Le monde a changé (Cluetrain 101 pour formation SAWI MCMS) [fr]

[en] This is a "Cluetrain 101" presentation I gave as part of the course I teach at SAWI on community management and social media. It was initially published on the course blog.

Je co-dirige la formation au diplôme SAWI de spécialiste en management de communautés et médias sociaux. Cet article a initialement été publié sur le blog du cours [voir l’original].

Si cette présentation est une “introduction au Cluetrain”, c’est en tant que le Cluetrain Manifesto est le représentant et l’expression d’une culture — et même, si on veut oser les grands mots, d’un changement de paradigme. Mon but n’est donc pas tant de faire un résumé du livre (lisez-le plutôt!) mais d’aborder un certain nombre de thématiques qui permettent de comprendre en quoi internet a profondément (à débattre!) changé la façon dont les organisations intéragissent avec les gens, que ceux-ci leur soient intérieurs ou extérieurs.

Sans vouloir mettre par écrit ici tout ce que je vais dire, voici la présentation Prezi qui servira de base de discussion, ainsi que quelques notes aide-mémoire.

Pas vraiment changé

  • retour à des valeurs pré-industrielles
  • “les marchés sont des conversations” => “les marchés sont des relations” — ça va plus loin!
  • culture de masse comme anomalie historique — traiter les gens en masse comme on traite les objets sur la chaîne de production

Perte de contrôle

  • une des conséquences les plus visibles, et les plus déstabilisantes pour la culture d’entreprise classique
  • démocratisation de la parole publique, redistribution du pouvoir (VRM)
  • on a les moyens de remettre en question les “messages” qu’on nous sert

Objets numériques

  • les lois de la physique n’ont plus cours en ligne
  • donner sans perdre (cf. tout le débat sur le partage de fichiers)
  • économie basée sur la rareté qui perd ses repères dans un monde d’abondance
  • “ideas want to be free”

Différentes conceptions d’internet

  • ville: celle des gens qui y vivent et y créent (des liens ou de la culture)
  • bibliothèque: celle des consommateurs d’information
  • télé: celle des annonceurs

Voix humaine

  • reconnaissable, désirée
  • très différente de celle de la communication officielle, du blabla publicitaire ou marketing
  • écoute, authenticité (qui n’est pas un vain mot), partage, humour, personnalité, transparence (jusqu’où?)
  • c’est la seule qui rend possible la relation (essayez d’avoir une conversation sensée avec un robot de service clientèle ou un communiqué de presse publié sur un blog)

Conversation

  • pas juste deux personnes qui parlent (être vraiment présent, authentique, désintéressé, transparent)
  • il ne suffit pas de dire qu’on a une conversation pour en avoir une (cf. blocages à la communication)
  • importance de la narration — ce n’est pas par hasard qu’on aime les conversations et les histoires
  • les conversations ont lieu de toute façon — l’entreprise peut rester extérieure ou se mouiller
  • on n’est plus dans une logique de broadcast; la profondeur des échanges importe plus que leur nombre

Bouche à oreille

  • le plus grand influenceur
  • en ligne, prend une autre dimension (espace public + objets numériques)
  • libre choix de ce dont on parle, d’où sa valeur
  • véhicule: la voix humaine

Espaces semi-publics

  • difficulté à se positionner
  • le cloisonnement en perte de vitesse
  • impose la réconciliation de discours parfois contradictoires
  • “public” élastique (taille, nature)

Réseaux

  • renversent la hiérarchie
  • réseaux de gens, réseau hypertexte — le double réseau internet
  • chacun en son centre, propagation, veille, recherche

Communautés

  • groupes restreints
  • investissement émotionnel
  • émergent de la complexité des rapports entre les gens et aux choses

Retour à la conversation: en quoi internet change-t-il la donne pour vous? Si on prend quelques pas de recul sur nos peurs, que peut-on dire sur ce qui se passe dans le monde? En y regardant de près, beaucoup des thèmes que nous avons abordés sont présents dans la fonctionnement de l’entreprise classique, mais clandestinement ou inofficiellement.

Liens en rapport, ou notes de dernière minute:

Lisez le Cluetrain Manifesto [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

“Lisez le Cluetrain Manifesto!” Voilà mon refrain, que je répète comme un vieux disque rayé depuis des années.

Je l’ai lu tardivement, ce Cluetrain Manifesto, qui a fêté l’an dernier ses dix ans. En 2006 je crois, ou peut-être 2007. Blogueuse de longue date, voyez-vous, je ne pensais pas qu’il m’éclairerait beaucoup. J’avais bien entendu lu les 95 thèses du manifeste qu’on trouve facilement en ligne (elles sont d’ailleurs traduites en français), et… c’était quelque part entre “c’est évident” et “je ne vois pas vraiment l’intérêt”.

Et puis j’ai lu le livre. Quelle révélation! Effectivement, mon expérience en ligne me rendait déjà tout acquise aux thèses que défend le Cluetrain, mais sa lecture m’a donné le vocabulaire qui me manquait pour mettre en mots tout ce que je croyais. A sa lecture, les pressentiments informes ont fait place aux arguments solides. Je pouvais enfin expliquer en quoi internet changeait fondamentalement les règles du jeu, et pourquoi les blogs (et autres outils en ligne “sociaux”) étaient si importants.

Que vous regardiez la culture en ligne comme un objet bizarre, ou qu’au contraire vous soyez tellement immergé dedans que vous peinez à expliquer vos évidences à “ceux du dehors”, je ne peux que vous encourager à prendre la peine de lire le Cluetrain Manifesto. Il peut être lu gratuitement en ligne dans son intégralité, mais personnellement, j’ai un faible pour le format papier quand il s’agit d’écrits de cette longueur. C’est quand même plus agréable de pouvoir se vautrer sur le canapé avec un bouquin que de rester vissé des heures à lire sur son écran. (Enfin, chacun son truc. Je préfère le canapé.)

C’est en anglais, mais lancez-vous quand même. C’est drôle, c’est bien écrit, c’est irrévérencieux, c’est plein d’anectodes. Il y a certes eu une traduction française mais celle-ci est épuisée. (“Liberté pour le net” chez Village Mondial, quelqu’un connaît l’éditeur? Je ne suis pas fan du titre, j’avoue, “Le manifeste des évidences” c’est nettement plus heureux, comme choix.)

Il y a plusieurs années de cela, coincée à une conférence sur les blogs un peu raide, et frustrée de me retrouver dans des conversations stériles avec des dirigeants d’entreprise qui m’expliquaient avoir tout compris aux blogs (“c’est très bien les blogs, il faut juste complètement contrôler ce que les employés écrivent”), un ami et moi plaisantions que nous aurions mieux fait de venir avec une pile d’exemplaires du Cluetrain Manifesto à distribuer, plutôt que de se fatiguer dans des dialogues de sourds.

Aujourd’hui, j’ai mon petit stock au bureau, à donner à amis et clients. Je viens d’en faire l’expérience dans un autre domaine: il y a toujours plus de chances qu’on lise un livre si on l’a déjà entre les mains, plutôt que si on doit aller l’acheter ou le commander.