L’habituel commence gentiment à reprendre ses droits. Le temps reste mou; hier j’étais convaincue qu’on était samedi, au point que quand une personne que je devais voir lundi m’a dit “à demain!” j’étais à deux doigts de la rectifier. La sensation de crise aiguë m’a quittée. J’ai trié mes tupperware.
Mes objectifs quotidiens sont modestes: m’installer pour lire mon roman, finir ma journée assez tôt pour regarder ma série, faire des boulettes de viande avec le kg de viande hâchée que j’ai achetée en action à la Migros. Et, la normalité revenant au galop, je procrastine. Bref, je me retrouve face aux mêmes challenges qu’il y a 2 mois, qu’il y a deux ans.
Je fais partie des grands privilégiés de cette crise, vu que je peux me payer le luxe de me débattre avec mes difficultés habituelles.
Ce qui n’est pas habituel, par contre, c’est que je me trouve extrêmement irritable. Je pars au quart de tour. Alors que d’habitude j’arrive à garder une saine distance émotionnelle par rapport aux choses qui ont tendance à m’énerver (les gens “qui font faux”, “qui ont tort”, “qui réfléchissent pas”, bref, vous voyez le schéma, c’est pas très glorieux), maintenant c’est un peu comme si je n’avais plus de fusible pour ça. Un effet de bord du confinement, rien d’anormal, mais c’est ennuyeux. La solution est assez simple, heureusement. Dormir assez (j’ai le luxe de pouvoir), sortir et bouger assez (idem), garder un rythme au quotidien (plus difficile). Et limiter un peu les contacts sociaux.
Je suis clairement sortie de ma phase “tout lire, tout apprendre” au sujet de coronavirus. Maintenant, ça m’ennuie même un peu. Je crois avoir fait le tour, j’attends surtout que la science avance (mais ça, ça sert à rien d’être au taquet dessus chaque jour), les décisions au niveau politique ont été faites et je me doute bien de ce qui nous attend, encore des semaines ou des mois de la même chose. Sur Vaud les chiffres commencent à se stabiliser, ce qui veut dire que la courbe grimpe moins raide, alors on tient bon, on pense fort à ceux qui sont au front, on évite de prendre des risques ou d’en faire courir à autrui, et on attend. Je suis consciente que c’est facile pour moi de dire ça, je n’ai que ça à faire, de toute façon, attendre, pas d’urgence.
J’ai fait des semis. Je suis allée chercher du levain, qui bulle à côté de celui que je tente de démarrer ici. J’essaie de me mettre chaque matin au soleil sur mon balcon, avec les chats. J’essaie de manger correctement, ni trop ni trop peu.
A ce propos, j’ai installé MyFitnessPal. Alors c’est très bien, la base de données de nourriture est super (on y trouve même les brownies de la Migros), on peut scanner les codes-barres… Mais le problème est que même si je me suis dit que j’allais juste noter ce que je mange pour prendre meilleure conscience de où sont les calories (je n’ai jamais fait de régime de ma vie, donc je suis assez peu au fait de la densité énergétique de ce que je mange), je me retrouve à regarder cet objectif total journalier et à me stresser pour essayer de l’atteindre. Et ça, c’est pas le but. Alors j’ai changé mon fusil d’épaule: je rentre les choses mangées le soir, après-coup. Et j’arrête d’essayer de faire attention – juste manger raisonnablement, comme je fais d’habitude (et comme je ne l’ai pas fait cette dernière année…).
Je trouve difficile de ne pas me mettre de pression, de façon générale. Tant pis si je ne “profite” pas de cette période. Ça aussi, c’est pas le but. Le but c’est de vivre. Et c’est pas si facile.
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