Il y a des choses qui me trottent dans la tête. L’importance de la perception qu’on a des choses, même si elle ne colle pas à ce qu’on pourrait appeler la “réalité objective” (allô Merleau-Ponty). Que nos actes et silences communiquent, eux aussi (allô Watzlawick). Que la communication est interactionnelle (allô je ne suis pas sûre précisément qui, mais à l’IGB on baigne là-dedans). L’importance du vécu intérieur et sa réalité inaliénable; la nécessité de le prendre en compte dans nos relations.
Mais aussi, les âges de la vie: qui je suis aujourd’hui par rapport à qui j’étais il y a 20 ans (plus même), quand j’ai commencé ce blog, ou même il y a 10-15 ans, au coeur de ma carrière d’indépendante dans un domaine innovant. Aujourd’hui, j’ai moins envie d’innover, j’ai aussi moins envie de créer. Est-ce derrière moi? Est-ce une phase? Je suis moins en lutte avec le monde, plus acceptante, est-ce lié?
Alors que d’un côté je pense être un peu plus en paix avec le monde et avec moi-même, je me trouve plus facilement irritable avec les gens. C’est pas quelque chose qui me plait, et c’est le vilain petit secret que je tente de bien cacher, mais la réalité est que je me sens devenir moins tolérante, moins patiente. Je pense que c’est la pandémie. J’espère, en fait, parce que je n’aime pas être comme ça. Du coup je me replie un peu dans mon petit cocon, un peu trop peut-être, je fuis les sujets polarisants, j’attends que ça passe. Ma vie maintenant a moins de lien qu’avant, et je suis sûre que ça me fait quelque chose. Ne pas voir de visages, ou si peu, ne pas pouvoir être en contact sans insouciance. Je sens que tout ça est un poids, un poids sournois qui ne me fait pas du bien.
J’attends, donc, tout en me disant qu’il ne faut pas que j’attende trop pour vivre, parce que la vie c’est maintenant quand même, même si c’est pas la vie qu’on voulait ou le monde qu’on voulait. Ces années de pandémie, on ne va pas les récupérer. Je tente de me tourner vers l’intérieur: apprendre, me former, mieux gérer mon quotidien, mieux me connaître, écrire, écrire plus. Méditer à coups de mots sur le monde et la vie, faire quelque chose de constructif et peut-être même de créatif de ce que le hasard ou le sort nous ont servi. Tant bien que mal.
Mais je vois bien que la vie au temps de la pandémie ne convient pas à mon équilibre. J’ai la chance et le luxe que ce soit “juste” mon équilibre. Pour d’autres, c’est leur gagne-pain, leur santé physique, leur monde qui s’écroule ou même prend faim. Dans mon privilège, je cherche toutefois à “être mieux” et “faire mieux”, à regarder le verre à moitié plein, à ne pas juste attendre que ce soit fini. Parce qu’à force d’attendre que ça passe, on court le risque de se retrouver au bout du chemin en n’ayant pas fini d’attendre.
Alors aujourd’hui j’écris, même si je ne suis pas trop sûre quoi dire, même si les idées sont mal formées dans ma tête, même si ça me semble un peu vain, d’étaler sur un clavier un peu de mon mal-être et du sens que j’essaie de trouver dans le monde. Parfois j’ai le sentiment que les mots ont le pouvoir de dissiper le mal-être et d’en faire quelque chose qui peut compter, qui peut toucher une vie autre que la mienne, et ainsi créer du sens et du lien.
Peut-être.
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