Quintus, étapes d’un adieu (4) [fr]

Quintus, étapes d’un adieu (3)

16.12.2020 19:39

Ce soir, pour rentrer du travail, je pédale le coeur lourd. Après une journée de normalité, je réalise soudain qu’à mon retour chez moi il n’y aura pas de Quintus, pas la joie de le revoir, de le laisser frotter sa tête contre la mienne, d’enfouir mon visage dans son ventre pour sentir sa douceur et son odeur.

Pas l’inquiétude non plus de voir s’il va bien, s’il a mangé, s’il dort bien paisiblement… mais juste là j’oublie l’inquiétude, il n’y a que le manque, ma douleur voudrait faire machine arrière, effacer lundi, effacer sa mort, essayer encore quelque chose pour le garder près de moi, sûrement, il devait bien y avoir encore quelque chose à faire!

C’est bien normal, et je le sais. Mais ça n’ôte rien à ma peine. Et par-dessus tout ça, je me retrouve avec d’autres tracas personnels à gérer, dont je me passerais bien.

Juste là Quintus me manque, j’aimerais revenir sur ma décision, faire autrement, défaire tout ça et pouvoir le tenir encore dans mes bras. Ne pas avoir à faire face à son absence. Ce sentiment, c’est celui des larmes qui frappent à la porte, et qu’il faut laisser venir, même si ça fait mal.

Parce que ça fait mal, en fait, et que c’est malheureusement le seul chemin vers l’acceptation.

Que je n’aime pas devoir traverser ça à chacun des grands “jamais plus” de la vie. Jamais plus mon chat, jamais plus nos moments partagés, jamais plus m’émerveiller de ta beauté, jamais plus sentir ta langue râpeuse sur ma joue, jamais plus tes adorables pattes toutes noires dessous, ton sourire quand tu dormais, ton confort quand tu t’étirais…

Pourtant, on en avait déjà derrière nous, des jamais plus: tes pattes autour de mon cou quand je te tenais dans mes bras, ton accueil à la porte, te voir grimper les arbres, ramener des souris, courir dans l’herbe, venir d’autorité sur mes genoux quand j’essayais de travailler, faire la toilette à ton frère, à Tounsi ou aux chatons, observer le monde du balcon, ton regard quand tu me voyais encore, ta queue dressée bien haut pour montrer ta satisfaction, jusqu’à ce que tu ne puisses plus, les tours d’immeuble que l’on faisait ensemble, quand ta vue baissait mais que je ne le savais pas, tes pattes dans la neige, ton corps sur ma tête pour mieux dormir, ton ronron fort et quasi constant qui n’était à la fin presque plus perceptible…

Une vie, quand elle est finie, se résume à des souvenirs et des traces laissés dans d’autres vies. Quintus aura marqué la mienne, et celle de sa première maîtresse, mais aussi celles de quantité d’autres personnes qui l’ont rencontré, en personne ou par écran interposé. Il aura aussi marqué la vie de centaines de chats diabétiques francophones, puisque c’est sa maladie qui m’a inspirée pour créer la communauté “Diabète Félin”. Il a vécu une belle vie de chat, une belle vieillesse aussi. Mais tout ça ne me console pas. Je m’en fiche de tout ça: je veux juste qu’il ne soit pas mort, que l’âge ne l’ait pas rattrapé, qu’il soit encore sur mes genoux à ronronner, son poil si doux sous ma main.

C’est ainsi. Il faut faire avec l’absence, il faut faire aussi avec ce mouvement qui rejette absolument l’absence tout en sachant que c’est en vain, et accepter de s’effondrer dans la peine qui l’accompagne. Encore et encore, jusqu’à ce qu’au fil des jours, au fil des semaines, l’absence finisse par devenir plus supportable.

18.12.2020 21:49

Je me rends compte qu’au fil du lent déclin de Quintus, ces dernières années, je n’ai jamais vraiment pris le temps de faire le deuil de ce qu’il perdait en route, tellement j’étais soulagée et reconnaissante qu’il soit toujours là.

J’ai été terriblement triste qu’il perde la vue. Ça a été graduel, et sa vie s’est rétrécie progressivement à mesure qu’elle s’assombrissait. Pendant un temps il me suivait dehors, et on se promenait ensemble. Puis sa mobilité s’est réduite, je le portais en haut du chemin, et il rentrait. Au début il se repérait bien dans l’appartement, puis, la confusion de l’âge aidant, c’est devenu de plus en plus difficile, navigant les murs au toucher.

A la mort de Tounsi, ma tristesse terrible de le perdre était augmentée de ma tristesse pour Quintus, car je savais qu’à son âge et dans son état de santé les chances qu’il retrouve un “copain chat” étaient très faibles. Pour lui, fini les siestes à deux, la toilette mutuelle, les chamailleries, la stimulation de la présence de l’autre, et simplement, la compagnie.

Chaque fois qu’il a été gravement malade, il en est ressorti diminué. Mais j’étais déjà si heureuse qu’il ne soit pas mort. C’est bien de focaliser sur le positif, mais il ne faut se voiler la face non plus pour le négatif.

Le Quintus qui est mort lundi était bien différent du Quintus qui est arrivé pour de bon dans ma vie en 2012. Il était même bien différent du Quintus d’il y a 3 ans, d’il y a deux ans, un an. Quelques mois, même. J’ai regardé encore et encore ce qui allait: il est autonome pour manger, il se déplace jusqu’au balcon et retour, il aime les caresses, il ronronne. Ce qui me restait de mon chat. Jusqu’à la fin, où il n’en restait plus rien.

22.12.2020 10:29

When a kind of calm washed over me in the couple of days after Quintus’s death, I thought the worst was behind me, in those 10 agonizing days whilst I tried to decide if it was indeed time or not, and how to go through with it.

I may have been wrong. But things are not bad in the way I imagined they might be. I’m not crying all day or feeling actively miserable all the time. It’s more like I feel very down, very empty, not functional. I don’t recognise myself. I broke down at work the other day. I forget things. I make mistakes. I feel like life has been emptied of all its good things. And overall, I just realised I feel ashamed for not “dealing” better, or more as I’d expected. I don’t even feel like writing, or sharing, really.

I just wish I could take a break from myself until it’s all “over”, whatever that means. I’m definitely not in a great place, and I feel like I’ve lost my toolbox for navigating difficult times.

I tell myself that this will pass. I try to hang on to that. I try and trust myself that I will cope, one way or another. But I’m scared that I might be wrong this time around, and that doesn’t help me at all. I’m not sure what to do except wait, try and hold it together when I need to (work), and cut myself some slack when I can (the rest of the time).

Quintus, étapes d’un adieu (1) [fr]

4.12.2020 22:38

Un jour de cauchemar recouvert de neige
Mon très vieux chat, si frêle et doux
Le temps des adieux, à moins d’un miracle
Il y en a eu des miracles, mais cette fois je n’y crois plus
Ton vieux corps sur le fil, à l’aube de tes vingt ans
Ton corps qui dit “je ne peux plus”
Et mes larmes qui coulent sur ta fourrure et dans des mouchoirs
Tes vielles pattes qui ne veulent plus te porter
Le ronron que j’ai entendu il y encore quelques jours
Eteint
Impossible à rallumer
J’essaie d’imaginer un lendemain sans toi
Je ne veux pas, mais tu ne peux plus
Il est venu le jour de cauchemar
Faut-il encore se battre?
Il faut bien mourir de quelque chose
Le premier jour de vraie neige
Un hiver que tu ne passeras pas
Un printemps que tu ne verras pas
Mon très vieux chat, compagnon de toutes mes nuits
Ma boîte à ronron, quand elle fonctionnait encore
Mon chasseur de souris, voleurs d’oeufs de pigeon
Tiens, cela fait bien longtemps que tu n’as plus appelé le service d’étage
Tu vois, mine de rien, au fil du temps
Le lent déclin qu’on perçoit à peine
Inéluctable, un mot usé comme ton pauvre corps
Le bout d’une vie longue comme ces lignes
Que j’alimente encore et encore
Pour ne pas en voir la fin
Pour ne pas te dire adieu.

5.12.2020 19:55

Quand est-ce que c’est “le bon moment”?

Jusqu’ici, j’ai eu la “chance” d’endormir mes chats dans des situations où il n’y avait pas photo, pour abréger une agonie claire.

J’ai réalisé il y a très peu de temps – avant toutefois que Quintus ne dégringole – que ma plus grande peur par rapport à sa mort n’était pas tant la mort elle-même (ça toutefois la mort avec toute sa charrette d’enjeux) mais l’idée que je risque de prendre la décision irrémédiable alors qu’il aurait encore eu une chance de s’en tirer.

Je ne compte plus le nombre de fois où on a pensé que c’était cuit pour lui, et où contre toute attente il a remonté la pente. La mort, c’est final. Et toutes ces fois, j’aurais pu décider que c’était “fini”. En janvier, il a fait une insuffisance rénale aiguë. Quasi une semaine sous perf chez le véto. Le “dernier” jour, celui dont on avait dit “si c’est pas mieux là, c’est cuit”, on a vu une lueur d’amélioration. On lui a donné un jour de plus. On est en décembre. Il aura eu presque un an de vie, de petit vieux, certes, mais avec des caresses des ronrons, des siestes et des étirements confortables…
A un jour près il n’aurait pas eu cette presque-année.

J’essaie de me réconcilier avec l’idée que je ne peux pas garantir que ma décision de mettre fin à ses jours sera “le bon moment”. Ce soir, il est plus serein, sa température est stable. Mais il est très faible, ne mange et ne boit pas par lui-même, n’arrive pas à aller à sa caisse, se déplace à peine.

Clairement une vie comme ça, ça ne va pas. Mais pendant qu’il est comme ça, on essaie de lui donner une chance: réhydratation, nourriture à la seringue, le réchauffer, médicament pour aider le transit à repartir. Mais on fait ça combien de temps?

J’ai trouvé une vétérinaire qui pourrait venir faire une euthanasie à domicile demain après-midi. On a dit qu’on faisait le point demain matin.

Si ça empire, la décision est facile. Si rien ne change, je pense aussi que les choses sont claires. J’ai congé dimanche et lundi, mais je reprends le travail mardi, donc à partir de ce moment-là ça me sera impossible de m’occuper de lui d’aussi près, et le mettre encore x jours en box chez le vétérinaire sous perf, pour si peu de chances d’une issue favorable, je ne crois pas que ce soit juste pour lui.

Mais si – et c’est ce que je crains – il y a une légère amélioration? S’il maintient sa température, s’il donne un coup de langue à la seringue quand je lui donne à manger, s’il tient un peu mieux sur ses pattes? Faut-il continuer à lui donner une chance, ou bien se dire que même s’il remonte un peu la pente, les chances qu’il puisse retrouver sa qualité de vie d’avant et être assez autonome sont trop faibles?

Je ne vous demande pas de répondre à ces questions. Mais ce sont celles que je me pose, celles qui m’empêchent de dormir, et qui, disons-le, me torturent un peu.

J’ai peur de prendre la décision “trop tôt”, de le priver d’un bout de vie qu’il serait capable d’avoir et qui en vaudrait la peine.

Et j’ai du mal à me résoudre à accepter de prendre ce risque.

Viennent aussi les considérations “pratiques”. C’est dur de devoir prendre ça en compte. Je suis prise à plein temps (travail et formation) de mardi à dimanche. D’une certaine façon, il “vaut mieux”, pour moi et probablement pour lui, que tout s’arrête demain, ici, dans une relative sérénité, que risquer de partir dans une semaine avec des hospits, ou alors une dernière journée ou deux à la maison dans des conditions encore plus dégradées qu’aujourd’hui, et sans que je sois avec lui.

J’ai du mal, là, vraiment.

6.12.2020 3:38

36.1: la fin des haricots. La température de ton corps après trois heures de mon sommeil. Tu t’es couché au fond du couloir, sur le parquet – boudant ou ne retrouvant pas tes tapis chauffants. Ton corps est au bout, tu es au bout, et moi aussi je suis au bout de ce que je peux faire pour t’aider. Hier après-midi, ta température était stable. Mais il suffit que je ne veille pas pour qu’elle dégringole. Tu dépends des bouillottes et du tapis chauffant, et moi je ne peux pas t’empêcher de le quitter. Alors oui, je peux te remplir de nourriture et d’eau, encore quelques heures, encore quelques jours, mais ton organisme a posé les plaques. 20 ans, presque 20 ans, juste pas 20 ans. Ça reste une vie de chat extrêmement longue. Et depuis plusieurs années, tu es malade, mine de rien. Plutôt trois ou quatre fois qu’une. Alors on peut pardonner – je dois pardonner – à ton corps de ne plus pouvoir. Il a été bien vaillant jusqu’ici, mais tout le monde a ses limites, y compris toi.

Je ne suis pas sûre de croire que “tu sais”, que tu “n’as plus envie”. Je pense plutôt qu’il y a ce que tu peux et ne peux plus, qu’il y a le mal-être et le bien-être. Je ne crois pas que tu essaies de me dire quoi que ce soit; je sais que tu es, tout simplement. Peu importe au final ce qui fait que tu ne reviens pas là où tu te réchaufferais, que ta température dégringole, que ton appétit s’est fait la malle. Ce qui compte, c’est que c’est comme ça, et que même en faisant “ce qu’il faut” pour te réchauffer, pour te soutenir, pour te nourrir, rien n’y fait. C’est important pour moi, ça, de savoir que j’ai fait “ce qu’il faut”, que je n’ai pas baissé les bras trop tôt. Si j’étais du genre à baisser les bras trop tôt je t’aurais perdu il y a des années. On aurait raté encore un joli bout de chemin ensemble – et quoi qu’en pensent certains, il l’était aussi pour toi.

On n’a qu’une vie, et quand elle s’arrête, c’est terminé. Pour toujours. C’est ça que je crois. Alors il m’importe d’être là jusqu’au bout, de ne pas rendre les armes alors qu’il en reste, de la vie à être vécue, de la vie qui ait un sens. Ne pas souffrir est important, mais à ne regarder que la souffrance (physique généralement), qui peut être temporaire, et à ériger l’absence de celle-ci en valeur suprême, je crois que l’on se fourvoie. A l’extrême, la vie étant inextricable d’une certaine dose de souffrance (ou même “étant souffrance”, quand on traduit maladroitement le bouddhisme dans nos langues d’Occident), on en viendrait à une posture un peu simpliste de négation pure et simple de la vie. Pas de vie, pas de souffrance. On voit bien que ce n’est pas satisfaisant.

A la question de la souffrance, je préfère celle du sens, à laquelle on peut subordonner la première. Ainsi, la souffrance et la tolérance de celle-ci est à évaluer à l’aune du sens dans laquelle elle s’insert. On peut souffrir de façon transitoire, car cette souffrance “a un sens” dans une vision plus globale. On peut accepter une certaine dose de souffrance même chronique dans une vie, parce que cette vie a un sens au-delà de cette souffrance. Le problème n’est pas la souffrance en tant que tel, mais son intensité, sa durabilité, et son contexte.

La question du sens n’est pas sans ses propres écueils nihilistes, bien entendu. Mais à l’échelle d’une vie, face à la mort, je trouve qu’elle tient encore la route.

Et là, mon très vieux chat, le sens est en train de nous échapper, avec sa copine l’espoir. Ton état n’évolue pas. Le maintenir stable demande un travail impossible à fournir sur le long terme, pour une qualité de vie qui n’est pas acceptable.

Je pense que demain sera le jour. “Demain”… je veux dire aujourd’hui, plus tard, après la nuit.

6.12.2020 15:29

J’attends demain. Après une nuit où tout semblait clair, le matin a apporté un faible ronron, une tête qui réagit aux caresses, des coups de langue dans le bol de patée offerte, une longue séance de boisson à la fontaine, et même un pipi dans la caisse cet après-midi. Globalement, il est aussi plus confortable dans sa position.

C’est extrêmement difficile: les chances qu’il soit suffisamment bien demain restent faibles. Aussi, je suis épuisée, éreintée des ascenseurs émotionnels, fatiguée du souci constant et de la mort à l’horizon depuis des années.

Contrairement à d’autres personnes qui ont la hantise d’attendre un jour trop tard, la mienne est d’agir trop tôt. On aurait pu faire ça cet après-midi. Mais j’aurais trop douté: aurait-il fallu lui laisser encore un jour pour montrer de quoi il était capable?

Au fond, je pense que ça ne changera pas grand-chose. Demain sera comme aujourd’hui. Mais il y a une petite chance que ce soit plus clair, soit dans un sens, soit dans l’autre. Une petite chance que je puisse être plus sereine. 24h aussi encore pour se dire au revoir, dans des conditions pas trop mauvaises. Pour passer 5 minutes au soleil sur le balcon, enveloppé avec une bouillotte dans un plaid.

Ce dont j’ai le plus peur, paradoxalement, c’est que demain il aille “trop bien”. Car autant je ne veux pas couper court à sa vie si elle a encore du temps en elle, autant je serai soulagée que tout ceci soit derrière, malgré tout mon amour pour ce chat qui m’accompagne depuis bientôt 9 ans.
Je me permets ce sursis parce qu’il est relativement serein. Parce qu’aujourd’hui est mieux qu’hier, cet après-midi mieux que ce matin. Je sais que je ne fais que repousser l’inévitable. Egoistement, j’en viens presque à espérer que son état se dégrade nettement. Mais il y a tout à parier que demain ne clarifie rien, que je me retrouve avec un chat affaibli, mais qui mange, boit, va à sa caisse, ronronne et apprécie mes caresses. C’est une situation qui n’a pas de bonne solution.

Alors aujourd’hui je nous offre le luxe de juste vivre ensemble la fin de cette journée, sans trop penser à demain.

Et demain… on verra demain.

Quintus, étapes d’un adieu (2)

Petite Luna: ça fait un an [fr]

Aujourd’hui, ça va faire un an. Un an que quelques minutes de mon inattention t’ont coûté la vie.

Alors je sais, on me l’a répété maintes fois: les accidents arrivent, je ne dois pas culpabiliser, si je ne t’avais pas prise en charge deux mois auparavant tu n’aurais probablement pas été encore en vie à ce moment fatidique. Reste que je me sens responsable, terriblement responsable, et que je me demande régulièrement à quoi ressembleraient nos vies si j’avais fermé cette fichue fenêtre.

Tu étais arrivée dans ma vie le 9 juin, deux mois jour pour jour avant de la quitter.

Une petite crevette d’à peine 2kg, la peau sur les os, les yeux enfoncés dans leurs orbites… craintive, jolie malgré ton état, douce et intelligente.

Je n’avais jamais eu de chat craintif. Ça a été tout un apprentissage. Pas simple de t’approcher, pas simple au début de te faire les injections d’insuline dont tu avais impérativement besoin pour survivre. Quasi impossible de faire des contrôles de glycémie. Mais malgré tout, toi et moi, on y est arrivés. Semaine après semaine, tu as repris du poids, ton poil est devenu moins moche, et tu as pris confiance.

Tu adorais la pâtée a/d – et rapidement, tu t’es mise à adorer l’anti-glouton rose sur lequel je te la servais. Tu aimais jouer avec la canne à pêche “proie de sol”, et tu étais redoutablement efficace. Tu aimais les caresses et roulais ta tête dans la main que je te tendais. Tu comprenais vite ce que je voulais de toi, et tu en profitais pour te défiler ?

Tu n’aimais pas trop aller en hauteur. Grâce à la caméra de surveillance que j’avais installée, j’ai découvert à mon étonnement que la nuit, tu étais montée sur la table pour explorer. Tu miaulais aussi parfois, probablement d’ennui, puisque que t’étais au final bien accoutumée à ton nouveau “chez toi” à l’eclau. Une des raisons, entre autres, qui m’ont décidée à tenter ton déménagement vers mon appartement.

Je t’entends encore roucouler en venant à ma rencontre un matin, récompense des longues et longues heures passées à t’amadouer. Je sens ta petite langue douce qui léchait la pâtée tant convoitée sur mon doigt. Mon pantalon jaune a encore des fils tirés par tes griffes parfois maladroites.

Grâce à toi, j’ai dû sortir de ma zone de confort en matière d’apprivoisement et de medical training. J’ai eu l’immense chance de bénéficier de l’expertise et du coaching de Céline en la matière, et j’en ai appris plus que j’aurais jamais imaginé (il me reste encore bien des choses à apprendre, d’ailleurs… j’ai pu mesurer l’étendue de mon peu de compétence!)

Grâce à toi aussi, j’ai découvert le FreeStyle Libre, et durant cette année plein de chats du groupe DF et leurs maîtres ont pu en bénéficier. C’est devenu tellement courant maintenant, c’est difficile d’imaginer à quel point c’était “expérimental” il y a un peu plus d’un an, quand on s’est lancés.

Ça, c’est des cadeaux très concrets que tu m’as laissés. Mais ce que je retiens surtout de toi, c’est ta douceur, ton joli visage et ton regard intense, ta crainte mais aussi ta détermination à la surmonter quand la motivation était suffisante, ton petit corps osseux qui petit à petit se remplumait sous mes caresses. Ton intelligence, ton plaisir à jouer, ton petit ronron. Le lien qu’on avait créé toi et moi, d’heures en jours et en semaines.

J’imaginais plein d’avenirs pour toi. Tu retournais dans ta famille, peut-être en rémission, peut-être pas. Ou alors, ta famille n’était pas en mesure de te reprendre, et on te trouvait un nouveau foyer où tu serais choyée et heureuse. Et quelques fois, même si c’était loin d’être mon projet initial, je me disais que ce foyer serait peut-être le mien, si tu arrivais à amadouer le vieux Quintus.

On ne saura jamais quelle aurait été ta vie. Coupée court par un bête accident, ces quelques minutes où une vie bascule, alors que tout allait dans la bonne direction pour toi.

Merci d’avoir passé dans ma vie, petite Luna ❤️.

L’album de Luna, photos et vidéos.

Les chats diabétiques: ce qu’il faut savoir [fr]

[en] A summary of my learnings around feline diabetes, since Quintus's diagnosis last November. If you have a diabetic kitty, run -- don't walk -- to the Feline Diabetes Message Board and sign up there. It will be your life-saver, and probably your kitty's, too.

Depuis novembre 2017 je suis plongée dans le diabète félin. Le diagnostic de Quintus m’a rapidement amenée sur felinediabetes.com, une mine d’informations et une communauté active qui m’ont bien soutenue jusqu’à sa rémission le 1er janvier.

Je suis ensuite allée me balader chez les francophones, et comme d’habitude, j’ai été sidérée par le décalage d’informations et de pratiques entre l’anglophonie et la francophonie. J’ai endossé ma cape de “passeuse”, et après m’être fait virer d’un premier groupe facebook parce que ce que j’amenais était “trop pointu” (pour les sous-entendu simples esprits fréquentant le groupe), j’ai ouvert le mien avec l’aide d’une petite équipe motivée à mettre le paquet pour réguler le diabète de leur chat au mieux: Diabète félin: apprendre à gérer son chat diabétique.

Le groupe compte maintenant plus de 50 membres, l’esprit d’entraide y est génial, le niveau est bon, nous voyons nos premières rémissions.

Après le diabète de Quintus, je voulais faire un article complet pour rendre compte de ce que j’avais appris. En fait, l’article en question, il a pris la forme de ce groupe. J’y passe beaucoup de temps à rédiger/traduire des documents, expliquer des choses encore et encore… bref. Et j’apprends encore tous les jours: je fréquente aussi le forum allemand Diabete-Katzen (source du protocole sur lequel je me suis basée pour soigner Quintus). J’use de Google Translate et je me rends compte que j’ai quand même des beaux restes d’allemand!

Si vous avez un chat diabétique, je vous encourage vivement à rejoindre une communauté en ligne pour vous accompagner. Même avec la meilleure volonté du monde, votre vétérinaire ne peut pas vous offrir le suivi quotidien dont vous pourrez bénéficier dans ces communautés.

Pour les curieux, ou ceux qui voudraient le résumé, voici les points principaux que j’ai retirés de mes aventures au pays du diabète félin.

Rémission

Chez les humains, une fois qu’on est diabétique, c’est insuline à vie. Pas chez les chats. Avec le bon protocole, le taux de rémission est élevé: 84% pour les chats sous glargine (Lantus) ou detemir (Levemir) utilisant le protocole du forum allemand dans les six mois après le diagnostic (Roomp & Rand 2009: télécharger l’étude parue dans le Journal of Feline Medicine and Surgery; les instructions sur le forum allemand et leur traduction; la variante de FDMB et la traduction).

L’insuline utilisée (Lantus/Levemir), le régime (pauvre en glucides), le test de glycémie à domicile (indispensable), et la méthodologie d’ajustement du dosage sont tous des facteurs dans les chances de rémission. A partir du moment où Quintus a passé de caninsulin à Lantus et où j’ai commencé à suivre sa glycémie de près, il a fallu environ un mois pour qu’il entre en rémission. Dans son cas, son diabète était lié à une pancréatite, que l’on a également soignée, mais c’est pour dire que c’était un mois de boulot assez intense, mais nous sommes maintenant libérés de l’insuline, de ses contraintes et ses risques.

Dans le groupe que j’anime, nous avons un chat qui est en train d’entrer en rémission maintenant. Après un an sous Lantus sans surveillance de glycémie à domicile, deux graves épisodes hypoglycémiques symptomatiques, il fait ses premiers jours sans insuline également juste un mois après la mise en place du protocole de régulation stricte Roomp & Rand (changement de régime alimentaire, surveillance de glycémie à domicile, et dosage de l’insuline selon le protocole).

Insuline

Il y a différentes insuline. Je ne le savais pas (je débarquais côté diabète, ce n’était vraiment pas quelque chose que je connaissais). La plupart des vétos vont donner Caninsulin en première instance (des fois par obligation, suivant le pays). C’est une insuline développée à la base pour les chiens, dont la durée d’action a tendance à être un peu courte pour les chats.

Quintus a fait 10 jours avec, et au vu des résultats peu probants, il a passé à Lantus.

Si vous avez le choix, ma recommandation est vraiment de demander Lantus ou Levemir (ou ProZinc, qui est aussi pas mal). Si on doit travailler avec Caninsulin, on peut, et on a des chats dans le groupe qui sont correctement régulés avec. Mais c’est plus délicat, et j’ai l’impression que le risque d’hypoglycémie est plus élevé qu’avec une insuline plus douce.

Une autre insuline humaine relativement récente est degludec (Tresiba). Il y a visiblement eu des tests avec à l’hôpital vétérinaire de Zurich, un essai est en cours sur FDMB, et il y a eu des tentatives sur le forum allemand également. Cette insuline aurait une durée d’action encore plus longue que Levemir.

Test de glycémie à domicile

Même si les vétérinaires ne le proposent généralement pas d’office (les clients sont déjà flippés par le diabète et la lourdeur du traitement, certains refusent en bloc ou envisagent même l’euthanasie!), le suivi de la glycémie à la maison est indispensable.

Tout d’abord pour une question de sécurité. Est-ce qu’on imaginerait un diabétique humain se donner des injections d’insuline à l’aveugle, avec un contrôle toutes les quelques semaines? On sait tous que le risque mortel du traitement à l’insuline est l’hypoglycémie. On veut l’éviter. Donc on garde un oeil sur la glycémie.

Et je vous vois venir: prendre la glycémie ne fait pas mal au chat, à peine une piqûre de moustique, on prend vite le pli, et une fois qu’on a le truc en 30 secondes c’est liquidé. Comme on donne une petite récompense après, on a des chats qui arrivent en courant se mettre sur le table pour leur test de glycémie, d’eux-mêmes.

Quand on donne de l’insuline sans tester la glycémie à la maison, il y a deux risques:

  • l’hypoglycémie: les besoins en insuline évoluent. Le chat, en particulier, s’il est assez bien régulé, peut entrer en rémission ou voir ses besoins en insuline chuter. Si on ne teste pas, on le découvrira parce qu’on retrouve un jour son chat inanimé par terre au retour du travail (je rigole pas). Une hypo clinique, c’est beaucoup de stress (pour chat et maître), une hospitalisation souvent coûteuse, et on a de la chance si le chat s’en tire sans séquelles, et s’en tire tout court. Ne faites pas courir ce risque à votre chat.
  • l’hyperglycémie: comme on veut éviter de trouver son chat en plein crise d’hypoglycémie au milieu de la nuit, si on ne contrôle pas sa glycémie à domicile, on va sous-doser l’insuline. C’est tout à fait logique, comme attitude: sécurité d’abord. Mais l’hyperglycémie n’est pas sans risques (c’est pour ça qu’on donne de l’insuline aux diabétiques au lieu de les laisser baigner dans leur sucre): terrain propice aux infections, dégâts aux organes (reins entre autres), glucotoxicité (résistance à l’insuline), production de corps cétoniques (hospitalisation longue et coûteuse, peut être mortel — l’expérience des communautés de patients auxquelles j’ai accès est qu’on a plus de chats qui meurent de cétoacidose diabétique que d’hypoglycémie. Laisser un chat diabétique être mal régulé, ce n’est donc pas anodin ni sans risques.

Le test à domicile permet donc une bien meilleure régulation de la glycémie. Avec Lantus et Levemir, il permet même une régulation stricte: on fait en sorte que la glycémie reste à peu près 24h/24 dans des valeurs “non-diabétiques” (c’est l’objectif du protocole Roomp&Rand et cette approche n’est certainement pas étrangère au très fort taux de rémission). On utilise un tableau de suivi de glycémie pour pouvoir analyser les mesures faites afin d’ajuster le dosage.

Il existe des glucomètres pour animaux (le calibrage est un peu différent que pour les humains). Les bandelettes pour ces glucomètres sont toutefois vraiment chères. On peut sans aucun problème utiliser un glucomètre pour humains. Les valeurs sont légèrement décalées mais les instructions de dosage et les seuils de sécurité qu’on utilise sont prévus pour ces glucomètres humains. Peu importe que ce ne soit pas exactement la “vraie” valeur que mesurerait le labo: c’est assez proche pour nous permettre de suivre l’évolution de la glycémie, ajuster les doses en toute sécurité, et amener des chats en rémission.

Alimentation pauvre en glucides

L’alimentation joue un rôle énorme dans la régulation du diabète. La première chose à faire avec un chat diabétique, même avant de le mettre sous insuline, c’est de passer à un régime pauvre en glucides (moins de 8-10% en matière sèche).

Il y a des aliments thérapeutiques “spécial diabète” (j’ai utilisé ça, je ne voulais pas partir à la chasse à la nourriture juste avec tout ce que j’avais à gérer), mais il y a plein de pâtées pauvres en glucides qui coûtent moins cher et peuvent faire l’affaire. Les croquettes, même les plus pauvres en glucides, sont encore généralement assez élevées en glucides comparé à ce qu’on peut trouver dans les pâtées.

Procéder avec grande prudence si le chat est déjà sous insuline: le changement de nourriture va faire chuter les besoins en insuline, et si on fait ce changement brutalement et sans surveillance, on risque vraiment une hypoglycémie. Ça a failli m’arriver avec Quintus: j’avais changé sa nourriture, je n’ai pas pensé à le dire à mon vétérinaire (c’était le début, je n’avais pas réalisé à quel point c’était important!) — heureusement celui-ci m’avait prêté son glucomètre et dit de contrôler la glycémie avant injection. Si je n’avais pas fait le test ce matin-là (il était très bas) et injecté à l’aveugle, je n’ose pas penser à ce qui serait arrivé.

Corps cétoniques

On peut trouver facilement en pharmacie des bandelettes (ketodiastix) qui permettent de détecter le glucose et les corps cétoniques dans l’urine. Il suffit de la passer sous la queue du chat quand il urine (ou mettre un petit plastique pour récolter l’urine et y tremper la bandelette).

Même si on ne teste pas la glycémie à domicile, ce test-ci devrait être fait. C’est vraiment le degré zéro de la surveillance.

La quantité de glucose dans l’urine peut vous donner une idée de la régulation (même si c’est très imprécis). Et surtout, il faut s’assurer de l’absence de corps cétoniques. Si ceux-ci apparaissent, c’est vétérinaire direct!

On se retrouve avec des corps cétoniques quand le chat ne reçoit pas assez d’insuline, pas assez de calories, et a un souci supplémentaire comme par exemple une infection (je n’ai pas compris tous les mécanismes, mais grosso modo c’est ça). Donc une bête infection urinaire ou une gastro (le chat vomit) peut nous amener là. Une fois que les corps cétoniques ont fait leur apparition, c’est le cercle vicieux: la glycémie augmente, le chat est mal, il vomit… et si on ne fait rien, il finit par mourir.

Stress…

Il ne faut pas se leurrer: gérer un chat diabétique, c’est stressant, en tous cas au début. Il y a un tas de choses à apprendre, on craint pour son chat, on doit faire des gestes médicaux (injections etc) qui nous effraient peut-être. Si on veut assurer un bon suivi on va tester la glycémie plusieurs fois par jour, commencer à réguler la prise des repas, il va falloir être là toutes les 12h pour faire l’injection. Ça fait beaucoup.

En plus, on peut se heurter à l’incompréhension de notre entourage, qui trouve qu’on s’acharne, qui ne comprend pas qu’on puisse se donner tout ce mal “juste pour un chat”.

Suivant comment les choses se passent, notre confiance en notre vétérinaire peut aussi se trouver ébranlée. Plus ça va, plus il me semble que le diabète félin est un peu un “parent pauvre” de la médecine vétérinaire. A leur décharge, les vétos doivent “tout savoir sur tout”, et pas juste pour une espèce, le diabète félin n’est pas très courant, et beaucoup de maîtres vont hésiter devant la lourdeur du traitement: la prise en charge “standard” du diabète félin reflète ça. Mais c’est très inconfortable de se retrouver pris entre ce que nous indique le professionnel de la santé et ce qu’on trouve “sur internet”: on finit par ne plus savoir à quel saint se vouer.

Largement, toutefois, ce que je constate à travers les expériences des autres maîtres de chats diabétiques que je côtoie, c’est que quand les clients montrent à leur vétérinaire qu’ils sont motivés à faire une prise en charge sérieuse du diabète de leur animal, qu’ils comprennent ce qu’ils font, que leur méthode est solide, les vétos se montrent généralement ouverts, et parfois même ravis d’élargir leurs horizons.

A travers tout ça, pouvoir échanger avec d’autres personnes “ayant passé par là”, faire partie d’une communauté qui se serre les coudes et se soutient, c’est extrêmement précieux. Pour ma part, ça m’a clairement sauvée plus d’une fois du pétage de plombs 🙂

Le ronron du vieux chat [fr]

Dimanche 23h

Je voulais me coucher tôt, parce que demain sonnez clairons à 5h pour aller à Fribourg, après près de 10 jours de maladie.

Mais je ne dors pas, parce que sitôt la lumière éteinte avec Quintus contre moi, j’ai fondu en larmes, parce que bien sûr, si je suis en train d’apprendre tout ce sur quoi je peux mettre la main au sujet du diabète félin, de surveiller sa glycémie comme un aigle, de me demander comment je vais gérer les injections d’insuline à 6h et 18h tous les jours, c’est bien pour ne pas sentir combien je suis triste à la perspective de perdre Quintus.

L’anniversaire de la mort de Tounsi approche à grands pas, et je suis tout sauf sereine face à son absence qui s’éternise.

Aujourd’hui Quintus aurait pu faire une hypo. Il en a peut-être fait une, petite, sans signes cliniques. Hier et samedi soir j’ai veillé pour vérifier qu’il ne descendait pas trop bas, et frémi en voyant les mesures se rapprocher des valeurs préoccupantes. Je l’ai trouvé fatigué aujourd’hui. Hier aussi. Peut-être ce grand huit de la glycémie qu’il nous a fait. Il y aurait de quoi. C’est plus facile d’imaginer qu’un vieux chat va mourir quand il ne fait plus que dormir et semble n’avoir plus d’énergie.

Alors je ne dors pas. Il a fini par quitter mon lit, boire un peu, il m’a fait peine à voir, il a dû s’y reprendre à deux fois pour trouver sa gamelle, puis il est sorti direction le couloir, où est la nourriture. Je l’y ai amené, j’ai sorti l’écuelle de la gamelle à puce, parce que je commence à voir que ça le retient un peu de manger et que la pâtée un peu sèche ne le dérange nullement.

Après avoir bien mangé, il est revenu d’un pas plus assuré, a sauté sur le lit pour s’installer sur l’oreiller.
Et soudain, alors je m’occupe à ne pas dormir ni trop sentir, j’entends ce bruit régulier que j’avais cherché en vain aujourd’hui et une bonne partie d’hier: il me regarde et il ronronne.

Il n’a pas dit son dernier mot.

Vous pouvez suivre le grand huit de la glycémie en temps réel.

Je vais vous raconter Tounsi… [fr]

[en] The beginnings of my story with Tounsi.

Je veux vous raconter Tounsi. Ça fait des jours que je veux le faire, mais que je recule, parce que je sais que ça va être dur. Deux semaines, et j’ai encore tellement mal. Je me sens bien plus perdue que ce à quoi je m’attendais.

Tounsi 1

Alors je vais vous raconter Tounsi, sans trop savoir par où commencer, parce que je l’aimais, et parce qu’il était spécial — pas juste pour moi.

Tounsi, chat de refuge. Voici la première photo que j’ai vue de lui. A tout dire, j’avais surtout craqué sur Safran, mais je voulais deux chats qui s’entendaient bien, et ceux-ci étaient cul et chemise. Tounsi était au refuge depuis un an. Trouvé du côté de Meyrin, m’avait-on dit. Puce d’identification tunisienne, mais sans adresse valable.

Un passé un peu mystérieux, donc. Est-il né chat des rues en Tunisie? Voyageait-il avec ses premiers maîtres? Avait-il été ramené par des voyageurs? En tous cas, il ne m’a pas fallu très long pour imaginer comment il avait pu “se perdre”. Dès ses premières sorties, d’ailleurs, j’ai compris que ce n’était pas un chat comme les autres: la première fois qu’il a mis le nez dehors, il a foncé tout droit à travers le jardin, queue en l’air, pour explorer son nouveau territoire. Et quelques minutes plus tard, grands miaulements d’appel “tu es où? tu es où?” pour me retrouver. Droit devant lui, toujours. “Oh, un bruit étrange! allons voir! oh, c’est la tondeuse à gazon!”

Tounsi in December 3

Il buvait dans les WC, comme Bagha. Ouvrait le frigo, comme lui aussi. Dormait vautré sur le canapé, idem. Mais alors que Bagha était un vieux chat à sa mort, Tounsi était un jeune plein d’énergie: faire déguiller les plantes, attaquer mes pieds à 7h30 pétantes, course-poursuites avec Safran… Et manger, manger, manger. J’ai aussi vite compris pourquoi il était un peu ventru, le Touns’. C’était une obsession.

Et alors que Bagha était bien éduqué, et que malgré son âme de voleur il pouvait me regarder manger un steak sur la même table sans y toucher, Tounsi, lui… ben disons qu’il n’avait pas beaucoup d’inhibitions. Je me souviens de mes premières tentatives pour le faire descendre de la table. D’abord en disant “non!” ou “descends!” sur le ton que j’utilisais avec Bagha. Zéro réaction. Mais alors, zéro. Frapper des mains, non plus. Il me regardait: “qu’est-ce que tu veux?”

Looking forward to the great outdoors

J’avais passé aux grands moyens, le pousser pour le faire descendre. Bagha, je le guidais d’une caresse, d’un effleurement. Tounsi, le bougre, il résistait! “Mais pourquoi tu me pousses, tu vois pas que je veux être sur la table? C’est bien ici!”

J’ai fini par trouver ce côté de Tounsi extrêmement attachant. Le côté un peu innocent, qui sans malice aucune veut faire ce qu’il veut faire. Curieux, intéressé. Et pas timide du tout. “Oh, les courses, montre-moi ce que tu as acheté!” ou bien “Mais moi aussi je veux un morceau de jambon!”

L'eau, ça coule et ça mouille!

Avec Tounsi et Safran, c’était la première fois que j’adoptais des chats au passé inconnu. Ils avaient des habitudes que je ne connaissais pas, ou savaient faire des choses que je n’imaginais pas.

Tounsi, par exemple, savait faire sa crotte dans la cuvette des WC. J’ai fini, par élimination et recoupements, par avoir la certitude que c’était lui. Pas souvent, hein, peut-être une demi-douzaine de fois en cinq ans. Je vous dis pas ma tête la première fois que je me suis retrouvée face à cette grosse crotte au fond de la cuvette des WC. Un vrai moment “quatrième dimension”! (Et après, en le voyant faire de l’équilibrisme sur le rebord de sa caisse, on comprend mieux.)

img_2903

Curieuse de son passé que j’imaginais voyageur, entre sa puce tunisienne, sa tendance à suivre les gens (surtout moi) dehors, et sa visible aisance avec les environnements nouveaux, j’avais fait l’expérience un jour de mettre un harnais à Tounsi. Il n’a pas bronché et a continué à vaquer à ses occupations comme de rien. Si vous avez déjà essayé de mettre un harnais à un chat, vous comprenez que c’est assez parlant! A plus forte raison pour un chat qui faisait l’anguille dès qu’on essayait de le contraindre un peu pour l’examiner…

Plus je m’attachais à Tounsi, et plus cette année passée au refuge me brisait le coeur. Un an, avant que quelqu’un ne l’adopte! C’est vrai que de premier abord, Tounsi ne semblait pas trop intéressé par les gens. Il m’avait d’ailleurs royalement ignorée lors de notre première rencontre, préférant courir vers Safran pour une petite partie de judo. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux premières apparences. Il avait un peu de poids en trop, et, j’ai assez vite remarqué, une bouche qu’il ne fermait jamais.

Après la mort de Safran, on lui avait fait une narcose pour un contrôle sanguin. J’en avais profité pour demander à la vétérinaire de regarder cette histoire de bouche qui ne fermait pas: ses incisives se chevauchaient et bloquaient la fermeture complète de la mâchoire! On avait donc ôté celles du bas, et après ça, c’était devenu possible pour lui de fermer la bouche. Les habitudes ont la vie dure, toutefois, et il l’avait quand même souvent partiellement ouverte.

Quintus Arriving in Switzerland 14

Je ne pense pas qu’il ait été malheureux au refuge — il était libre de ses déplacements, d’après ce que j’ai compris. Un “chat d’extérieur”. Je n’ai jamais vraiment demandé pourquoi, mais connaissant le gaillard, je pense que ça ne devait pas être facile de le garder dedans, et comme il revenait… Mais ça me fait quand même mal au coeur qu’un gentil chat comme ça ait dû attendre aussi longtemps avant d’être adopté. Et il y en a tant d’autres dans nos refuges.

Troupeau de chats 3

Voilà donc le début de notre histoire, à Tounsi et moi. La suite suivra… quand elle viendra!

Les jours passent sans Tounsi [fr]

[en] Days without Tounsi are going by. Less tears by the day. I learned a lot about grief when Bagha died, and I am reaping the benefits today. I think we should be able to wish each other "good grieving", when the time comes. Because knowing how to grieve is such an important skill.

Tounsi en hautUn jour il y aura un jour sans larmes. C’est bête, mais je le redoute. Chaque matin passe un peu plus de temps avant que je pleure mon chat. Je suis en train de me faire à son absence. Et alors que je sais bien que c’est nécessaire, me faire à son absence signifie l’accepter – et je ne suis pas encore prête. Alors je pleure encore.

Je vais bien, compte tenu des circonstances. Vous êtes nombreux, nombreux, à m’avoir fait part de votre sympathie, sur Facebook et ailleurs. Je l’apprécie infiniment. C’est con, hein, mais je vais m’en rappeler: en temps de deuil, ce ne sont pas vraiment les mots qui comptent, mais le fait qu’il y ait des mots. Même les formules convenues font du bien.

Mon appartement est plein de rappels de Tounsi. Je n’ai pas touché à grand chose. J’ai ôté l’élastique qui l’empêchait d’ouvrir le frigo. Petit à petit, je rangerai. Le carton au milieu du salon disparaîtra. Les perchoirs d’observation se rempliront de plantes. Les taches laissées par sa truffe sur la fenêtre seront nettoyées. Les derniers marquages aussi. Je trouverai quoi faire de ses croquettes, des médicaments qui restent, des jouets. Quintus et moi retrouverons un nouvel équilibre, pour le temps qu’il nous reste ensemble.

Avec la mort de Tounsi, je me prépare aussi à me retrouver “sans chat” quand ce sera au tour de Quintus. Le plus tard possible, j’espère. Mais il a quand même 16 ans.

Tounsi et Quintus

Quintus ne semble pas souffrir outre mesure de la disparition de Tounsi, si ce n’est que son absence change le déroulement de son quotidien. Je crois que la présence de Tounsi le stimulait à bouger – je dois donc prendre plus sur moi.

Je repense à Bagha, ces jours. Et je me retrouve parfois à vouloir dire Bagha pour Tounsi. Bagha était jusqu’ici mon chat mort. Maintenant j’en ai deux. Comme je l’avais fait pour Bagha, je veux raconter Tounsi. Mettre par écrit qui il était, ce qui le rendait si spécial pour moi. A la mort de Bagha j’avais un gros regret: ne pas avoir plus de vidéos de lui. C’était en 2010. Avec Tounsi, c’est presque le contraire. J’ai des milliers de photos et certainement des heures de vidéo. Le temps du deuil, pour moi, c’est aussi le temps de prendre le temps d’en faire quelque chose. On verra quelle forme ça prend.

J’avais prévu de monter au chalet lundi. Je vais retarder de quelques jours, histoire d’avoir retrouvé un peu de stabilité ici avant de partir. Ça va être dur à nouveau quand je serai là-haut sans Tounsi.

tounsi au chalet

Bien entendu, ces jours, je réfléchis beaucoup au deuil. Le grand cadeau de la mort de Bagha avait été de pouvoir vivre pleinement son deuil – si vous connaissez mon histoire personnelle vous saisirez l’importance que ça a pu avoir. Maintenant, le deuil me fait moins peur, et c’est peut-être aussi pour ça que j’ai l’impression que ça va “vite” pour Tounsi. C’est un peu déstabilisant.

Je regrette qu’on ne souhaite pas “bon deuil” aux gens. On devrait. Il faut arrêter de voir le deuil comme quelque chose à éviter, dont il faut sortir le plus vite possible, voire fuir en se perdant dans autre chose. Alors certes, c’est nécessaire parfois par moments pour continuer de fonctionner, mais mon expérience est que plus on accepte de s’y plonger, et de sentir les émotions que le deuil nous amène, plus on est justement capable de fonctionner en dehors de ces “montées de peine”, et plus celles-ci sont gérables.

On peut choisir ces moments pour se laisser sentir. J’ai dû le faire ce week-end, totalisant passé 8 heures de route en moins de 48 heures. On ne peut pas conduire quand on est pris par le chagrin. Mais on peut s’arrêter, le temps qu’il faut, s’abandonner au chagrin, et ensuite vient un moment de répit où l’on peut fonctionner. Si on accepte de pleurer, vient un moment où ça se calme.

A l’époque de la mort de Bagha, mon psy m’avait dit qu’une bonne crise de larmes, où l’on pleure sans retenue à grands sanglots, ça dure (physiologiquement) max 20 minutes. En cherchant une source pour ce chiffre, je suis tombée sur cette page “comment pleurer pour vous soulager” qui semble plutôt bien faite (ça me fait un peu mal de mettre en avant une page de WikiHow mais elle me paraît utile). J’avais trouvé rassurant de savoir que ça s’arrête, parce que quand on est au fond de notre peine, on a le sentiment que ça ne va jamais s’arrêter.

sleepy tounsi

Le deuil fait partie de la vie. C’est quelque chose qu’on traverse tous à un moment ou un autre. Lorsque j’ai lu “Apprendre à vivre”, de Luc Ferry, un livre qui m’a beaucoup aidée par rapport à ma quête de sens dans la vie à la lumière de l’inévitabilité de la mort, l’essentiel que j’en avais retiré était qu’apprivoiser le deuil, pouvoir accepter les “jamais plus” de la vie, petits ou grands, était le travail d’une vie. Le sens, c’est ça.

On devrait se souhaiter bon deuil. Car le deuil peut être bon, ou moins bon. Et on le souhaite bon pour ceux qu’on aime.

Tounsi était mon truffinet d’amour [fr]

[en] I had to put my beloved Tounsi to sleep last night. FATE, saddle thrombosis. I am heartbroken. There are some details on his Facebook page. I can't believe he's gone. I've cried myself out of tears again and again.

Pretty Tounsi

J’ai eu du mal à l’aimer, au début. Je ne semblais pas vraiment l’intéresser. Il ressemblait un peu trop à Bagha, de loin, sur le canapé. J’avais surtout craqué pour son pote de refuge, Safran. J’avais même entrevu l’ombre de la possibilité de prendre à sa place un joli noir et blanc qui avait juste refait surface au refuge, mais il était déjà dans son panier et je ne pouvais me résoudre à penser à le laisser.

Tounsi était un chat spécial. Oui, tous les chats le sont, mais certains plus que d’autres. Beaucoup de personnalité. Une presence presque humaine. Beaucoup de volonté. Des challenges tant médicaux que comportementaux, qui m’ont menée à beaucoup m’investir pour lui, ce qui n’a fait qu’augmenter mon attachement au fil des années. Il était vraiment mon amour de chat.

Nous avons été ensemble cinq petites années. Mais il y a eu tellement de vie durant ces années que ça me semble être au moins le double. J’ai le coeur en mille miettes. Perdre Bagha a été terrible, et c’était brutal, mais il avait 14 ans, et je savais que chaque mois de plus ensemble était un mois de bonus. Tounsi n’avait que 7-8 ans. Je pensais avoir encore de longues années en sa compagnie. Récemment, j’étais plutôt à penser à la disparition possible de Quintus, qui même s’il est en bonne santé mis à part sa cécité, son arthrose, et son début d’insuffisance rénale, accuse quand même bientôt 16 ans.

Là, en trois jours, c’est fini. Vendredi matin, Tounsi a fait une thromboembolie aortique. Un caillot de sang s’est logé là où l’aorte se sépare en trois pour aller dans les pattes arrières et la queue, et a coupé la circulation. Pattes paralysées, grande douleur – mais en bon chat Tounsi n’a rien montré, et moi je n’ai rien vu, parce qu’il avait fait une crise semblable au début du mois avec paralysie partielle d’une patte, qui avait passé toute seule, et qu’on avait ajouté au tableau “épilepsie idiopathique”, le diagnostic sur lequel on s’était arrêtés pour expliquer les étranges mouvements de patte du Touns’. Ce n’est que le soir que j’ai noté que sa respiration n’allait pas et qu’il montrait peut-être des signes de douleur.

Vétérinaire de garde, Tierspital, diagnostic. Les détails sont sur sa page Facebook. Samedi, dimanche, désespérément stable, si ce n’est que l’oedème pulmonaire avait été résorbé et qu’il respirait sans oxygène. Pattes toujours sans circulation, paralysées, muscles durs, coussinets bleus. Hier soir, appel du Tierspital. Ses reins ont lâché, probablement un nouveau thrombus. J’ai le temps de faire l’heure de route jusqu’à Berne, la quatrième fois en moins de 48 heures, pour lui faire mes adieux et le laisser mourir dans mes bras, parce qu’il n’y avait plus d’espoir, parce qu’il souffrait, parce que c’était le moment.

Je pensais encore avoir quelques jours, on se donnait jusqu’à la fin de la semaine pour voir si la circulation revenait dans ses pattes – mais même si ce miracle s’était produit, la source des thrombus (maladie cardiaque avancée, tumeur) ne nous donnait de toute façon pas grand espoir pour la suite.

J’ai beaucoup pleuré depuis la nuit de vendredi à samedi. Plus d’une fois je me suis vidée de mes larmes. Sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute qui quitte Berne, personne ne vous entend crier votre peine. Je crois que je savais dès le début comment ça se terminerait. Mais je ne pensais pas que ce serait aussi brutal. La dégringolade. Les derniers morceaux de mon coeur abandonnés sur les aires de repos entre Lausanne et Berne. Et une absence de chat proportionnelle à la place que prenait Tounsi dans ma vie.

Je suis sous le choc, bien évidemment. Ça va, parce que j’ai passé par là avec Bagha, et je sais qu’un jour il y aura un jour sans larmes, je sais que la peine s’estompe, je sais que la vie reprend son cours et qu’on se fait à l’absence. Ça fait mal, aussi, de s’y faire. Mais on s’y fait.

Mais là je navigue entre désespoir et moments où je me sens sereine, shootée au déni, merveilleux mécanisme de défense qui prête au monde une couche d’irréalité, qui nous permet de fonctionner, mais qui peut se retourner contre nous si on s’y accroche trop. Alors je pleure, je me vide de mes larmes encore une fois, j’accepte un bout de plus cette nouvelle réalité qu’est la mienne, et je repars pour un moment. Les larmes se rempliront, bien sûr. Et je recommencerai.

Je regarde mon appartement et tout ce qui y est “pour Tounsi”. Le grand arbre à chat avec le panier dans lequel il aimait dormir. “L’échelle à chat” faite de deux meubles IKEA bricolés. Le carton de jouets, que j’ai rangé enfin l’autre jour, plein de nouvelles cannes à pêche achetées exprès pour lui, et dont Quintus ne peut profiter, car il est aveugle.

Tous les aménagements faits pour nourrir deux chats avec des appétits et des régimes différents. Les coussins et espaces où il se tenait. Ça m’a donné l’idée d’un projet photographique sur l’absence.

Il y a des moments, inévitables, où je pense au prochain chat. Comme la dernière fois, je vais attendre. Attendre d’être bien dans ma nouvelle vie sans mon Tounsinet. Mais ces idées me traversent l’esprit. Et ce nouveau chat qui s’invite timidement dans mon imagination, je vois tellement bien que c’est un remplacement de Tounsi. Je veux le même. Je ne veux pas accepter d’être sans lui. Ces idées ne sont qu’une des formes que prend le déni, le refus d’accepter.

Je suis préoccupée par des questions pratiques: quelle routine Quintus et moi allons-nous établir, sans Tounsi? Comment vais-je le nourrir, maintenant que la gamelle à puce n’est plus nécessaire, que je peux contrôler entièrement ce qu’il mange? Etait-ce important pour lui, pour son équilibre, sa santé, qu’il partage sa vie avec un autre chat – ceci d’autant plus qu’il ne sort presque plus?

J’entrevois aussi les soulagements, les pendants à la liberté dont j’avais su profiter durant mon “année sans chat”. Tounsi était un chat beaucoup plus contraignant que Quintus. Fini les problèmes de marquage dans l’appartement. Fini les expéditions nocturnes pour le récupérer du côté du Gras Haret. Je n’arrive pas à m’en réjouir – et ce ne serait pas juste, aujourd’hui. Mais je sais que le jour viendra.

Le deuil n’est pas un processus linéaire, c’est une série d’allers-retours entre des états assez différents. Ça zigue et ça zague, de moins en moins à mesure que passe le temps. Il faut juste s’accrocher dans les contours, faire preuve de courage pour rester en selle, et garder confiance que même lorsque le tunnel paraît sans fin, lorsque le bleu du ciel ne nous fait plus rien, que la vie a perdu tout goût et que le peu de sens qu’on avait grappillé au fil des années semble s’être envolé à jamais, on est en train de faire ce qu’il faut faire. On serre les yeux, on plonge dans sa peine, à la mesure de notre attachement, et on se laisse porter un bout plus loin.

Le chat, animal si pratique, mais qui s’ennuie “à dormir” dans nos maisons [fr]

[en] I have followed two half-day courses on cat behaviour so far, and it has completely changed the way I see (my) cats. I thought I knew a lot about them, but I still have a lot to learn! The sad takeaway from these courses is realising how bored most of our cats are, particularly indoor cats. An unhappy cat will just stay silent and quiet, and sleep to pass the time. It's that bad. They do not let us know something is wrong except by sleeping. And we all expect our cats to sleep... a lot.

There is a lot we can do, as humans, to enrich their environment. But it takes work. And cats do not "know" how to use the devices we will present them. We need to teach them... and we usually do not know how to teach a cat something.

If you're interested in the topic, I recommend you listen to this episode of Fresh Air. If you struggle through my French blog post and have questions, I'm happy to answer them in the comments. I'm also planning a Facebook Live on the topic, and toying with the idea of doing one in English. Would you be interested in following it?

Nos chats s’ennuient bien plus que ce qu’on pense. Très franchement, je n’avais aucune idée. Ces derniers mois, ma façon de regarder les chats (et les miens) a énormément évolué.

img_8499

J’ai en effet suivi deux demi-journées de cours sur le comportement félin récemment. Claire y était également et a écrit de jolis comptes-rendus: premier cours, deuxième cours. Ma première visite chez le comportementaliste m’avait déjà ouvert grand les yeux sur les limites de ma compréhension de nos petits fauves d’appartement. Oui je sais, si vous me connaissez il y a des chances que vous me considériez “experte en chats” – eh bien laissez-moi vous dire que j’ai beaucoup appris durant ces deux cours. (Il y en a encore deux!)

J’ai tellement à dire que je ne sais pas trop par où commencer. Il y a des tas de trucs pratiques, des infos sur certains comportements que je ne savais pas décoder, etc. Mais ce qui m’a le plus touché (on peut dire ça) c’est cette question de l’ennui, de réaliser à quel point la maltraitance par ignorance et manque d’information est répandue (voire systémique) quand il s’agit du chat.

Ça peut choquer, d’entendre ça. Personne ne considère qu’il ou elle maltraite son chat. On les aime, on en prend soin. On veut leur donner une bonne vie. Et malgré tout ça, il est possible qu’on les maltraite sans le savoir.

La clé la plus importante à intégrer concernant le chat est que c’est un animal qui ne manifeste pas sa souffrance.

Je le savais déjà pour la souffrance physique: un chat âgé qui a de l’arthrose, et donc a mal, ne va pas se plaindre. Il va simplement adapter son activité pour ne pas avoir mal. Il va bouger moins. Dormir plus. Arrêter de sauter sur la table. Si votre chat a huit ans ou plus, il y a de fortes chances qu’il ait déjà de l’arthrose. Comment on sait ça? On prend toute une collection de chats d’un certain âge. On leur donne des anti-inflammatoires pendant quelque temps. Et hop, ils dorment moins, sortent plus, sautent sur la table, jouent à nouveau!

Ils ont mal mais ils ne se plaignent pas, ne montrent rien.

Ce qui est vrai pour la douleur physique l’est aussi pour la douleur psychique. Un chat qui va mal va s’inhiber, bien avant de détruire l’appartement en notre absence.

Il faut comprendre que c’est une des caractéristiques du chat qui le rendent si “pratique” comme animal de compagnie. Il ne nous emmerde pas… Le problème c’est qu’on n’en a pas conscience. On pense que si notre chat ne pose pas de “problèmes” c’est que tout va bien. Mais ce n’est pas vrai. Un chat qui ne nous emmerde pas n’est pas nécessairement un chat qui va bien.

Un exemple: l’ennui. Si on compare les activités “naturelles” du chat à celles du chat “en appartement”, on se rend compte que l’environnement qu’on lui propose n’est absolument pas adapté à ses besoins.

Un chat peut chasser jusqu’à 11 heures par jour. S’il est actif, il ne dort pas 16 heures par jour, mais plutôt une dizaine d’heures. Le chat est un animal territorial, et son domaine vital “naturel” est bien bien plus grand que nos appartements. On le prive de territoire, on le prive de chasse. Se nourrir prend 5 minutes à la gamelle. S’il a de la chance ses maîtres jouent avec lui un peu en rentrant du travail, et il s’installe sur leurs genoux devant le téléjournal. Seul la journée, seul la nuit quand on dort (à plus forte raison si la chambre à coucher lui est interdite), le chat s’ennuie. Il se résigne, et dort par dépit. La grande majorité des chats en Suisse vivent dans des cages dorées.

Ces idées nous heurtent! On ne veut pas faire souffrir nos chats. Ils ne semblent pas demander quoi que ce soit de plus. Quand on essaie de les intéresser à un jouet, ça ne prend pas. Ils sont “paresseux” et préfèrent dormir. Après deux ou trois tentatives on se dit que ce n’est pas leur truc, alors on laisse tomber – ils ne se plaignent pas, ça doit pas être si grave.

Justement. Il faut enregistrer fermement cette information: le chat malheureux ne se plaint pas. Il ne le manifeste pas – si ce n’est en dormant. 

Que faire? Une fois cette prise de conscience faite, par où commencer? C’est là qu’il y a des tonnes d’articles à écrire. Mais quelques principes, déjà.

Se débarrasser des gamelles, tout d’abord. Mettre en place des systèmes, achetés ou bricolés, pour que le chat doive “travailler” pour obtenir sa nourriture. Cela ne remplacera pas le temps de chasse, mais ce sera toujours plus que les 5 minutes nécessaires à descendre le contenu de l’assiette. Quoi, comment, où? Il y a pas mal d’idées déjà dans l’article de Claire, et je pense développer ce sujet à l’avenir.

Quintus et Tounsi avec des nouveaux jouets (je mettrai la vidéo sur YouTube quand je suis de retour en plaine avec du wifi)

Partir du principe que le chat ne “sait” pas faire l’activité qu’on lui propose. Que ce soit du jeu, de la chasse, un moyen différent de trouver sa nourriture: on doit lui apprendre. Et l’apprentissage, c’est une activité. On a tendance à se limiter à ce que le chat fait spontanément ou pige tout de suite, et c’est une grave erreur. Les chats sont intelligents et capables d’apprendre beaucoup de choses, mais pour cela nous devons tout d’abord nous apprendre à enseigner aux chats. On n’a pas la science infuse non plus. (Aussi plein de choses à écrire là-dessus, mon vieil article sur le clicker training vous donnera déjà une idée de base. Mais c’est pas suffisant, à l’époque où je l’ai écrit il y avait des tas de choses que je n’avais pas comprises, et je crois qu’il y en a encore qui m’échappent.)

Faire sortir son chat. C’est con hein, mais un chat qui sort, il va automatiquement avoir une vie bien plus remplie d’activités qu’un chat dont le monde se résume au canapé, au lit, et à l’arbre à chats. Si vous avez trop peur, je me dis maintenant que le harnais, c’est déjà mieux que rien (mais ça vous oblige à être là).

Mais même un chat qui sort peut s’ennuyer. Je le vois avec Tounsi et Quintus, qui sont clairement des chats “dedans d’abord, dehors un peu”. Je sortais déjà un peu Quintus pour qu’il se dégourdisse les pattes (maintenant que je sais qu’il est presque aveugle, je comprends mieux pourquoi il ne quittait le devant de l’immeuble qu’en ma compagnie). Je le fais maintenant d’autant plus que je comprends que c’est une façon de le garder actif. Tounsi aussi. Au chalet, où ils sont moins familiers avec le territoire, je les encourage activement. Je sors avec eux, je les appelle, j’amène des croquettes, même. Je prends mon téléphone ou ma kindle et je traine au jardin avec eux. Dehors, ils ne font pas la sieste: ils regardent, explorent, chassent même un peu. Si je me contentais de leur ouvrir la porte, je resterais à la conclusion que “ils ne veulent pas vraiment sortir”. Il ne faut pas s’arrêter à ce que le chat semble vouloir.

Combien d’activité par jour? Il y a des années, j’avais vu quelque part 45 minutes par jour pour un chat d’appartement. Je n’ai jamais retrouvé la source. Dans le deuxième cours, le comportementaliste nous propose de viser un minimum de 4 heures par jour d’activités: chasse, alimentation, jeux, interactions. C’est énorme! Cela veut dire qu’il faut mettre en place un contexte où une partie des activités ne dépend pas de notre présence.

On pense souvent qu’avoir deux chats “règle le problème” du chat enfermé tout seul à la maison toute la journée. Ce n’est malheureusement pas vrai. Déjà, il faut que les chats s’entendent (ce n’est pas toujours le cas; imaginez, être enfermé durant des années avec comme compagnon principal quelqu’un que vous n’aimez pas). Mais même s’ils s’entendent, ils vont simplement s’ennuyer ensemble si on ne leur propose pas d’activités. On nous a montré cette vidéo durant le deuxième cours, et j’avoue que ça m’a vraiment fait mal au coeur.

Saisir les opportunités. Le chat est un sprinteur, il lui faut donc des activités très courtes. Une fois qu’on se rend compte que des petites choses qui peuvent nous paraître insignifiantes sont importantes pour son équilibre, il y a en fait plein de petites choses qu’on peut faire.

En particulier, quand mes chats dorment depuis un moment, je vais aller dans la chambre et bouger un peu. Pas les réveiller toutes les cinq minutes, s’entend, mais rendre leur environnement moins statique. Lancer un truc par terre, ça va attirer leur attention. Même s’ils ne se jettent pas dessus, s’ils le regardent, ou se déplacent, c’est déjà ça. Quand je rentre de courses, Tounsi a toujours le nez dans tout. Je ne le chasse pas ni le gronde, son intérêt pour ces choses nouvelles dans son environnement est tout à fait sain. Je m’assure juste (gentiment) qu’il ne parte pas avec le fromage ou le jambon! Je vais faire des caresses à Quintus pendant sa sieste, et je fais frétiller la ficelle qu’il aime bien sur le lit devant lui. Des fois il l’ignore, des fois il joue un peu. Une minute, c’est déjà ça! Il faut procéder par petites touches, plein plein de petites activités courtes, au lieu d’une grande séance de jeu dont ils se fatigueront trop vite. C’est comme avec la nourriture: plein de petits repas au fil de la journée. Toute occasion est bonne pour leur lancer une boulette de papier ou une croquette, ou laisser trainer un sac ou un emballage le temps qu’ils l’explorent.

J’ai à peine gratté la surface de tout ce que j’ai à écrire suivant ces deux cours, mais cet article commence à être bien assez long. Je réponds volontiers à vos questions dans les commentaires. Je me tâte d’ailleurs de faire un (ou plusieurs?) Facebook Live, peut-être déjà simplement pour discuter plus avant des idées que j’introduis ici. (Je vous tiens au courant, mais ça se dessine pour vendredi 15h ou 21h, ou samedi 10h.)

Mise à jour: j’ai fait le fameux Facebook Live que vous pouvez donc désormais visionner!

Chat qui marque: Tounsi et le comportementaliste [fr]

[en] My cat Tounsi has been spraying (marking his territory with urine) since I first got him. About a year ago I finally took the plunge and went to see a behaviour specialist vet. It was a great idea. Spraying is now under control, even though we're not down to zero. But I'm not cleaning every day, I was able to change my pee-imbibed bookcases, and my flat never smells of cat pee. I should have done that years ago!

Lasse de faire la chasse au marquage urinaire dans mon appartement, j’ai fini l’an dernier par consulter un vétérinaire comportementaliste, suite à la suggestion d’une assistante vétérinaire dans mon cabinet habituel. Grand bien m’en a pris, et je regrette de ne pas y avoir été trois ans plus tôt. Je vous raconte.

Tounsi

Le comportementaliste, c’est un peu le psy pour chats, sauf que bien sûr, comme il s’agit d’un chat, c’est le maître qui doit faire tout le travail. La couleur était annoncée d’entrée, et je n’en attendais pas moins.

J’ai donc fait 25 minutes de voiture avec mes deux chats (eh oui, le contexte c’est important!) pour une première séance de plus de deux heures. Le vétérinaire a observé les chats, bien entendu, mais m’a aussi posé trois tonnes de questions. Je lui ai tout raconté, plan de l’appartement qu’il m’avait demandé et photos à l’appui: le caractère des chats, à quoi ressemble notre quotidien, leur relation et son évolution, ce que j’ai essayé, comment je réagis, plus une myriade d’autres choses que je n’aurai pas forcément pensées significatives (c’est pour ça que c’est lui le comportementaliste et pas moi).

Tounsi in basket

Le marquage, c’est complexe. Difficile de mettre le doigt sur “une cause”. Dans le cas de Tounsi, je suis repartie avec les éléments suivants:

  • Tounsi est un chat anxieux. Je m’en doutais (j’avais remarqué qu’il sursautait facilement), mais je n’arrivais pas à en faire sens compte tenu de sa témérité (y’a pas d’autre mot) face au monde. C’est le chat qui entend la tondeuse à gazon et court à travers le jardin pour voir ce que c’est. L’explication, c’est que Tounsi veut tout contrôler, maîtriser, surveiller. S’il se passe quelque chose il doit aller voir, être au courant. Ça colle avec sa tendance à ne dormir toujours qu’à moitié, et ses oreilles sans cesse en mouvement. Tout ça, c’est stressant — ou signe de stress. Certainement une histoire de tempérament…
  • Dans le marquage, il y a un élément important d’habitude. Compte tenu du fait que Tounsi ne marque pas au chalet ni à l’eclau (une ou deux exceptions cependant), ça laisse penser qu’il marque parce qu’il a l’habitude de marquer. Il est possible que quelque chose ait déclenché l’affaire, mais s’il ne marque pas deux étages plus bas dans le même immeuble, on peut penser que ce déclencheur n’est plus là.
  • Un autre élément c’est “l’appel” de marquages précédents. Ça fait des poteaux “zone de marquage”, même si nous ne sentons plus rien. Le nettoyage à l’eau et/ou au savon neutre ne suffit pas, il faut utiliser un produit qui décompose les molécules d’urine, et dresser un poteau “zone de détente” avec du Feliway en spray (phéromones faciales).
  • Tenter de donner à Quintus une autre nourriture, que Tounsi préfère, et qu’il arrive parfois à voler en étant assez aux aguets, ça augmente son stress.
  • Gronder le chat qui marque aussi: mieux vaut l’ignorer que faire monter la tension.
  • Je n’avais pas réalisé que c’était aussi important de jouer avec des chats qui sortent. Lancer de croquettes, cacher la nourriture sous des pots de yoghurt pour l’obliger à “chasser”, jouer avec une ficelle. Même si le chat ne semble pas joueur, s’il dresse les oreilles et regarde le jouet, c’est déjà un début. Persévérer, et faire des petites séances très courtes mais nombreuses! Essayer d’intégrer ça à ses propres activités au maximum, c’est plus facile de tenir sur la durée.
  • Sprayer religieusement de Feliway les nouveaux objets et meubles dans l’appartement. Idem pour les endroits où le chat a marqué récemment. Après, on peut relâcher l’effort. Ça peut aussi valoir la peine, dans un premier temps, de couvrir certaines surfaces de papier d’alu (il semble qu’ils aiment pas trop pisser contre) et de mettre en hauteur livres et autres objets difficiles à nettoyer.
  • Comme pour les humains, des fois un accompagnement médicamenteux peut s’avérer utile: Tounsi est donc reparti avec une demi-dose de Clomicalm, qu’on a doublée par la suite, et à laquelle on a récemment ajouté le Zylkène.

Résultat: du beau progrès. J’ai pu changer mes meubles imbibés de pipi, Tounsi est toujours un chat en alerte mais il est moins stressé. Il reste quelques minis épisodes marquage mais mon comportementaliste ambitieux pense qu’on peut encore faire du progrès!

Tounsi in cave

Note: j’ai commencé à rédiger cet article il y a un an… je crois. J’avais sûrement d’autres choses à dire qui se sont perdues en route! Posez vos questions, j’aurai sûrement des détails à rajouter dans les commentaires.