Facebook: comment rendre public un statut pour qu’il puisse être partagé [fr]

[en] Archive of my weekly French-language "technology advice column".

Ma newsletter hebdomadaire “Demande à Steph” est archivée ici pour la postérité. Chaque semaine, un tuyau ou une explication touchant à la technologie numérique, ou une réponse à vos questions! Inscrivez-vous pour recevoir directement la prochaine édition. Voici l’archive originale.

L’idée de la semaine pour inaugurer cette newsletter: comment rendre public un statut facebook afin que nos amis puissent le partager plus loin.

C’est très utile pour les petites annonces: un meuble à donner, un appartement à remettre, un chat perdu — mais aussi pour les recherches, les demandes: “est-ce que quelqu’un sait si…”, “connaissez-vous quelqu’un qui…”).

Une chose qui nous échappe souvent quand on poste ce type de demande ou d’annonce, c’est qu’un statut visible pour “amis seulement” ne sera jamais visible en dehors de notre cercle d’amis, même si il est partagé. Imaginez, si nos statuts privés étaient à la merci d’un partage maladroit!

Du coup, on voit souvent des messages avec “merci de partager”, mais qui sont limités aux amis de la personne qui poste. C’est dommage! (On peut les partager, mais ils seront invisibles à quiconque n’avait pas déjà le droit de les voir sur le profil d’origine. Selon les cas, ceci donne lieu à la fameuse “pièce jointe indisponible” que vous avez déjà certainement croisée ici ou là dans des groupes Facebook.)

Chacun de vos statuts indique, à côté de l’heure (et du lieu), qui peut le voir. Celui-ci n’est par exemple visible que pour mes amis:

Et celui-ci est public. C’est ça qu’on veut voir quand on fait un statut à partager:

Souvent, on publie d’abord le statut, puis on se rend compte qu’il n’est pas public. Pas de panique! Il n’est pas nécessaire de l’effacer et d’en republier un. On peut changer la visibilité de n’importe quel statut Facebook, même longtemps après sa publication:

C’est bien sûr aussi possible sur le téléphone:

Et voilà pour aujourd’hui!

Comme on démarre tout juste, ça m’intéresse vraiment d’avoir vos retours. Il suffit de laisser un commentaire:

  • est-ce que ces infos vous sont utiles, ou bien vous saviez déjà?
  • est-ce que l’explication est claire, trop longue?
  • avez-vous une question à laquelle vous aimeriez que je réponde une prochaine fois?

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Facebook: on s'est pris une machine à remonter le temps dans la tronche [fr]

[en] Musings on the Facebook "private message bug" hysteria.

Hier soir, vous avez peut-être entendu qu’il y avait un “bug” Facebook qui faisait apparaître des messages privés dans la timeline. Rassurez-vous, jusqu’à nouvel avis, il n’en est rien: allez vite lire ce super petit compte-rendu de 20minutes.fr sur l’hystérie collective qui nous a frappée dans la nuit.

Pour les sceptiques, je vais faire comme 20minutes: si vous avez une preuve matérielle qu’il y a effectivement bug (à savoir, une message apparaissant dans votre timeline accompagné de l’e-mail vous annonçant que vous avez reçu un nouveau message privé), balancez-moi ça et je rectifierai. Et bien sûr je ne publierai pas votre message privé :-p

Je ne résiste toutefois pas à faire quelques commentaires, un peu en vrac. Début de tartine, allez chercher un jus d’orange.

Notons d’abord que les médias (et non pas les “internautes anonymes”) sont les grands coupables dans la génération et la propagation de cette rumeur. Et ça me fait penser à l’instant à cet excellent article de Titiou Lecoq, à lire aussi: “Ma réponse aux élites qui ‘détestent’ internet“.

PEBCAK. Problem exists between chair and keyboard. Le problème ici, c’est nous et notre mémoire faillible, nos codes sociaux mouvants, notre compréhension partielle des outils avec lesquels on jour, notre recherche incessante (et inconsciente) de ce qui confirmera nos croyances (ici: Facebook sont des gros méchants irresponsables).

(Vous noterez en passant mon “confirmation bias” à moi: rares sont les “vrais méchants”; les médias — et certaines personnes — aiment se faire peur et faire peur; on a tendance à sombrer dans des théories du complot face à ce monde qui nous échappe — au moins quelqu’un maîtrise la situation, ouf; le monde est plus complexe qu’on ne le croit et on cherche toujours un coupable pour ce qui ne va pas; et j’en passe…)

Revenons à la mémoire. Ah, la mémoire. Vous chercherez les articles vous-mêmes, sur ce coup, si vous voulez plus d’explications. Mais on sait bien aujourd’hui que la mémoire est extrêmement plastique. Ce n’est pas un enregistrement sur un disque dur. Et je ne parle pas que des “fausses mémoires”.

A chaque fois qu’on se souvient de quelque chose, on reconstruit le souvenir à partir des bribes de contexte et d’éléments “enregistrés”. Le présent et nos émotions du moment s’y mêlent. Et après ça, le souvenir est “réenregistré”, écrasant la première version. A chaque fois qu’on fait appel à un souvenir, on le change. Effrayant, non? Et en plus, c’est même pas des souvenirs complets, c’est des machins partiels qu’on réinvente à moitié.

J’ai vu arriver sans surprise le démenti initial de Facebook. Mais quelques personnes de mon entourage soutenaient qu’elles avaient trouvé chez elles la preuve du bug. Des personnes que je respecte, et qui savent faire la différence entre un message privé et public.

Alors je suis allée regarder chez moi. Consternation! J’ai trouvé dans ma timeline des messages passablement personnels. Oh, pas de quoi fouetter un chat ou briser mon couple. Mais quand même, étonnant. Pour en avoir le coeur net, j’ai consulté ma Mémoire: GMail. Comme l’a très bien dit David Labouré dans notre conversation Facebook sur le sujet, “ta mémoire s’appelle GMail”.

Eh ben, stupéfaction: c’était bien tous des messages du mur. Oui, même les machins qui commençaient avec des salutations, se terminaient avec des xoxo, et qui suggéraient qu’on se voie pour une pizza la semaine prochaine. J’ai fouillé, fouillé, et rien trouvé.

Allez, sautons dans la machine à remonter le temps. 2011, 2010, 2009, 2008, 2007, 2006… Y avait-il des messages privés vraiment privés à l’époque? Je ne m’en souviens plus, honnêtement. Par contre ce dont je me souviens, c’est qu’on écrivait des choses sur les murs des gens. Il y avait même, à une époque, la vision “mur-à-mur” qui affichait sous forme de conversation les messages qu’on s’était laissés sur nos murs respectifs. Le mur, c’était le truc sur lequel nos amis laissaient des messages. Ecrire sur son propre mur, ça ne se faisait pas. (J’ai même posté des choses sur mon mur pour dire ça, c’est dire!)

J’en déduis (parce que là, ma mémoire me fait défaut, enfin, un vague souvenir, mais il est vague) que poster un statut ce n’était pas la même chose que publier sur son propre mur.

Je me souviens avoir dû rendre attentifs les gens (lors de conférences, formations) au fait que ce qu’ils publiaient sur le mur d’autrui, ils ne savaient pas qui pourrait le lire. Les amis du destinataire… c’est quelque chose qu’ils ne contrôlaient pas. Et surtout, ils ne contrôlaient pas si le mur était visible aux amis, aux amis d’amis, aux amis et aux réseaux (vous vous souvenez du réseau “Suisse” dans les débuts?) Avec les commentaires, on avait le même problème. Je me souviens d’élèves qui écrivaient des choses “privées” dans les commentaires de leurs amis, sans réaliser que ces amis étaient peut-être amis avec des profs 🙂

Aujourd’hui encore, je vois que la distinction entre message privé et message sur le mur est loin d’être évidente à saisir pour des internautes débutants, tant sur le plan conceptuel que technique.

Dur-dur pour nos petits cerveaux de mammifères d’appréhender comment circule l’information dans un espace numérique semi-privé.

Il y a six ans ou même quatre ans, on n’utilisait pas du tout de la même façon les messages sur le mur des autres. Aussi, à l’époque, on avait bien moins de contacts. Ce qu’on était prêt à mettre sur le mur de quelqu’un en 2006 ou en 2008, on ne le mettrait plus aujourd’hui.

Même si le réglage est resté “amis seulement” durant toutes ces années, sa signification a évolué. Quand on publie quelque chose aujourd’hui, on peut avoir une relativement bonne idée de qui le lit. Mais on n’a aucune idée qui le lira dans le futur. C’était déjà un enjeu important avec les blogs, lorsque le web était moins “mainstream”. On publiait des choses sur l’internet public, pour son public actuel, en oubliant que dans six mois ou six moins son patron pouvait débarquer dans le monde en ligne et lire nos écrits immortels.

Facebook n’est pas complètement blanc dans l’histoire: les paramètres de confidentialité ont changé de nombreuses fois, parfois de force. On est bien pardonnables d’avoir perdu le fil. Comme le rappelle mon ami Kevin Marks, danah boyd a très bien expliqué l’importance de prendre en compte les codes sociaux et la perception des utilisateurs, et en particulier notre tendance à nous reposer sur “privacy by obscurity”. C’est “privé” parce que peu de gens le trouvent, même si les droits d’accès le sont moins. Avec timeline (et d’autres évolutions de la plate-forme avant ça, comme l’apparition du newsfeed, qui avait provoqué une véritable révolution — les francophones ne l’ont pas vécu, c’était très tôt), Facebook fait remonter à la surface et rend facilement trouvable des choses qui étaient auparavant relativement cachées.

Ma politique générale de publication (“tout ce que tu mets en ligne risque de finir dans les journaux”) me paraît bien saine, du coup. (Et non, je n’applique pas ça littéralement-tout-le-temps-sans-exception. Il y a des choses que je publie sur Facebook que je préférerais ne pas voir apparaître dans les journaux. Quand même. Mais je sais que tout ce que j’y mets court un risque de devenir un jour un peu plus public que ce que je pensais au départ.)

Pourquoi sommes-nous si prêts à croire à une magistrale bourde de Facebook? C’est vachement grave, quand même, de rendre public des messages privés. C’est arrivé à Twitter et c’était pas joli. Si je concevais un système comme ça, je m’assurerais bien que les baquets dans lesquels on stocke le privé et le public ne se mélangent pas trop côté code. Je suis pas développeuse ni ingénieur, mais d’après ce que nous dit Facebook, quand ils disent que ça peut pas arriver techniquement, c’est à ce genre de chose qu’ils font référence. (Quelqu’un qui sait mieux que moi peut peut-être expliquer.)

Facebook, ces temps, c’est la grosse méchante entreprise. Celle qui est évaluée à des montants astronomiques et qui a fait une entrée en bourse générant bien du schadenfreude chez ses détracteurs. C’est le Big Brother de 2012. Notre Microsoft. La sale entreprise qui fait un profit indécent sur le dos de nos photos de chats. Un service qui devrait être d’utilité publique mais qui est au mains de Zuck. En même temps, on adore passer du temps sur Facebook. On est accro. Amour-haine, quoi. Donc oui, s’il y a l’occasion de dire qu’ils se sont plantés grave, on va sauter dessus! Scandale! Outrage! Drame! Catastrophe!

On est un peu susceptibles. On monte aux barricades pour un oui ou pour un nom. Cf. le fameux statut qui a recommencé à faire ses rondes, mais qui n’est rien d’autre qu’un message en chaîne à côté de la plaque: “Attention, avec la nouvelle version de Facebook, les gens peuvent voir des trucs privés qu’ils devraient pas pouvoir voir, merci de vous bander les yeux quand vous regardez mon profil histoire que vous ne les voyiez pas!”

L’être humain n’aime pas trop le changement. On réagit négativement, on menace de tout quitter. Rappelez-vous les révoltes lors de chaque nouvelle version de Facebook: on est toujours là, et même tellement là qu’on en a oublié comment c’était avant, au point de croire en toute bonne foi que les messages “privés” sur nos murs ne peuvent pas en être, parce que jamais on aurait fait des choses pareilles.

On réagit “contre” parce que c’est du changement. Son contenu importe moins. J’ai d’ailleurs pris l’habitude d’attendre quand quelque chose change et que je n’aime pas. Je sais qu’une bonne partie de mon “je n’aime pas” c’est juste parce que ça a changé. J’ai des nouveaux embouts dans mes appareils auditifs. Ça remplit mes oreilles. Ça change le son. Je n’aime pas. Mais j’attends quelques semaines avant de décider que vraiment je n’aime pas et que je veux revenir en arrière. Parce que ce que je n’aime surtout pas, là, c’est juste que “c’est pas comme j’ai l’habitude”. Bon, moi je suis un cas un peu particulier, parce qu’avec un léger trouble de l’adaptation, j’ai dû me pencher sur ces questions avec beaucoup d’attention. Mais je ressens juste un peu plus fort ce que “tout le monde” ressent face au “nouveau imposé”.

Si on résume?

  • les médias ont bien chauffé la salle
  • on utilisait Facebook bien différemment il y a 4-5 ans
  • notre mémoire est plastique et faillible
  • Facebook a changé ses paramètres de confidentialité de nombreuses fois, et dans le processus certaines choses “un peu plus cachées” sont devenues “un peu plus publiques” (comme les messages du mur)
  • on aime bien taper sur Facebook ou tout autre grand méchant monopole profiteur
  • les espaces numériques semi-publics, c’est pas facile de s’y retrouver (même pour les pros)

 

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Lift11: Hasan Elahi, Giving away your privacy to escape the US terrorist watch list [en]

[fr] Notes de la conférence Lift11 à Genève.

Live and India-lagged notes from the Lift11 Conference in Geneva. Might contain errors and personal opinions. Use the comments if you spot nasty errors.

As an artist, sometimes you just get opportunities thrown on you and you have to take them.

Airport in Detroit, June 19th 2002, flying back from an exhibition in Africa. Hands his passport to the immigration guard who turns white, doesn’t say a word, leads him through a maze to a detention service. He tries to start talking to the guards, they’re just as confused as he is. Lots of other people from all over the world, fear. He’s frazzled, just got off from long flight, hasn’t bathed… Man in a dark suit walks up to him and says “I expected you to be older”.

Hasan says “do you mind explaining what’s happening?” — is answered: “you have some explaining to do yourself”. Is taken to a kind of cell and questioned. Where were you? Gives answers, but doesn’t understand what’s going on. When he says he was in Dakar for an art exhibition, he (who has a hard enough time explaining this to other artists) “I’m a sculptor”. Who funds your travel? Etc.

Out of the blue: where were you on September 12th? On September 26th? He pulls out his palm and looks at his calendar — they went through roughly 6 months of his calendar.

Turns out they’d received a report of an Arab man fleeing on September 12th with explosives — never mind he wasn’t Arab, was giving classes on September 12th, and wasn’t carrying explosives.

The guy ended up believing him and let him go home.

Shortly after he got home, phone call: “we’d like to follow up with you about your interview in Detroit”. Note the vocabulary. Spent the next six months going back and forth to the FBI building in Tampa where he lived. After 9 consecutive lie detector tests, it finally ended (you can’t use lie detectors in court, but it’s OK for national security! irony). “Do you belong to any groups who want to harm the US?” — I work for a university.

At the end, he asks for a letter saying that everything is OK. But in order to be formally cleared, he would have needed to be formally charged, which was never the case. His concern: he travels a lot, and doesn’t want to go through this again because somebody didn’t get the memo. So they gave him some phone numbers — if you’re in trouble, call.

So he ended up voluntarily calling them up each time he traveled to give the info on flights, destinations, etc. Phone calls turned into e-mails, lengthy e-mails, e-mails with pictures, web pages made for the FBI to tell them what he was doing, highlights, here’s what you should see here… and in return “be safe!”. Unbalanced relationship.

During the investigation, he told them everything. Rather than saying “this isn’t legal, I’m walking away”, he told them everything. When face-to-face with somebody who can just take you to Guantanamo without giving you an explanation… you don’t act rationally. He completely cooperated. They knew everything about him.

Massive system though, can’t possibly operate at 100% efficiency. There could be cracks in the data. So he decided to make everything public, to make sure we knew all the FBI knew.

So he wrote a little bit of tracking code. Approached telco companies saying he wanted to build a device that tells people where he is, what he’s doing, and every little detail of his life. “Are you crazy?!” — but now we’re all doing it with Facebook and Twitter, huh.

He decided to tell the FBI everything.

Hmm, record of his flights, but are they thorough enough? Back to birth (though some flight numbers are missing). Photos linked to those flights: airport, airline food… his alibi!

They should also know what he’s eating, so he photographs it all. *steph-note: this guy is good! and funny! and I like what he’s doing!*

He gives everything, but they must still do some of the work of putting the data together 😉 (ie, food records don’t give the year)

All his financial records are public. His phone records. The toilets he uses. They need to know all that!!

Decided to take it to a point of such detailed level (or even absurdity) that it generates so much information about him that he actually leads a pretty private life. *steph-note: exactly my point about putting a lot about myself online, and why I’m not /that/ worried about privacy issues — might be wrong, but hey…*

Having a little information about yourself online is dangerous. Better to bury stuff, and be in control of your own identity *(steph-note: OK, here I want to link to Anil Dash’s post about controlling your identity that I never manage to find when I want to link to it)*.

It takes almost no time to track all this. No different than sending a tweet or a text. He takes out his phone, takes a photo, adds a comment, and sends it to his server. Clunky software though by today’s standards.

Takes very generic photos — but you recognize the space it’s taken in if you know it. Does not include other people who may not be as comfortable as he is in having their whole life online. Other aspect: it’s not about people, it’s just about “data” — “it could be me”.

Yes, the military and FBI do visit his website! (screenshot of logs shows impressive amount of .mil and .gov domains).

It’s not just about devices, it’s about what we do with it. We’re good at collecting information but we’re very bad at analyzing it, and putting it to use. Imagine if everybody in the US was doing this? Would have to rebuild the system from scratch, overflow.

*steph-note: I’m already at the point where I generate so much information I can’t deal with it myself.*

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Vie privée: "Big Brother" contre "ta mère sur Facebook" [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Le thème de la vie privée en ligne (ou son absence) est plutôt présent ces jours. Facebook, oui, bien sûr. Je vous ai déjà dit que ça me sortait un peu par les oreilles, ces histoires de vie privée, partiellement parce qu’on ne cesse de me questionner sur le sujet (enfin là on cesse, enfin, ouf) et partiellement parce que je pense qu’une fois encore, on se fait un peu mousser pour rien.

Je m’explique.

La “problématique” de la vie privée en ligne se résume à mon sens en deux volets.

Premièrement, celui que j’appellerais “ta mère/ton boss sur Facebook“. Dans les espaces numériques semi-publics, il n’est pas toujours aisé de garder à l’esprit qui a accès à quoi. On ne comprend pas bien comment fonctionnent les droits d’accès. On oublie que les objets numériques sont infinement copiables et diffusables, acquérant par là une forme d’immortalité.

Du coup, on s’attire des ennuis parce qu’on publie dans un espace plus public qu’on ne l’imaginait des informations que l’on aurait souhaité garder un peu plus privée. On fait des choses bêtes comme se plaindre amèrement de son travail sur Facebook alors que son patron y a accès. On pense que son mur est visible uniquement aux amis, alors qu’il s’étale sous les yeux des amis d’amis (autant dire “tout le monde”). On voit ressortir des photos de jeunesse publiées à l’époque sur un forum peu fréquenté, et qu’on avait complètement oubliées entre-temps.

Vous voyez l’idée?

Deuxièmement, “Big Brother“. On confie à des entreprises ou des institutions (même des gouvernements) une quantité effrayante d’informations à notre sujet, et l’on peut craindre qu’il en sera à un moment donné fait mauvais usage. Facebook et Google s’en servent pour nous mettre des pubs ciblées sous le nez, mais ça peut aller plus loin. 1984 est loin derrière nous, mais le spectre de Big Brother est encore bien présent.

Même si ces deux problématiques se rejoignent par endroits, je crois qu’il est important de les distinguer dans nos discussions autour de la vie privée en ligne. A mélanger les deux, on plaque sur des incidents genre “ton directeur sur Facebook” les peurs de Big Brother, alors qu’on paie par carte de crédit sans sourciller depuis des années, que Cumulus et Supercard se tiennent bien chaud dans notre portefeuille, que nos banques sont informatisées depuis belle lurette, nos dossiers médicaux sont en bonne voie de le devenir, et qu’on parle régulièrement de vote électronique.

Vous voyez où je veux en venir? On a deux poids, deux mesures pour notre peur de Big Brother: on flippe dès qu’il s’agit d’internet, alors qu’on n’y pense même plus pour les actes quotidiens que l’on fait depuis des années. Et en ligne comme hors ligne, les garde-fous sont avant tout juridiques et règlementaires, avant d’être technologiques — ou même éducatifs. A mon avis, donc, pas mal de bruit pour rien, surtout s’il provient de personnes qui sortent sans hésiter VISA ou Mastercard. Il faut en parler, certes, mais s’alarmer, c’est plutôt contre-productif.

Je pense que la problématique “ta mère sur Facebook”, par contre, est à prendre beaucoup plus sérieusement qu’elle ne l’est. Nous avons un besoin urgent d’apprendre à vivre dans ces espaces numériques semi-privés, où notre intuition ne nous sert malheureusement pas tellement. La solution, là, est de l’ordre de l’éducation — et je peux vous dire, il y a du boulot.

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Google Buzz, il faut en parler quand même [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

J’essaie d’éviter de me jeter sur les sujets d’actualité, parce qu’il y en a assez qui font déjà ça, et souvent bien mieux que moi. Mais je vais quand même dire quelques mots sur Google Buzz, que vous avez vu passer dans votre boîte e-mail si vous avez une adresse Gmail.

Google Buzz, c’est la réponse de Google à Twitter et Facebook. Un flux de nouvelles provenant de votre réseau, auxquelles on peut répondre, un ruisseau de vie numérique dans lequel on plonge quand bon nous semble.

Jusqu’ici, et compte tenu du peu de temps que j’ai passé avec ce nouveau jouet, il y a deux commentaires intéressants à faire: l’un concernant la nature des publics auxquels on s’adresse via les médias sociaux, et l’autre concernant (encore et toujours) la vie privée. Et comme on pourrait s’y attendre, ces deux problématiques sont liées.

Le jour du lancement de Buzz, coup de fil d’un journaliste, ancien camarade d’études, qui me pose une question tout à fait pertinente: y a-t-il encore de la place pour un nouvel acteur face à Twitter et Facebook? Oui, clairement, il y a de la place. Il y a de la place, parce que l’élément déterminant dans les médias sociaux, plus que la technologie, c’est la communauté. Les gens sur Twitter ne sont pas les mêmes que les gens sur Facebook, et ceux-ci sont encore différent de ceux qui vont utiliser Buzz.

C’est la façon dont se construit notre monde dans les médias sociaux: des publics différents dans des endroits différents, mais qui se recouvrent partiellement. Du coup, on ne parle pas aux mêmes personnes via Facebook, Twitter, ou Buzz — même si certains essaient de tout centraliser-harmoniser-uniformiser en synchronisant leurs mises à jour sur tous ces services.

C’est ces publics différents qui ont été à la base d’une levée de boucliers assez immédiate et violente à l’encontre de Google Buzz, dans les jours qui ont suivi sa mise en service. En effet, Google Buzz propose de “peupler” votre liste de personnes “à suivre” en se basant sur les personnes avec qui vous chattez et correspondez le plus souvent.

Ça peut paraître une bonne idée a priori (ces personnes sont effectivement probablement des personnes importantes de votre monde) mais il y a un gros hic: Google Buzz est public, alors que nos conversations par e-mail ou par chat ne le sont clairement pas. Est-ce qu’on a vraiment envie d’exposer aux yeux du monde entier quelles sont les personnes avec lesquelles on chatte et on e-maile le plus? Probablement pas. (Pour ma part, j’ai été proprement horrifiée quand j’ai découvert que ma liste de “contacts proches” avait ainsi été rendue publique à l’insu de mon plein gré… enfin, pas vraiment à mon insu, car j’ai cliqué “OK”, mais je ne m’étais vraiment pas rendu compte de ce que je faisais!)

Heureusement, Google est à l’écoute, et a réagi rapidement à ces soucis de confidentialité en modifiant les réglages par défaut de Buzz.

Une source de confusion, à mon avis, est l’emplacement de Google Buzz. Eh oui, dans votre boîte de réception e-mail! Si c’est pas mélanger le public et le privé, ça, je ne sais pas ce qui l’est. Il faudra s’attendre à bien des confusions, comme après les changements dans la politique de confidentialité de Facebook, où l’on verra des internautes innocemment partager avec le monde entier des informations qu’ils destinaient à un public bien plus restreint… un des éternels problèmes d’internet.

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Google Buzz Privacy Issue: How to Hide People You're Following on Your Profile [en]

Yesterday, I got a call from a journalist about Google Buzz. I didn’t have much to say as I hadn’t read up on it and my account was not active yet. A few hours later I got a chance to play with it a few minutes before going out, quite liked it, left it at that.

Today, I’m pretty disturbed. Without going into deep analysis, here is the reason: Google Buzz displays the list of people I’m following (and those who follow me) on my public Google Profile.

Why is this an issue? After all, Twitter as been displaying followers/followees forever.

This is an issue because the default people Google Buzz makes me follow when I activate the service are the people I chat with and e-mail the most.

Chatting and e-mail happen in the private space. It’s nobody’s business who I chat with most, and who I e-mail regularly. I do not want that data exposed.

Buzz, on the other hand, is “public”. It’s Twitter-like. Come to think of it, I’m not sure it belongs anywhere near my inbox. (Wave might, though, but that’s another story.)

This is a nasty messy ugly mixture of public and private, where private information is suddenly made public without us being really aware of it.

Thankfully, there is a way to hide those lists from your Google Profile. Edit your profile and uncheck the “Display the list of people I’m following and people following me” checkbox on the right, as in this screenshot.

Hide people you're following on Buzz

I’ll quote from the article I mentioned above, for what Google should have done here:

The whole point is: Google should just ask users: “Do you want to follow these people we’ve suggested you follow based on the fact that you email and chat with them? Warning: This will expose to the public who you email and chat with most.”  Google should not let users proceed to using Buzz until they click, “Yes, publish these lists.”

Or simply, make these lists private by default.

Update 14:35: Suw Charman-Anderson has some thoughts on Google Buzz: Not fit for purpose that you also might want to read.

Update 12.02.2010: Google have reacted to the concerns about “following list” privacy and have planned some changes. Suw comments upon them at the bottom of her updated post.

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Atelier IIL sur les médias sociaux: liens et ressources [fr]

[en] Here are links for the teachers who attended my workshops on social media this morning at the IIL in Geneva. Many of the links are in English, so click through them even if Frenc

Ce matin, j’étais à l’Institut International de Lancy dans le cadre d’un formation continue mise sur pied par l’IFP, pour animer deux ateliers consacrés aux médias sociaux dans le milieu scolaire. Comme promis aux enseignants présents (j’en profite encore d’ailleurs pour vous remercier de votre accueil et de votre participation!) je vous donne ici les liens vers les deux présentations Prezi (le tueur de Powerpoint) qui m’ont servi de support, ainsi que quelques liens à explorer:

Les deux présentations en ligne vont évoluer un peu au fil du temps, comme j’ai bien l’intention de les étoffer pour mes prochains ateliers!

Mise à jour 07.01.10: pour s’essayer au blog, ou carrément se lancer dedans, je recommande la plate-forme WordPress.com, ou WordPress.org pour faire une installation sur son propre serveur web — c’est le système qu’utilise le blog que vous lisez en ce moment. Il existe toute une communauté francophone très active autour de WordPress.org. Je vous encourage également à créer un compte Google si vous n’en avez pas encore un afin d’essayer Google Docs et ses documents partagés.

Mise à jour 07.01.10, 19:30: un autre article à lire absolument (merci Jean-Christophe!), c’est “Facebook doit entrer à l’école“. Vous en avez d’autres? Laissez un mot dans les commentaires avec le lien!


Mise à jour 12.01.10: de l’importance des ses mots de passe et de protéger sa boîte e-mail, clé centrale de son identité en ligne, lisez Cette année, le père noël était un pirate (mais pas ce genre de pirate, attention!)

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Facebook: le règne du semi-public [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

En décembre, Facebook a mis en place de nouveaux réglages de confidentialité pour ses utilisateurs. J’ai passé la journée à lire, tester, et enquêter sur la question en préparation d’un atelier que je donne la semaine prochaine et ai compilé une petite liste des principales conséquences de ce changement pour ceux d’entre vous que ça intéresse. Je vous laisse par contre aller lire tous seuls comme des grands “Peut-on encore parler de vie privée sur Facebook?” chez ReadWriteWeb France si vous voulez des détails, parce que ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est une problématique plus large:

  • le “véritablement privé” n’existe pas en ligne (on pourrait même aller jusqu’à dire qu’il n’existe pas dans les espaces numériques)
  • de plus en plus, on voit tous un internet différent.

En bousculant nos réglages dans le sens du “moins privé”, Facebook a au moins le mérite de nous encourager à nous arrêter pour nous poser des questions. Qui précisément peut voir ce que je mets sur mon profil, ou ailleurs sur internet, pendant qu’on y est? Si j’écris un message sur le mur de quelqu’un d’autre… Est-ce que je me rends compte que selon les réglages du propriétaire du mur, mon gribouillis est potentiellement visible au monde entier? Et si mes photos de soirée sont accessibles aux amis de mes amis… ça fait vite beaucoup de monde.

Toutes ces questions sont souvent bien floues pour le public non spécialiste, même si la plupart des informations publiées sur Facebook sont au pire embarrassantes si elles tombent entre les mauvaises mains. Par contre, il faut à mon avis prendre au sérieux ce manque de conscience du caractère semi-public de nos expressions numériques, ne serait-ce que parce que celles-ci peuvent être copiées, multipliées, et diffusées à l’infini en quelques clics de souris. Internet bouscule nos catégories “public” et “privé”, et il est normal qu’on ne sache pas intuitivement comment s’y comporter sans dérapages.

Tirer des boulets rouges sur Facebook n’est pas non plus la solution (même s’il faut protester quand un service qu’on utilise nous fait des entourloupes du genre, clairement) puisque de plus en plus, nous faisons l’expérience du web et d’internet à travers des comptes utilisateurs qui en personnalisent le contenu. Un exemple? Les résultats d’une recherche Google, désormais, sont personnalisés pour chaque utilisateur. Eh oui: les résultats que vous voyez ne sont plus forcément ceux de votre voisin (lire cet excellent topo sur la question si la langue de Shakespeare ne vous rebute pas).

Comprendre qu’on voit tous un web différent, que les règles régissant qui voit quoi sont complexes et nous permettent ainsi difficilement de prédire ce que voit l’autre, que le privé comporte toujours une certaine part de public (et peut le devenir brutalement): des compétences indispensables pour appréhender la culture numérique à laquelle il est de plus en plus difficile d’échapper, à moins de se résoudre à vivre tout seul sous un très très gros caillou.

Sur ce, je vous laisse filer faire le ménage dans vos paramètres de confidentialité Facebook, histoire de démarrer l’année 2010 d’un bon pied!

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Facebook Privacy Settings: First Results [en]

I spent most of my day reading a collection of posts about the privacy setting changes Facebook made in December 2009 (thanks, David!) and looking at the screenshots of privacy setting pages a bunch of you sent me (thanks so much — if you haven’t sent me screenshots and would like to do it now, it’s not too late!) Thanks a lot also to those of you on Twitter who helped me out by answering questions or giving me feedback on what was or not visible on certain pages.

So, here is an unordered list of my preliminary findings:

  • Your profile and certain elements of it are “publicly available information” and there’s nothing you can do about it: your name, profile photo, list of friends, pages you are a fan of, gender, networks to which you belong, and current city (so don’t try to hide your list of pages from your public profile, you can’t).
  • You cannot hide your list of friends from your friends, and by default, it appears on your public profile (steps to remove your friends’ list from your public profile are a little counter-intuitive).
  • Your relationship status, gender preference and “looking for” information are now in the same setting as who are your family members. Unless you set this to “only me” your “relationship stories” will be published to your news feed (there used to be a way to opt out certain types of “stories” from your newsfeed — that is not possible anymore). Anybody else notice how there are suddenly more “relationship stories” in your newsfeeds? 😉
  • It seems that the “show public profile in search engine results” is now checked by default, even if you had unchecked it previously. You might want to make sure it’s the way you want it. (Anybody else getting an annoying alert asking you if you’re scared of search engines?)
  • Did you know that your friends can share information about you through the applications that they install?
  • Checking out my ex-students profiles (I’m not friends with them, but have “common friends” with many) I got to see a lot of wall posts and photographs that were probably not intended for the public at large. This tells me that they’re probably not aware of how public what they are posting is (even if most of it is quite innocuous, it’s a problem that people do not have a clear picture of how public or private the information they publish is).
  • Based on the screenshots I received, not many people seem to be taking advantage of friend lists to manage their privacy. I have lists and love the idea of being able to use them like this, but curating the lists is a lot of work and mine are very messy.
  • One of the big changes is that you can now specify how public each item you post is. However, I’m not sure how “Everybody” is supposed to access one of my wall posts if my public profile does not show my wall (my posts are by default “Friends Only”).
  • If you post on a friend’s wall, that posting inherits your friend’s privacy settings for “Posts by friends” (which might be “Everybody”!) and as far as I can tell, you have no way of knowing what those settings are. It also seems that when you comment upon a post, the comment inherits the privacy settings of the commented item (not 100% sure about this, can anybody confirm)?
  • You cannot completely hide from applications anymore.

Always happy to receive more screenshots or interesting links.

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Call For Screenshots: Facebook Privacy Settings [en]

I’m giving a workshop on Wednesday to a group of teachers on Facebook privacy settings. Of course, Facebook changed their privacy settings in December, so I’m having to scramble to get up to speed before giving the workshop. This is why I’m asking for your help.

I was pointed to an article about the new settings, but I’m sure there are other good ones out there: 10 New Privacy Settings Every Facebook User Should Know — please leave links to articles you found useful in the comments.

The main thing I’d like to as your help for is that I’d like a little collection of examples of privacy settings — mainly to help me understand what settings people are using, and possibly as examples to show at the workshop. I will anonymise any identifying information like e-mail addresses etc which might appear in the screenshots, no fear! Here are links to the various pages I’d love to receive screenshots of, if you have a few minutes to indulge me (e-mail firstname dot lastname at gmail — you know what my name is, don’t you?):

Don’t feel like you have to send me screenshots of all of these if you think it’s a lot — anything more than nothing is great for me. If you want to explain why you use certain settings, I’d love to hear about it too (in the comments or by e-mail).

A huge thanks to those of you who’ll take a few minutes to provide me with material!

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