

Je me demande si c’est simplement une préférence personnelle (certains sont épistoliers, d’autres pas) ou bien s’il y a véritablement des caractéristiques des médias en question qui la sous-tendent: l’interactivité (relativement synchrone), par exemple. Parler de ce qu’on vit ou fait (c’est souvent l’essentiel des conversations), c’est bien mieux avec un retour direct d’autrui en face, non?

Twitter, c'est quoi? Explications… [fr]

Cet après-midi, je ramasse 20minutes dans le bus, et je vois qu’on y parle de Twitter. Bon sang, il est grand temps que j’écrive le fichu billet en français que je mijote depuis des semaines au sujet de ce service que j’adore (après l’avoir mentionné en anglais il y a plusieurs mois). Allons-y, donc: une explication de Twitter, pour vous qui n’avez pas la moindre idée de ce que c’est — et à quoi ça sert.

“Twitter” signifie “gazouillis” en anglais. Ce nom reflète bien le contenu relativement anodin qu’il se propose de véhiculer: des réponses à la question “que faites-vous?”.

Ça n’a pas l’air fascinant, a première vue, un service dont l’objet est d’étaler sur internet les réponses somme toute souvent très banales à cette question. “Est-ce que ça intéresse le monde entier, le fait que je sois confortablement installée dans mon canapé?” Certes non. Par contre, cela intéresse peut-être mes amis.

Oh, très clairement pas dans le sens “tiens, je me demandais justement ce que Stephanie était en train de faire maintenant, ça tombe à pic!” Mais plutôt dans un état d’esprit “radar”: avoir une vague idée du genre de journée que mène son entourage. En fait, ce mode “radar” est tellement omniprésent dans nos vies qu’on ne le remarque même plus, et qu’on n’a pas conscience de son importance.

Pensez aux gens que vous fréquentez régulièrement, ou à vos proches. Une partie de vos intéractions consiste en échanges de cet ordre: “je t’appelle après la danse”, “je dois rentrer, là, parce qu’on a des invités”, “je suis crevé, j’ai mal dormi” ou encore “tu vas regarder le match, ce soir?”

Sans y faire vraiment attention, on se retrouve ainsi au courant de certaines “petites choses” de la vie de l’autre — et cela vient nourrir la relation. Plus on est proche, en général, plus on est en contact avec le quotidien de l’autre. Et corrolairement, être en contact avec le quotidien d’autrui nous en rapproche. (Vivre ensemble, que cela soit pour quelques jours ou à long terme, ce n’est pour cette raison pas anodin.)

On a tous fait l’expérience qu’il est plus difficile de garder vivante une relation lorque nos occupations respectives ne nous amènent pas à nous fréquenter régulièrement. Combien d’ex-collègues dont on était finalement devenus assez proches, mais que l’on a pas revus depuis qu’on a changé de travail? Combien de cousins, de neveux ou même de parents et d’enfants qu’on adore mais qu’on ne voit qu’une fois par an aux réunions familiales? Combien d’amis perdus de vue suite à un déménagement, ou simplement parce qu’il a fallu annuler la dernière rencontre et que personne n’a rappelé l’autre? Et à l’heure d’internet et des vols low-cost, combien de ces rencontres fortes mais qui se dissipent dès que la distance y remet ses pieds?

C’est ici qu’intervient Twitter.

Twitter me permet de diffuser auprès de mon entourage ces petites parcelles de vie si anodines mais au final si importantes pour les liens que l’on crée — et de recevoir de la part des gens qui comptent pour moi les mêmes petites bribes de quotidien. Cela permet de rester en contact, et même de renforcer des liens.

Ceux d’entre vous qui chattez le savez: échanger quelques banalités de temps en temps, ça garde la relation en vie, et on a ainsi plus de chances de prévoir de s’appeler ou de se voir que si on avait zéro contact. Les chatteurs savent aussi que les fameux “statuts” (“parti manger”, “disponible”, “ne pas déranger”) jouent un rôle non négligeable dans la communication avec autrui. C’est d’ailleurs en partie inspiré par ces statuts que Jack a eu l’idée qui est un jour devenue Twitter. (Un autre ingrédient important était la page des “amis” sur Livejournal.)

Une des qualités majeures de Twitter et que ce service n’est pas limité à internet. En fait, à la base, il est prévu pour fonctionner par SMS. On peut donc envoyer (et recevoir!) les messages via le web, via un service de messagerie instantanée (Google Talk), ou par SMS — selon ses préférences du moment.

Concrètement, cela se passe ainsi: on s’inscrit et on donne à Twitter son numéro de portable et/ou son identifiant GTalk, ce qui nous permet déjà d’envoyer des messages. Ensuite, on invite ses amis (ou bien on les ajoute depuis leur page s’ils sont déjà sur Twitter — voici la mienne) afin de se construire un petit réseau social de personne que l’on “suivra”. Tous les messages de ces contacts sont rassemblés sur une page web (voici la mienne), et on peut choisir de les recevoir en plus par SMS ou par chat.

On peut envoyer des messages privés, bien entendu, et il y a toute une série de commandes qui permettent facilement d’ajouter ou d’enlever des contacts et de contrôler les alertes que l’on reçois — même si on est loin de son ordinateur. Un billet consacré à ces considérations plus techniques suivra.

Il faut aussi préciser que recevoir les SMS de Twitter ne coûte rien (enfin cela dépend de l’opérateur, mais en Suisse c’est gratuit), et qu’envoyer un message par SMS coûte simplement le prix d’un SMS envoyé à l’étranger (à ma connaissance, de nouveau, en Suisse cela revient au même prix qu’un SMS envoyé à un numéro suisse).

A venir, donc, un billet avec des informations techniques et pratiques sur l’utilisation de Twitter, et un autre qui poussera plus loin la réflexion sur le rôle d’un tel service, la façon dont les gens l’utilisent actuellement, et certaines critiques qui lui sont faites.

Mise à jour 09.2007: une explication audio avec la complicité de M. Pain.

Mise à jour 03.2010: depuis mi-2008, nous ne recevons plus de SMS Twitter en Europe. C’est nettement moins important aujourd’hui qu’à l’époque, vu l’explosion des iPhones et autres téléphones similaires.

Mise à jour 04.2010: à lire aussi, Comment démarrer avec Twitter, moins technique et plus stratégique.