Je vous raconte encore Tounsi [fr]

[en] More memories of Tounsi.

Tounsi. Chat gris et blanc. Un joli gris très gris, avec des marquages discrets. Un blanc immaculé. Cape sur les épaules: chat blanc depuis devant, chat gris depuis derrière. Triangle blanc sur la hanche, qui m’a permis de l’identifier avec certitude, perché au quatrième sur le balcon d’une dame pavée de bonnes intentions, quelques semaines après son adoption. Une truffe rose, flamme blanche sur le nez, légère asymétrie. Un peu de maquillage.

Sous-poil blanc dans le gris argenté, bien visible en soufflant un peu ou en passant la main. Ou même au détour d’une toilette.

Tounsi, chat à la drôle d’allure. Les yeux ronds et la bouche ouverte, d’abord. Impossible à fermer à cause d’incisives qui se chevauchaient. Retrait de celles du bas, il lui était resté celles du haut, un peu de traviole, les dents du bonheur. Un air toujours un peu surpris et étonné, une expression très humaine qui ne le rendait que plus attachant.

Des côtes larges, de longs membres fins, un poil doux comme la soie, tellement doux. La tête un peu plate, l’arête du nez et le front dans le même alignement. Heureusement il n’a jamais dû porter de lunettes, elles auraient eu du mal à tenir. Les coudes qui sortent pour une drôle de démarche. Une longue queue gracieuse pour un grand chat élancé. Une tendance à l’embonpoint pour cause de rapport un peu frénétique à la nourriture, contrôlée par des croquettes spéciales puis, effet secondaire heureux, ses anxiolytiques. Oui, les anxiolytiques, grand chapitre.

Outre son côté “j’ai peur de rien”, Tounsi était un chat qui marquait. Pas juste dehors, comme Bagha. Dedans. Partout. Tout le temps. Dieu merci, de l’urine en petites quantités, et elle ne sentait pas trop fort. Mais quand même. J’ai passé beaucoup de temps à nettoyer. J’ai utilisé des litres de Feliway. Un jour, alors que je partageais mon désespoir avec les assistantes vétérinaires du cabinet, et que je me demandais si cela valait la peine de changer mes meubles souillés pour qu’il se mette aussitôt à pisser sur les nouveaux, l’une d’elles me recommande de consulter un comportementaliste. Ce que je fais.

Et c’est là que je découvre que Tounsi est dans le genre anxieux/angoissé. Je relis plein de comportements, son état d’alerte constante, à la lumière de ce diagnostic. Je me rends compte que j’avais complètement passé à côté d’un aspect important de la personnalité de mon chat. Ça transforme complètement notre relation. Et entre les médicaments et les changements que j’apporte à son environnement et à mon attitude avec lui, les marquages finissent par cesser complètement.

Tounsi, chat anxieux. Toujours aux aguets. Oreilles rondes sans plumets, toujours sur le qui-vive, radars en mouvement, même lors de la sieste. Tout savoir, tout contrôler. Tout voir. Du coup, Tounsi, chat curieux. Le nez dans le sac de courses, et même dans la salade. Sentir, savoir ce que c’est. L’odorat, tellement important pour un chat.

Tounsi avait l’habitude de gratter à la fenêtre. Un peu nonchalamment, d’une patte, tout en restant tranquillement assis. “Ouvre-moi la fenêtre, que je puisse sentir les nouvelles!” Sortir aussi, parfois, lorsqu’il était à l’eclau. Mais surtout, sentir le monde. Une fenêtre fermée pour un chat, c’est comme un store baissé pour nous. L’odorat est leur premier sens.

Il n’a jamais appris à vraiment demander à sortir. Je devais deviner. Gratter ou miauler à la porte, même attendre devant? Jamais. Par contre, il faisait des allers-retours dans l’appartement. Il marquait, ou faisait mine de marquer. Il grattait à la porte du balcon. J’ai passé beaucoup de temps à demander “Tounsi, tu veux sortir?” en allant à la porte d’entrée.

Comme Bagha, et Quintus, il savait rentrer “tout seul” dans l’immeuble et puis dans l’appart, par la “chatière de fortune” de la porte entrouverte avec la chaîne de sécurité. Dernièrement, il avait aussi pris l’habitude d’aller gratter à la porte de ma voisine du dessus, où il parvenait parfois à s’enfiler pour engouffrer croquettes et pâtée. Elle le ramenait chez moi, ou allait lui ouvrir en bas.

Il était intelligent, très, mais son intelligence ne suivait pas forcément les mêmes chemins que la nôtre. C’était un chat, après tout.

Chat qui marque: Tounsi et le comportementaliste [fr]

[en] My cat Tounsi has been spraying (marking his territory with urine) since I first got him. About a year ago I finally took the plunge and went to see a behaviour specialist vet. It was a great idea. Spraying is now under control, even though we're not down to zero. But I'm not cleaning every day, I was able to change my pee-imbibed bookcases, and my flat never smells of cat pee. I should have done that years ago!

Lasse de faire la chasse au marquage urinaire dans mon appartement, j’ai fini l’an dernier par consulter un vétérinaire comportementaliste, suite à la suggestion d’une assistante vétérinaire dans mon cabinet habituel. Grand bien m’en a pris, et je regrette de ne pas y avoir été trois ans plus tôt. Je vous raconte.

Tounsi

Le comportementaliste, c’est un peu le psy pour chats, sauf que bien sûr, comme il s’agit d’un chat, c’est le maître qui doit faire tout le travail. La couleur était annoncée d’entrée, et je n’en attendais pas moins.

J’ai donc fait 25 minutes de voiture avec mes deux chats (eh oui, le contexte c’est important!) pour une première séance de plus de deux heures. Le vétérinaire a observé les chats, bien entendu, mais m’a aussi posé trois tonnes de questions. Je lui ai tout raconté, plan de l’appartement qu’il m’avait demandé et photos à l’appui: le caractère des chats, à quoi ressemble notre quotidien, leur relation et son évolution, ce que j’ai essayé, comment je réagis, plus une myriade d’autres choses que je n’aurai pas forcément pensées significatives (c’est pour ça que c’est lui le comportementaliste et pas moi).

Tounsi in basket

Le marquage, c’est complexe. Difficile de mettre le doigt sur “une cause”. Dans le cas de Tounsi, je suis repartie avec les éléments suivants:

  • Tounsi est un chat anxieux. Je m’en doutais (j’avais remarqué qu’il sursautait facilement), mais je n’arrivais pas à en faire sens compte tenu de sa témérité (y’a pas d’autre mot) face au monde. C’est le chat qui entend la tondeuse à gazon et court à travers le jardin pour voir ce que c’est. L’explication, c’est que Tounsi veut tout contrôler, maîtriser, surveiller. S’il se passe quelque chose il doit aller voir, être au courant. Ça colle avec sa tendance à ne dormir toujours qu’à moitié, et ses oreilles sans cesse en mouvement. Tout ça, c’est stressant — ou signe de stress. Certainement une histoire de tempérament…
  • Dans le marquage, il y a un élément important d’habitude. Compte tenu du fait que Tounsi ne marque pas au chalet ni à l’eclau (une ou deux exceptions cependant), ça laisse penser qu’il marque parce qu’il a l’habitude de marquer. Il est possible que quelque chose ait déclenché l’affaire, mais s’il ne marque pas deux étages plus bas dans le même immeuble, on peut penser que ce déclencheur n’est plus là.
  • Un autre élément c’est “l’appel” de marquages précédents. Ça fait des poteaux “zone de marquage”, même si nous ne sentons plus rien. Le nettoyage à l’eau et/ou au savon neutre ne suffit pas, il faut utiliser un produit qui décompose les molécules d’urine, et dresser un poteau “zone de détente” avec du Feliway en spray (phéromones faciales).
  • Tenter de donner à Quintus une autre nourriture, que Tounsi préfère, et qu’il arrive parfois à voler en étant assez aux aguets, ça augmente son stress.
  • Gronder le chat qui marque aussi: mieux vaut l’ignorer que faire monter la tension.
  • Je n’avais pas réalisé que c’était aussi important de jouer avec des chats qui sortent. Lancer de croquettes, cacher la nourriture sous des pots de yoghurt pour l’obliger à “chasser”, jouer avec une ficelle. Même si le chat ne semble pas joueur, s’il dresse les oreilles et regarde le jouet, c’est déjà un début. Persévérer, et faire des petites séances très courtes mais nombreuses! Essayer d’intégrer ça à ses propres activités au maximum, c’est plus facile de tenir sur la durée.
  • Sprayer religieusement de Feliway les nouveaux objets et meubles dans l’appartement. Idem pour les endroits où le chat a marqué récemment. Après, on peut relâcher l’effort. Ça peut aussi valoir la peine, dans un premier temps, de couvrir certaines surfaces de papier d’alu (il semble qu’ils aiment pas trop pisser contre) et de mettre en hauteur livres et autres objets difficiles à nettoyer.
  • Comme pour les humains, des fois un accompagnement médicamenteux peut s’avérer utile: Tounsi est donc reparti avec une demi-dose de Clomicalm, qu’on a doublée par la suite, et à laquelle on a récemment ajouté le Zylkène.

Résultat: du beau progrès. J’ai pu changer mes meubles imbibés de pipi, Tounsi est toujours un chat en alerte mais il est moins stressé. Il reste quelques minis épisodes marquage mais mon comportementaliste ambitieux pense qu’on peut encore faire du progrès!

Tounsi in cave

Note: j’ai commencé à rédiger cet article il y a un an… je crois. J’avais sûrement d’autres choses à dire qui se sont perdues en route! Posez vos questions, j’aurai sûrement des détails à rajouter dans les commentaires.