Mon vieux chat va mourir [fr]

[en] The end of the road is near for my old Quintus.

Quintus va mourir. Pas aujourd’hui. Mais bientôt.

Ça fait un moment que je veux écrire cet article, et que je repousse, parce que je n’ai pas du tout envie de vivre les émotions qui vont accompagner son écriture.

Je sais depuis longtemps que Quintus va mourir un jour. Chaque chat qu’on aime va mourir, très probablement avant nous. Et Quintus n’est pas jeune. Depuis 2016 je m’attends à ce qu’il puisse mourir. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai cru que son heure était venue. Jamais je n’avais imaginé que Tounsi pourrait mourir avant lui.

J’ai eu peur que sa première pancréatite ait raison de lui. Puis la deuxième, et le diabète. En janvier, ses reins ont failli tirer leur révérence. Puis, deux incidents avec des médicaments mal supportés. Ce dernier mois, des troubles neurologiques qui s’enchaînent, et un état général qui décline, lentement mais sûrement. Il a quand même 19 ans. Vient un moment où on a le droit de vieillir.

Mais vient aussi un moment où l’on ne peut plus lutter contre les dégâts amenés par la vieillesse. Ce week-end, il était vraiment mal. On l’a réhydraté, et de même ce matin. Et on a fait un peu le point avec mon véto.

Ça s’approche. A grands pas peut-être. Comment savoir “quand” lorsque le déclin est graduel? Lorsqu’on a un chat qui mange, utilise sa caisse, ronronne encore, s’étire langoureusement sur son coussin chauffant, et vient même de lui-même sur le balcon (il y a moins d’une semaine)? Quand malgré une fonte musculaire marquée, son poil est encore joli, ses analyses sanguines d’il y a un mois frisent la perfection, et que l’essentiel de son quotidien est fait de siestes paisibles?

Je n’ai aucune envie de faire face à ce qui vient. Je le ferai, mais qu’est-ce que je ne me réjouis pas de combien ça va faire mal. Cela ne fait que 8 ans que Quintus partage ma vie, malgré son grand âge. Je l’ai connu chaton, toutefois, vu que c’était le chat d’une amie, que j’ai récupéré lorsqu’elle a dû repartir en Inde. En Inde, il serait mort depuis longtemps, on le sait bien toutes les deux. Huit ans, mais deux ans et demi de soins rapprochés et d’inquiétude constante de le voir dégringoler. Depuis son diabète.

Alors je comprends qu’un jour il est temps. Ma tête le sait bien. Émotionnellement, par contre, je me trouve loin d’être prête. Bien moins prête que je ne le voudrais. Il a survécu envers et contre tout, et été mon fidèle compagnon d’oreiller durant ces dernières années, loin d’être faciles pour moi.

J’essaie de me projeter. Dans quelques jours, quelques semaines au maximum, il ne sera plus là. Je n’aurai plus à m’occuper de lui, à prendre soin de lui, je ne sentirai plus sa douce et chaude fourrure sous ma main ou contre mon visage. Il ne toilettera plus ma joue de sa langue râpeuse. Il ne ronronnera plus du tout, pour de bon. Je ne le verrai plus s’étirer si confortablement sur son coussin chauffant au coin du lit.

Mais il sera libéré de ses vieux os douloureux. Que reste-t-il aujourd’hui dans sa vie? Parfois j’ai peur d’avoir déjà attendu trop longtemps. Cela fait des années que je me pose la question de sa qualité de vie. Chaque fois, je fais le même constat: oui, il est vieux, mais il a plus de bons jours que de mauvais jours, et encore suffisamment de plaisirs dans la vie pour que ça en vaille la peine.

Mais là, les plaisirs se rétrécissent, et les difficultés augmentent.

Je bénis le ciel, auquel je ne crois pas, qu’il soit un patient facile. Quintus a toujours eu une très grande tolérance. Une confiance absolue en l’humain. On peut “tout lui faire”, enfin pas complètement tout, mais j’ai eu cette chance que les soins n’ont jamais été une grande contrainte pour lui. Même le vétérinaire, jusqu’à relativement récemment, ne lui faisait ni chaud ni froid. La cage de transport, la voiture, idem… Le patient idéal. Même dans son vieillissement, il est resté propre, ne miaule presque pas, très digne.

Je sais que les chats souffrent en silence. Je l’observe, à l’affût du moindre indice. Je sais que son arthrose le fait souffrir, mais combien? Comment mesurer? Je repère à sa position que quelque chose ne va pas. Il montre peu, mais je vois beaucoup. Ça me travaille quand même. Je ne suis pas infaillible, et mon attachement fausse peut-être mon jugement. Est-ce une vie dont il faut le libérer, ou une vie dont il ne faut pas encore le priver?

Voilà les questions auxquelles il va falloir que je réponde ces prochains jours, ou ces prochaines semaines. Il a passé une bonne journée aujourd’hui, bien hydraté par sa perfusion du matin. Mais on ne remettra pas ça. Et même s’il tient bon “cette fois”, je sais que la prochaine n’est pas loin. Quand le cerveau commence à ne plus aller, il n’y a plus grand chose à faire.

Un dernier mot avant de rendre mon clavier: je ne cherche pas ici de conseils sur que faire ou ne pas faire. Pensez-les tant que vous voulez, mais abstenez-vous de les partager.

Le sort de Quintus est entre mes mains, c’est ma responsabilité et mon triste privilège. Une décision qui me revient, avec le soutien de mon vétérinaire, qui suit Quintus depuis qu’il est arrivé chez moi, et que je connais depuis 20 ans, et de quelques amies proches qui connaissent bien la situation et ont ma confiance.

Je n’aime pas devoir mettre par écrit ce genre de précision, mais dernièrement je n’ai que trop vu à quel point la distinction entre “j’ai quelque chose sur le coeur, et besoin d’être entendue” et “dites-moi quoi faire, ai-je raison ou tort” est peu claire pour certains. Et à quel point d’autres savent mieux que les personnes les plus concernées ce qu’il faudrait ou aurait fallu faire. Donc je préviens, car je ne réagirai pas bien. (Pandémie, quand tu nous tiens.)

Par contre, si Quintus a touché votre vie d’une façon ou d’une autre, que vous l’ayez ou non rencontré, n’hésitez pas à me parler de lui. Ou si vous aussi vous savez la grande peine d’aimer un vieux chat, je vous lirai avec plaisir, et probablement quelques larmes.


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5 thoughts on “Mon vieux chat va mourir [fr]

  1. À chaque fois que j’entends parler, que je lis, la fin de vie d’un vieux chat, ça me ramène à mon Bois d’Ébène, mon Bèbène, mort à 21 ans. Sa démarche au ralenti, ses dents qui grinçaient quand ils mangeait même les trucs les plus mous qu’on trouvait et son escalope de poulet en tout petits morceaux, son air de vieux sage avec ses sourcils et ses moustaches entièrement blanchies sur son poil noir et son “sourire” de chat paisible. Sur la fin, il avait une affection toute particulière pour moi, ça avait toujours été plus mon chat et celui de ma mère, mais durant ses dernières années, il me collait, m’escaladait dès que je m’asseyais pour venir ronronner sur mes genoux, venait se blottir contre moi sous la couette le matin. Je me souviens d’un jour où j’étais à côté de lui et j’ai posé la main sur lui et il a tourné la tête vers moi très vite avec des yeux morts d’amour pour me faire un gros ronron parce que j’avais daigné le caresser. Il était adorable, ce chat, et intelligent, j’avais l’impression qu’il me comprenait. Je comprends ta peine, il était tellement vieux le mien que j’avais fini par le croire éternel tout en sachant que c’était impossible mais ça n’empêche pas de rêver… Je trouve ça tellement magique que ces petites bêtes qui n’ont rien à voir avec nous acceptent de partager leur vie avec la nôtre et s’intéressent à nous ! Je suis heureuse de l’avoir connue comme je suis sûre que tu seras heureuse d’avoir connu ton petit lynx. En attendant, je partage ta peine de le voir décliner, c’est moche mais je suis sûre que tu fais tout ce qu’il faut, tu le connais, c’est ton chat. Je te souhaite bon courage. <3

  2. Coucou Stéphanie,

    Je te souhaite beaucoup de courage dans ces moments qui s’annoncent difficiles. Tu sais que Quintus est l’un des rares chats avec qui j’avais des affinités et je suis de tout cœur avec toi. Et même si tu n’y crois pas, moi je pense qu’il y a un bout de ciel pour Quintus, le félin indo-suisse le plus cool au monde! Bisous.

  3. Hey Steph,

    Je n’ai jamais eu de « chat à moi », en tout cas je n’avais. Depuis le 1er mai j’ai adopté un drôle de truc qui a eu une drôle de vie. Avant lui c’était la chatte européenne de ma copine d’alors, que j’ai dû accompagner dans ses derniers moments quand elle est arrivée au terme de ses souffrances : elle est morte dans mes bras. Puis un chat adopté en commun, qu’elle a gardé quand on s’est séparés.

    Les douleurs sont énormes, mais ça veut dire que les joies et les bonheurs ont été immenses.

    Maintenant que j’ai mon chat à moi tout seul, je trouve l’attachement bien plus profond, déjà au bout de deux mois et demie. La vie, quoi.

    Bon courage et des bisous.

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