Quintus: 6 mois [fr]

Quatorze décembre, 14 juin. Six mois. Six mois que j’ai dit adieu à ma vieille boîte à ronrons. Je ne pleure plus, enfin je ne pleurais plus avant de commencer à écrire ces mots. Il me manque, mais je suis aussi tellement soulagée de ne plus vivre dans le stress constant qu’il lui arrive quelque chose, d’être libérée de la charge de me soucier de lui et de le soigner au quotidien.

Pourtant, je l’ai fait de bon coeur. Je me sens presque coupable d’apprécier autant ma liberté. Juste là, je donnerais beaucoup pour pouvoir le tenir encore quelques minutes dans mes bras, sentir sa tête contre la mienne, entendre son ronron.

Mon Quintus. 💔

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Pas envie [fr]

Tout à l’heure, je voulais écrire. Un truc précis. J’ai fait un détour par autre chose, et l’envie a filé se cacher sous un meuble.

J’ai un drôle de rapport à l’envie. L’envie de faire, donc. C’est compliqué, j’hésite à essayer d’expliquer.

Quand une envie passe j’ai tendance à vouloir me jeter dessus pour en faire quelque chose avant qu’elle s’en aille. Souvent, je n’ai pas d’envie. Envie de rien.

Et faire quand je n’ai pas envie, c’est au coeur de ma lutte. J’ai bien compris que dans la vie, il faut souvent faire même si on n’a pas envie. Ses impôts, aller au travail parfois, mais aussi des choses aussi bêtes que la vaisselle ou se faire à manger.

Je me raisonne, mais ça demande souvent une énergie folle. La contrainte en trainant des pieds ou même en allant à reculons. Alors je me dis, et si on travaillait sur l’envie? La créer, l’alimenter? Ce n’est pas une mince affaire non plus.

J’en entends déjà: “tu te prends trop la tête” ou de l’autre côté “non mais t’as raison de pas faire si tu as pas envie”. Les deux sont vrais sous un certain angle mais ne font rien bouger.

Hier, j’écoutais “Creatures of Habit“, un épisode de l’excellent podcast Hidden Brain. Pourquoi fait-on ce qu’on fait? On tend à surestimer l’importance de notre volonté, alors qu’une grande partie de nos actions sont déterminées par nos habitudes. Les habitudes, ça peut se contrôler, en partie, si on comprend comment elles s’établissent et s’éteignent.

Peut-être que je suis prise dans ce piège, à penser que “vouloir” (“avoir envie”?) est la clé de l’action et par conséquent du sens de la vie. Parce qu’évidemment derrière toute cette histoire d’envie/pas envie il y a celle du sens. Je n’arrive pas à y échapper, ni à y répondre de façon satisfaisante.

Faire ce qu’on a envie, c’est une solution facile, au fond. Mais peut-être que faire ce qu’on doit, regarder plutôt par la lorgnette de la responsabilité – aux autres, au monde, mais avant tout à soi-même – est plus satisfaisant, et au final, serein. Et peut-être que dans cette quête de sens il faut inclure la notion de bien-être (au sens éthologique plus que “développement personnel”).

Une autre notion qui est venue compléter ma boîte à outils il y a quelque mois, c’est celle de courage: le courage de faire les choses qui ne sont pas faciles. Peut-être, pour moi, simplement le courage de faire ce qui est bien pour moi, envie ou pas. A force, je me connais quand même assez bien, et je sais un peu ce qui marche et surtout ce qui marche pas.

Alors nous y sommes: je vais avoir le courage de ne pas attendre l’envie et de faire ce qui est de ma responsabilité pour assurer mon bien-être.

Pour le sens, il faudra peut-être repasser.

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Un livre de chevet [fr]

A un moment donné j’ai perdu confiance dans ma capacité à m’endormir. Je ne saurais pas trop dire exactement quand, mais ça fait un moment. J’ai toujours eu du mal à aller me coucher, mais une fois couchée, pas tellement à m’endormir. Durant des périodes stressantes de ma vie, ça m’est arrivé, mais c’est pas “standard”.

Il y a des années et des années de ça, la préparation de ma demi-licence de français à l’uni avait méchamment entamé mon sommeil. J’avais du mal à dormir, je me réveillais en sursaut le matin et je ne me rendormais plus. J’ai découvert la tisane de fleur d’oranger, et j’aime à dire qu’elle a sauvé ma demi-licence de français.

Quand j’ai commencé à enseigner, alors que j’approchais du burnout, c’était pas top non plus. Je m’étais fait la réflexion que si je ne faisais plus rien hors du travail, c’était normal qu’il n’y ait que ça dans ma tête.

Au fil des années j’ai réalisé que plus je suis fatiguée, moins j’arrive à me mettre au lit, plus ça tourbillonne dans ma tête. Vous voyez le cercle vicieux. Une sorte d’hyperactivité vespérale.

Cet été, j’ai eu des soucis de mécanique respiratoire (je vous passe les détails) qui m’ont énormément gênés pour dormir. A un point catastrophique et extrêmement stressant. Merci mon physio, on est arrivé (après des mois) au bout de l’histoire et je respire à nouveau facilement, mais je crois que mine de rien, ça m’a fait une longue période où je n’arrivais souvent pas à m’endormir facilement. On rajoute là-dessus d’autres trucs, bref… pas la joie. Après, faut relativiser: pour moi, des soucis de sommeil ça veut dire que j’ai besoin d’écouter un podcast pour m’endormir, par exemple, ou que je me couche trop tard, et que je dors 6h30 par nuit (effectif) au lieu des plutôt 7h30 qu’il me faut.

Là, merci un machin bleu et puant qui s’appelle Redormin, à base de valériane, j’ai rajouté une heure de sommeil à mes nuits, globalement. Ça fait une sacrée différence. Et, détail intéressant, je me sens plus fatiguée le soir (comme quoi le cercle vicieux de la fatigue surexcitante… moche).

Alors bon, tout ça c’est le contexte. Ce dont je veux parler c’est de la lecture avant de se coucher. Le fameux livre de chevet. Je suis à la base une dévoreuse de livres. Il y a des pauses dans ma consommation libresque, mais globalement, j’aime lire. En quatrième année, je me souviens être restée éveillée jusqu’à passer minuit pour finir mon livre. Depuis 10-15 ans, je regarde aussi volontiers des séries. Et j’ai pris conscience à un moment donné que j’avais mes “phases séries” et mes “phases livres”. Je n’aime pas trop mélanger les deux. Un univers fictionnel à la fois dans lequel se plonger.

J’ai repris la lecture il y a quelques jours. Un livre tranquille. Je lis un peu, hop, je sens passer le train du sommeil, j’éteins, je dors (parfois avec le machin bleu puant, parfois pas). Mais quand je regarde des séries, j’ai aussi tendance à regarder avant de me coucher. Les écrans avant dodo c’est mal, je sais. Mais j’ai “toujours” fait comme ça. Sauf que là, en reprenant la lecture, j’ai réalisé que lire versus regarder une série avait un effet différent sur ma “chaîne de télé intérieure”. En effet, ce qui me chicane quand j’essaie de dormir, c’est qu’il y a trop de scènes qui se baladent dans ma tête. Des choses de la journée écoulée en replay, des scénarios pour des discussions à venir en mode maquette. Pas forcément des choses qui me stressent horriblement. Juste des choses qui tournent, tournent, tournent.

Et il me semble que lire avant de dormir, ça a un impact sur ça. Ce que je viens de comprendre, c’est que quand je lis, j’absorbe du texte, des mots, des phrases. Ça prend la place de mon discours intérieur. Et ça guide ma vidéo intérieure. En lisant je me “fais le film” de ce que je suis en train de lire. C’est d’ailleurs pour ça qu’écouter un podcast pour m’endormir marche bien: j’écoute un truc, je ne suis donc pas en train de produire mon propre matériel.

Par contre, en regardant une série, j’absorbe en mode passif un “discours vidéo” extérieur. Et je pense clairement que ça n’a pas le même effet débranchant sur ce qui se passe dans ma tête. Je me suis donc dit qu’il fallait que j’aie un livre de chevet même quand je regarde une série.

Un livre de chevet: assez intéressant pour avoir envie de le lire. Mais pas tellement prenant que je lutte contre le sommeil pour avoir la suite de l’histoire.

Je vous laisse, je vais lire.

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Pandémie: où j’en suis [fr]

Ça fait un moment que j’ai envie de faire un peu le point sur où j’en suis avec cette satanée pandémie. Au début, quand on était tous sous le choc, j’avais fait quelques vidéos (et même articles, je crois). Puis l’impensable est devenu normal: les fermetures, l’isolement social, les masques partout, et même les tensions entre les façons différentes qu’on a de gérer cette nouvelle réalité et à l’intégrer dans notre système de croyances.

Donc moi, là-dedans? J’avoue vivre tout ça avec un certain stoïcisme. J’ai la chance de faire partie des personnes qui ont très bien vécu le premier confinement, sur le plan personnel. Ça a été un grand soulagement de me sentir libérée de l’attente (que je projetais sur moi) d’être productive, active, sociable. Je sais que ça n’a pas du tout été comme ça pour tout le monde (la pandémie: grande révélatrice des inégalités, creuseuse de fossés entre les vécus personnels) mais moi, là, j’ai fait partie des chanceux, pour ça.

La pandémie m’a amené un travail. Temporaire, certes, mais un travail. Je suis Responsable d’équipe au Centre de traçage du Canton. On est une vingtaine de responsables d’équipe. Deux par équipe. Environ 25 traceurs et traceuses par équipe. C’est étrange pour moi d’être dans une configuration où j’ai autant d’homologues. Les horaires irréguliers ce n’est pas toujours facile. Mais je suis heureuse d’être dans le service public, de “faire quelque chose” pour le bien commun dans cette situation difficile que nous traversons tous.

On s’habitue. Ça ne me fait plus rien de voir des gens avec des masques tout le temps. J’ai de la peine à imaginer qu’il y a un an, quand j’allais faire mes courses, la Migros était remplie de visages tout nus. On s’habitue, mais sournoisement, le temps s’accumule, et là, même si je prends mon mal en patience, j’en ai marre-marre-marre. Et je me rends compte que la perte de ma vie sociale, du contact physique aussi (les joies de vivre seul au temps de la pandémie), du sport, des “possibles” au niveau culturel ou simplement des activités, ça commence à avoir un impact négatif sur moi.

J’ai vu arriver les premiers vaccins avec une joie et un soulagement immenses. Le bout du tunnel en vue, enfin. Là, je ronge mon frein, en voyant à quelle non-vitesse on arrive à vacciner les gens ici. On n’est pas sortis de l’auberge.

Les nouveaux variants m’inquiètent. Pour le moment, ce n’est pas la cata, mais plus on traine, plus le virus circule, plus grande est la probabilité d’apparition de nouveaux variants.

J’ai beaucoup, beaucoup de mal avec le fait qu’une si grande proportion de notre population se méfie des vaccins, voire même s’y oppose. Ça m’inquiète beaucoup. Ça me fait peur aussi, de voir à quel point la peur pousse les gens dans des idéologies à la logique sectaire, déconnectées des faits et de la réalité. Je sais que “débattre” ou “tenter de convaincre” ne sert à rien. Je fais de mon mieux. Je me sens impuissante, j’essaie de ne pas être en colère. Mais j’ai du mal.

Le “théâtre sanitaire” m’énerve aussi. Toutes les mesures sanitaires ne sont pas théâtre, loin de là, mais il y en a. Nettoyer la chaise sur lequel un patient s’est assis avant l’arrivée du suivant? Ça n’a vraiment aucun sens épidémiologiquement. Toute cette obsession autour des surfaces de contact, toute cette énergie dépensée à nettoyer ou ne pas toucher des poignées de porte, c’est complètement disproportionné face au mode de transmission de ce virus respiratoire: les gouttelettes (petites particules qui tombent au sol à environ 1.5-2m) et les aérosols (gouttelettes plus fines qui volettent dans l’air, comme une odeur).

On en est encore à ne pas se serrer la main ou se prendre dans les bras (avec masque) alors qu’on ne sourcille pas devant l’idée de partager un repas en intérieur ou se voir pour boire un thé, regarder la télé, ou jouer à des jeux (“ben oui y’a les distances” – mais quid de la ventilation? aérosols, allô?)

Cette incohérence m’énerve.

Au niveau des mesures prises, franchement, c’est Charybde et Scylla. Tout est relié, notre société est un système extrêmement complexe. Il n’y a pas de bonne solution: il faut “choisir son poison”. Ici, on a choisi de maintenir les écoles ouvertes, d’éviter autant que possible de déscolariser les enfants. Parce que la santé publique n’est pas que physique. Donc oui, on accepte un surplus de transmission du virus dans la population pour ne pas déscolariser nos enfants. Mais on ne va pas accepter un surplus de transmission pour sauver les restaurants, ni la culture. Une pesée des intérêts comporte toujours une part d’idéologie, de valeurs. Elle n’est pas objective.

D’autres pays, comme les USA, n’ont pas bouclé la culture et la restauration, mais ont fermé leurs écoles en mars. Il y a des enfants de 8 ans qui auront bientôt fait une année scolaire entière à distance.

Toute décision aura des conséquences. La culture, la restauration, les petites entreprises qui auront coulé à cause de la crise sanitaire ne se relèveront pas. Il y a des aides, certes (à nouveau, mieux qu’ailleurs) mais de loin pas suffisantes ou adéquates pour compenser les dégâts de la crise.

Il ne faut pas se leurrer, une pandémie, c’est pas quelque chose qu’on arrive à gérer bien. C’est une catastrophe. Une catastrophe ça fait des dégâts. C’est moche. Très moche. Des morts, des drames personnels, des drames collectifs, des drames culturels, gastronomiques et économiques.

Cette pandémie nous affecte tous. Dans nos vies, il y a des drames et des catastrophes. On pert un être aimé, on a un accident, on se sépare. Ces drames ont des conséquences sur nos vies. Parfois il nous faut des années pour nous relever. Parfois les conséquences durent toute une vie. On perd la carrière qu’on aurait pu avoir, on doit déménager, notre couple pète. Parfois, ces drames sont “la faute de personne”. Parfois pas. Mais dans tous les cas, on les subit, on fait face du mieux qu’on peut, ou du moins mal qu’on peut, on se relève, on finit par se reconstruire.

Ce qui est différent maintenant, c’est qu’on est tous en train de vivre une période de drame en même temps. Pour certains le drame est plus grand que pour d’autres. Mais il est là pour nous tous. Cette pandémie n’est pas un inconvénient passager qu’on pourra oublier une fois qu’il est derrière nous. Ce n’est pas quelques semaines de maladie ou un vélo volé. Là, on est encore dedans. On sert les dents, on essaie de survivre. A nouveau, c’est injuste, car c’est plus dur pour certains que pour d’autres. Mais tout comme la vie ne sert pas à chacun et chacune la même quantité de difficultés. Certains se débattent avec une maladie chronique toute leur vie, d’autres pas. Certains galèrent professionnellement, ou relationnellement. Bref, on n’est pas tous égaux devant la vie, ni devant la pandémie.

Donc c’est la merde. C’est la merde pour nous individuellement à différents degrés. C’est la merde pour nous collectivement, parce qu’on va tous payer d’une façon ou une autre le prix que notre société paie pour tenter, tant bien que mal, de limiter les dégâts. Cette pandémie va marquer notre vie. Et si c’est le cas, c’est qu’on a la chance de ne pas faire partie de ceux qui n’en ont plus, eux, de vie.

Face à la difficulté et l’injustice, certains vont chercher un coupable. Un coupable, c’est confortable. Ça donne une cible à notre colère. Ça donne une explication. Ça donne du sens. S’il y a un ou des salauds dans l’histoire, on peut leur en vouloir et exiger d’eux qu’ils réparent, qu’ils solutionnent, qu’ils “cessent d’être méchants” – ainsi notre problème disparaîtra.

Moi, je suis plutôt à chercher des explications. Je crois que fondamentalement chacun et chacune fait de son mieux. Je crois qu’à quelques exceptions près, les gens sont de bonnes personnes. Nos politiciens et politiciennes aussi. Je crois que quand les choses vont mal, c’est rarement “la faute” à quelqu’un. Je crois que c’est beaucoup plus difficile – mais plus juste – d’accepter qu’il n’y a pas toujours une cause simple à tout, que les situations injustes ne sont pas souhaitées, ou alors qu’elles ont des explications bien plus complexes que celles qu’on voit, et qu’en l’absence de coupable personne n’a le pouvoir de venir nous sauver.

Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas se faire entendre, lutter pour nos droits, pour la justice. Mais ça change la posture. Cette crise sanitaire a mis tout un paquet de personnes, dont nos dirigeants, dans la situation de devoir prendre des décisions qui seront de toute façon mauvaises – parce qu’il n’y a pas de “bonne solution” à une pandémie mondiale.

Au bout du compte, ce qui importe, c’est qu’on puisse un jour en sortir. On va en sortir avec des vaccins. On va en sortir en continuant à “faire attention” pendant un moment encore. On va en sortir avec des changements peut-être durables, comme mettre un masque sur son nez quand on est malade. On va en sortir en apprenant à mieux prendre en charge la maladie – aiguë et chronique.

On en sortira, mais il y aura eu des dégâts. A tous les niveaux. Comme on est sortis de la guerre et de la grippe de 1918.

J’ai beaucoup de mal à accepter qu’on doive traverser ça. J’ai le même sentiment de “rejet” ces temps avec la pandémie qu’avec la mort de mon chat. Deux drames, à des niveaux différents, qui m’affectent. Un qui n’affecte plus ou moins que moi, un qui affecte tout le monde. Il y a ces moments où je voudrais pouvoir faire en sorte que Quintus ne soit pas mort. Et il y a ces moments où je voudrais pouvoir faire en sorte que le virus n’existe pas, que la pandémie ne soit pas là, récupérer nos vies normales d’avant, remplies de libertés et de possibilités que je n’appréciais pas à leur juste valeur avant de ne plus y avoir accès.

Je me raconte que c’est OK pour moi de ne voir personne, de ne pas chanter ni aller au judo, de ne pas faire la bise à ma famille et mes amis, de ne pas aller au cinéma ou au restaurant. Alors oui, à un niveau c’est OK, parce que je n’ai aucune envie d’attraper (ou transmettre) le covid, je sais à quel point nos hôpitaux sont surchargés et ce que ça signifie, le covid long me fout les boules. J’imagine aussi à quoi ça aurait pu ressembler si nos autorités avaient dit “rien à faire du virus, continuez à vivre vos vies, ça va passer”. Donc j’accepte. Mais c’est pas bien. Je n’aime pas vivre comme ça. J’en ai marre. Je veux reprendre ma vie d’avant.

Je comprends la tentation, après ces longs mois, maintenant que l’habituation a fait son job, de tout envoyer balader et vouloir faire comme si de rien n’était et “vivre normalement”. Je l’ai. Mais je n’y cède pas, parce que je sais que la réalité de la situation n’a pas changé, même si notre perception nous dit autrement.

Pourtant, qu’est-ce que j’en ai marre. J’ai l’impression d’être embourbée dans la vie, là, en attente d’un soleil qui ne vient pas.

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Tristesse du soir [fr]

Ce soir, alors que ça va plutôt bien, subit coup de blues. Il me manque, mon vieux chaton câlin. Il aimait vraiment le contact, les caresses, être dans les bras, sur les genoux. Même si ces derniers temps, il ne voulait plus les genoux. Puis, plus les bras. Mais toujours les caresses.

Oscar, il est plus réservé dans le contact. Il a eu une vie plus mouvementée que Quintus, a beaucoup souffert, eu peur… Il me fait confiance, mais ce n’est pas la confiance absolue qu’avait Quintus. Il aime les caresses mais il faut montrer patte blanche d’abord. Frotter les joues, c’est bien. Gratter sous le cou, un peu, parfois. Il reste en alerte.

Il a le droit, bien sûr. Chaque chat est différent. Quand Tounsi est mort, c’est aussi ce qui était spécifique à notre lien qui me manquait. Ce que rien d’autre ne remplace. Ce qu’on n’aura plus jamais.

Quand Tounsi est mort, j’étais révoltée par l’injustice de la situation, il était jeune, on n’avait pas compris ce qui lui arrivait quand les premiers signes de sa maladie se sont manifestés, j’ai culpabilisé, bref, c’était un ouragan d’émotions.

Ici, avec Quintus, c’est presque si à quelque part je n’avais pas le “droit” d’être aussi triste. Il est mort paisiblement, il a vécu de longues années, il a eu une super vie, a été un super compagnon, que demander de plus? Une vie bien vécue, un mort au moment juste pour moi, et pour lui aussi j’espère.

La seule révolte à avoir ici, c’est contre la finitude de la vie. La mort. Et à quoi bon? Il n’y a rien à faire autrement, juste apprendre à faire avec. Et ça, je crois que je ne suis pas prête, au fond. Je lutte encore.

Alors je laisse de côté la révolte, car elle est vaine. Et il reste ça: j’aimais mon chat. Il n’est plus là. Il me manque. Je suis triste. Peu importe le comment, le pourquoi, que tout ce soit fait de les meilleures conditions possibles. Peu importe le juste ou l’injuste, peu importe que j’aie ou non un autre chat. Il n’est plus là, et c’est horrible. Je suis tellement triste. Juste tellement triste.

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Oaxaca Little Quintus (02.02.2001-14.12.2020) [fr]

Aujourd’hui, Quintus aurait eu 20 ans. J’avais des doutes concernant ses 16 ans, ses 17, ses 18 et même ses 19. Mais les 20 ans, j’y croyais. La vie en aura décidé autrement. La vie, la maladie, la vieillesse et la mort, surtout.

Quintus est mort le 14 décembre. Il était vieux, très vieux, et très diminué. Cette dernière année, encore plus. Et début décembre, il a dégringolé. Il avait déjà dégringolé quelques fois, et on l’avait récupéré. Cette dernière fois, quand j’ai cru que c’était clair que c’était fini, et que j’avais commencé à prendre mes dispositions pour l’accompagner jusqu’au bout, il a commencé à remonter la pente. J’ai décidé de lui laisser une chance.

Mais une semaine plus tard, il était clair que cette remontée de pente était insuffisante pour lui donner encore la qualité de vie qu’il méritait. J’ai pu faire venir une de ses vétérinaires à domicile, et je lui en suis très reconnaissante. Je n’ai aucun regret, aucun doute quant à ma décision – tant de lui laisser une chance quand je l’ai fait, que de tout arrêter lorsqu’il l’a fallu.

Je ne vous cache pas que ça a été horriblement dur. Avant, pendant, et après aussi. Après, au moins, j’avais la sérénité de savoir qu’il ne souffrait plus, ne souffrirait plus, que le temps de ma propre souffrance, à agoniser sur cette décision, était derrière.

Mais Quintus n’était pas qu’un chat vieux et malade. Nous avions une histoire. Moins longue que ses années, même si je l’ai connu chaton, car c’était le chat d’une amie, adopté à l’occasion d’un changement de continent. Mais une belle histoire tout de même, huit années de vie commune, huit années à dormir sur mon oreiller, à s’installer d’autorité sur mes genoux, à ronronner dans mes bras, à me regarder les yeux plein d’amour quand ils voyaient encore. Moi, en tous cas, j’y voyais de l’amour.

Je peine à trouver ma place dans ma vie sans lui. D’un certain côté, il occupait peu de place depuis longtemps déjà: un coin de mon lit, sur son tapis chauffant, et mon oreiller quand ça lui chantait. Mais dans mon coeur et dans mes préoccupations, c’était une place énorme: d’une part je l’aimais, c’était mon compagnon félin, et d’autre part m’occuper de sa santé était très prenant.

Maintenant, il n’est plus là, et c’est à la fois normal et impossible. Je ne sais pas toujours trop dans quelle couche de réalité je vis. Je ne m’attends pas à le voir, ça non, et je pense que c’est parce que sa mort était quelque chose auquel je me préparais depuis fort longtemps. Pas un choc, mis à part celui de la vie qui cesse d’une minute à l’autre et devient la mort. Je m’y attendais. J’ai même choisi quand. J’aurais pu dire non, on attend encore.

Ce n’est pas tant qu’il manque visiblement dans mon quotidien. C’est plutôt que ma vie s’est un peu éteinte depuis qu’il n’est plus là. Une source de joie, de bonheur et de réconfort a disparu. J’ai perdu l’être pour lequel j’avais fini par compter plus que tout, et ça ébranle ma place dans le monde. Je dérive un peu.

Il y a 20 ans, à Huddersfield dans le nord de l’Angleterre, naissait Oaxaca Little Quintus. Par un concours de circonstances quasi rocambolesque que l’on pourrait faire remonter jusqu’à une rencontre dans un marché en Inde, nos chemins se sont rejoints pour de bon en été 2012, quand nous avons pris l’avion ensemble pour faire le trajet Birmingham-Lausanne. Détail: nos lieux de naissance sont distants de moins d’une heure l’un de l’autre. Autre détail: Quintus, “cinq” en latin, était mon cinquième chat.

Il a fermé les yeux pour la dernière fois ce 14 décembre, un mois et demi avant son vingtième anniversaire. Et moi je pleure toujours.

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Influence [en]

When I was a teenager I had a strong desire to change the world. Make a mark, have an impact. When I was 16 I joined the scouts and learned some organising skills. I discovered I could give directions to a crowd. Organise a summer camp.

I went to university, a student like any other, still wanting to do something big with my life. I chose chemistry. I would do research and make ground-breaking discoveries. Reality was sobering. I lost my motivation, and failed in my third year.

I switched to Arts, deciding it was better to do something I enjoyed rather than hang on to pie-in-the-sky ideals for my future that didn’t match with the reality of the world. My focus became understanding. The world, language, people, myself. I tried to let go of wanting the change the world, put less pressure on myself, and be satisfied with changing myself and living my life.

Because I decided to go and spend a year in India, I discovered the web. The web of people, on top of the web of information. My world expanded, fiercely. During my first year or so online, I made two ground-breaking experiences, which I realise now set the path for these last two decades of my life.

I had a little website (the ancestor of this one) on a shared hosting platform. That platform had a community support forum. I used it. I contributed. With a few other users, we actually started a user support site that had a certain degree of popularity. We were changing things for people.

Later on, I was an active member in a few forums, elsewhere online. One in particular. I remember giving the founder some feedback based on good practices I had picked up reading Practical Internet Groupware. To my amazement, he implemented the change.

I was 25. I learned that my words on a screen could have influence.

Around the same time, I had my first real work experiences. I learned that my spoken words could have influence too.

Twenty years later, it is clear that writing and speaking is my way of “changing the world”. Moving ideas around online and offline, and also, of course, transforming some of these into action. My words gave me a career in the burgeoning digital space, they built relationships, created online communities, had an impact on people’s lives.

Being an agent of change is a large part of what gives meaning to my life. I see problems. I see solutions. I try and fix things. I try and say things. I have learned that I have power, in a way. And I have done (good, I hope) things with it.

It’s no wonder, knowing that, that I am training in an approach which leans heavily upon the idea that one cannot not communicate, and therefore one cannot not influence (Watzlawick et al.).

But today I am working hard at learning to function (healthily!) in an environment were my influence is limited. I am learning not only that there are things I cannot fix (that isn’t new, of course, there are plenty of things I cannot fix), but that it is OK to leave things alone even when I think I can fix or influence them. I am learning to step back, and trying to do that without disengaging. It is far from easy, as such a large part of my identity is tied to how much I can influence the world around me and how I can be of service to others.

It is a good thing to learn: my focus on others, on changing things for the community, being the one who makes things happen, is something that draws me away from focusing on myself and my needs. Something I am working on changing – but it’s not easy when the urge to rush in and do for others is so strong. So I’m taking this experience as an opportunity to learn to manage that urge, manage my energy and my priorities, and really choose what I do and do not do.

And maybe, who knows, learn a different style of influence.

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Just a Cat [en]

28.12.2020 17:19

Just a cat
Nobody said that
I’m even sure nobody thought that
Except maybe me
I shouldn’t feel so sad
I shouldn’t feel so lost
I shouldn’t be so heartbroken
Though even for months
And years
He’d been a shell of himself
A cat asleep
A little life
A few scraps left at the end of a long road
But still there
Still carrying memories
Our years together
Our bond
Still there while he slept
And purred sometimes
And stretched
Under my hand
And rubbed his face onto mine
Even when he stopped seeking my lap
Asleep next to me
Every night
Until the end
Soft fur
Lovely face
Black pads under his paws
So gentle
So trusting
A beautiful being
Just a cat
But my cat
My love
Gone to nothingness
Hardly more absent than when he was still there
In a way
But so much more absent to my tearful heart.

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Quintus, étapes d’un adieu (4) [fr]

Quintus, étapes d’un adieu (3)

16.12.2020 19:39

Ce soir, pour rentrer du travail, je pédale le coeur lourd. Après une journée de normalité, je réalise soudain qu’à mon retour chez moi il n’y aura pas de Quintus, pas la joie de le revoir, de le laisser frotter sa tête contre la mienne, d’enfouir mon visage dans son ventre pour sentir sa douceur et son odeur.

Pas l’inquiétude non plus de voir s’il va bien, s’il a mangé, s’il dort bien paisiblement… mais juste là j’oublie l’inquiétude, il n’y a que le manque, ma douleur voudrait faire machine arrière, effacer lundi, effacer sa mort, essayer encore quelque chose pour le garder près de moi, sûrement, il devait bien y avoir encore quelque chose à faire!

C’est bien normal, et je le sais. Mais ça n’ôte rien à ma peine. Et par-dessus tout ça, je me retrouve avec d’autres tracas personnels à gérer, dont je me passerais bien.

Juste là Quintus me manque, j’aimerais revenir sur ma décision, faire autrement, défaire tout ça et pouvoir le tenir encore dans mes bras. Ne pas avoir à faire face à son absence. Ce sentiment, c’est celui des larmes qui frappent à la porte, et qu’il faut laisser venir, même si ça fait mal.

Parce que ça fait mal, en fait, et que c’est malheureusement le seul chemin vers l’acceptation.

Que je n’aime pas devoir traverser ça à chacun des grands “jamais plus” de la vie. Jamais plus mon chat, jamais plus nos moments partagés, jamais plus m’émerveiller de ta beauté, jamais plus sentir ta langue râpeuse sur ma joue, jamais plus tes adorables pattes toutes noires dessous, ton sourire quand tu dormais, ton confort quand tu t’étirais…

Pourtant, on en avait déjà derrière nous, des jamais plus: tes pattes autour de mon cou quand je te tenais dans mes bras, ton accueil à la porte, te voir grimper les arbres, ramener des souris, courir dans l’herbe, venir d’autorité sur mes genoux quand j’essayais de travailler, faire la toilette à ton frère, à Tounsi ou aux chatons, observer le monde du balcon, ton regard quand tu me voyais encore, ta queue dressée bien haut pour montrer ta satisfaction, jusqu’à ce que tu ne puisses plus, les tours d’immeuble que l’on faisait ensemble, quand ta vue baissait mais que je ne le savais pas, tes pattes dans la neige, ton corps sur ma tête pour mieux dormir, ton ronron fort et quasi constant qui n’était à la fin presque plus perceptible…

Une vie, quand elle est finie, se résume à des souvenirs et des traces laissés dans d’autres vies. Quintus aura marqué la mienne, et celle de sa première maîtresse, mais aussi celles de quantité d’autres personnes qui l’ont rencontré, en personne ou par écran interposé. Il aura aussi marqué la vie de centaines de chats diabétiques francophones, puisque c’est sa maladie qui m’a inspirée pour créer la communauté “Diabète Félin”. Il a vécu une belle vie de chat, une belle vieillesse aussi. Mais tout ça ne me console pas. Je m’en fiche de tout ça: je veux juste qu’il ne soit pas mort, que l’âge ne l’ait pas rattrapé, qu’il soit encore sur mes genoux à ronronner, son poil si doux sous ma main.

C’est ainsi. Il faut faire avec l’absence, il faut faire aussi avec ce mouvement qui rejette absolument l’absence tout en sachant que c’est en vain, et accepter de s’effondrer dans la peine qui l’accompagne. Encore et encore, jusqu’à ce qu’au fil des jours, au fil des semaines, l’absence finisse par devenir plus supportable.

18.12.2020 21:49

Je me rends compte qu’au fil du lent déclin de Quintus, ces dernières années, je n’ai jamais vraiment pris le temps de faire le deuil de ce qu’il perdait en route, tellement j’étais soulagée et reconnaissante qu’il soit toujours là.

J’ai été terriblement triste qu’il perde la vue. Ça a été graduel, et sa vie s’est rétrécie progressivement à mesure qu’elle s’assombrissait. Pendant un temps il me suivait dehors, et on se promenait ensemble. Puis sa mobilité s’est réduite, je le portais en haut du chemin, et il rentrait. Au début il se repérait bien dans l’appartement, puis, la confusion de l’âge aidant, c’est devenu de plus en plus difficile, navigant les murs au toucher.

A la mort de Tounsi, ma tristesse terrible de le perdre était augmentée de ma tristesse pour Quintus, car je savais qu’à son âge et dans son état de santé les chances qu’il retrouve un “copain chat” étaient très faibles. Pour lui, fini les siestes à deux, la toilette mutuelle, les chamailleries, la stimulation de la présence de l’autre, et simplement, la compagnie.

Chaque fois qu’il a été gravement malade, il en est ressorti diminué. Mais j’étais déjà si heureuse qu’il ne soit pas mort. C’est bien de focaliser sur le positif, mais il ne faut se voiler la face non plus pour le négatif.

Le Quintus qui est mort lundi était bien différent du Quintus qui est arrivé pour de bon dans ma vie en 2012. Il était même bien différent du Quintus d’il y a 3 ans, d’il y a deux ans, un an. Quelques mois, même. J’ai regardé encore et encore ce qui allait: il est autonome pour manger, il se déplace jusqu’au balcon et retour, il aime les caresses, il ronronne. Ce qui me restait de mon chat. Jusqu’à la fin, où il n’en restait plus rien.

22.12.2020 10:29

When a kind of calm washed over me in the couple of days after Quintus’s death, I thought the worst was behind me, in those 10 agonizing days whilst I tried to decide if it was indeed time or not, and how to go through with it.

I may have been wrong. But things are not bad in the way I imagined they might be. I’m not crying all day or feeling actively miserable all the time. It’s more like I feel very down, very empty, not functional. I don’t recognise myself. I broke down at work the other day. I forget things. I make mistakes. I feel like life has been emptied of all its good things. And overall, I just realised I feel ashamed for not “dealing” better, or more as I’d expected. I don’t even feel like writing, or sharing, really.

I just wish I could take a break from myself until it’s all “over”, whatever that means. I’m definitely not in a great place, and I feel like I’ve lost my toolbox for navigating difficult times.

I tell myself that this will pass. I try to hang on to that. I try and trust myself that I will cope, one way or another. But I’m scared that I might be wrong this time around, and that doesn’t help me at all. I’m not sure what to do except wait, try and hold it together when I need to (work), and cut myself some slack when I can (the rest of the time).

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Les yeux de mes collègues [fr]

En novembre, j’ai commencé un nouveau travail. Masque sur le nez toute la journée. J’ai donc vécu l’étrange expérience de faire connaissance de mes collègues sans voir une bonne partie de leur visage.

Eh bien, c’est pas évident. Ça m’a vraiment fait prendre conscience de la quantité de connexion qui passe par nos expressions faciales. Oui, on voit des choses dans les yeux, mais c’est tellement plus pauvre qu’avoir accès à l’ensemble.

Au cours de quelques moments où on a pu interagir sans masques, après des semaines de communication non-verbale appauvrie, j’ai senti l’atmosphère entre nous changer.

J’ai aussi découvert que le bas du visage de mes collègues ne ressemblait pas du tout à ce que je projetais derrière leurs masques. Quel est ce visage paradigmatique avec lequel on comble ce qui nous est inaccessible? J’aurais voulu savoir dessiner pour tenter de le montrer. Est-ce qu’on met le même visage sur tout le monde. Est-ce notre visage, notre repère, qu’on dessine sous les masques d’autrui? C’est très étrange en tous cas, de ne pas reconnaître la personne quand le masque tombe. Le visage perçu qui change, c’est aussi la personnalité perçue qui change. Un plus d’humanité.

Je suis loin d’être étrangère à l’expérience de faire connaissance de quelqu’un sans voir son visage. De devoir réconcilier une image physique de l’autre construite avec sa réalité. Mais quand on communique uniquement par écrit ou par voix, sans se voir du tout, on sait être dans un médium appauvri, et notre façon de nous exprimer et d’interagir en tient compte.

Notre écrit interactif, ces 20 dernières années, s’est enrichi de tout un lexique non verbal pour compenser l’absence de retour visuel et même auditif. Le téléphone, on connaît depuis longtemps, et on adapte tous inconsciemment notre façon de nous exprimer et de gérer l’interaction quand on est au bout du fil.

Mais en présence physique, j’ai le sentiment qu’on a un peu tendance à vouloir communiquer et interagir comme si de rien n’était. C’est pas volontaire, bien sûr. Mais du coup, ça nous projette dans un environnement social plutôt froid, rempli d’yeux avec lesquels on se fixe, scrutant des indices de ce qui pourrait se passer sous le masque. Et au final, ça revient à être entouré de gens à l’expression neutre et vide. Limite, qui tirent la gueule. C’est pas idéal pour créer des bons liens.

En tant que malentendante, naviguer dans ce genre d’environnement apporte des challenges supplémentaires. Alors que d’habitude, surtout depuis que je suis appareillée, je fonctionne plutôt bien, en demandant peut-être de temps en temps de bien vouloir répéter ceci ou cela, avec les masques c’est la catastrophe. Je suis beaucoup plus handicapée que d’habitude. Ça aussi, ça n’aide pas à créer des bons liens, quand on rate parfois la moitié de ce que l’autre dit.

Evidemment, je demande aux gens de répéter, de venir plus près, j’explique, et tout le monde fait des efforts, mais à plus forte raison sans retour non verbal (l’air interrogatif quand on ne comprend pas, qui nous fait nous interrompre et nous demander ce qui peut bien se passer) ces efforts ont tendance à disparaître rapidement. Pas par mauvaise volonté, mais simplement par retour à l’habituel. Et devoir mettre de l’énergie chaque jour à rappeler mon handicap, que j’ai le privilège de pouvoir la plupart du temps passer sous silence, j’avoue que ça me coûte.

Je me réjouis du jour où la situation sanitaire nous permettra à nouveau d’interagir à visage découvert, de se rapprocher à une distance d’interaction confortable pour moi, où mon travail actuel n’existera plus.

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