Un partage n’est pas forcément une invitation au débat [fr]

Il y a des thématiques qui me tiennent à coeur. Des thématiques sur lesquelles j’ai une position assez établie, parce que j’ai plongé dedans, réfléchi, lu, discuté, et je me suis forgée une opinion. J’aime croire que mes opinions prennent racine dans les faits, dans une certaine rationalité, mais je ne suis pas dupe, je sais que comme pour tout le monde, la part de croyance et d’idéologie dans mes prises de position est certainement bien plus grande qu’il ne m’est agréable de l’admettre.

Ce sont des thématiques que je nomme parfois “religieuses” — celles qui ne génèrent le plus souvent que des débats stériles, qui polarisent, et qu’on évite soigneusement avec ses amis si l’on se trouve de part et d’autre du gouffre idéologique… parce qu’on veut rester amis malgré tout. Ou alors, ce sont les thématiques qui défont les amitiés. Ça arrive.

Largement, je ne suis pas intéressée à en débattre. Alors oui, j’adorerais convaincre les gens, parce que je pense que j’ai raison, mais je sais aussi que malheureusement ce ne sont la plupart du temps pas les arguments rationnels qui font changer d’avis.

Deux exemples parmi d’autres: les vaccins et les OGM. Pour moi, et je suis convaincue d’avoir la science et la raison de mon côté (et donc “l’objectivité” du monde), les vaccins sont sûrs et efficaces pour lutter contre toute une collection de maladies dont on a parfois oublié les horreurs (la polio, ça vous dit?). De même, il est clair pour moi que ce qu’on appelle les OGM, qui sont parmi les organismes les plus testés et contrôlés à finir dans nos assiettes, sont aussi sûrs (si ce n’est plus) que d’autres variétés obtenues par d’autres méthodes (mutagenèse, hybridation) que ne font sourciller personne.

Je crois aussi qu’il n’y a pas de dieux ou de Dieu, pas d’esprit indépendant de la matière, pas “d’ondes” ou “d’énergies” mystérieuses entre les êtres ou ceux-ci et la nature.

Donc de même qu’on ne me convaincra pas de croire en Dieu, et que je ne convaincrai pas un croyant d’abandonner sa foi, on ne me convaincra pas de rejeter les vaccins ou les OGM. (J’ai conscience que ces trois exemples ne sont pas tout à fait sur le même plan, hein. Je les mets côte-à-côte pour insister sur ce qui les rassemble, pas sur ce qui les sépare.)

Et donc, pourquoi “un partage n’est pas une invitation au débat”?

C’est autant un rappel pour moi qu’une annonce pour les autres: si je partage un article, ce n’est pas forcément pour convaincre celles et ceux qui seraient convaincus du contraire. C’est peut-être juste pour les curieux, pour ceux qui sont déjà d’accord, ou ceux qui cherchent encore. Ce n’est pas une invitation à tenter de réfuter le point de vue exposé.

Mais j’ai remarqué que sur Facebook, le message subliminal du partage est compris ainsi: ouvrez le débat. Tentez de convaincre l’autre qu’il a tort.

Alors non. Parfois, on ne veut pas débattre sur des sujets “religieux” ou sur lesquels on a un avis bien tranché. On veut juste mettre quelque chose à disposition, à prendre ou à laisser.

Ceci dit, j’aime les échanges où au-delà du désaccord, on peut être sereinement d’accord d’avoir des points de vue différents et tenter honnêtement de comprendre comment l’autre voit le monde et pourquoi. Sans juger, sans vouloir faire changer d’avis l’autre, juste regarder de plus près comment nos croyances et convictions se rejoignent et divergent.


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One thought on “Un partage n’est pas forcément une invitation au débat [fr]

  1. Les discussions sur les sujets “qui fâchent” sont difficiles. Je crois qu’avec le temps, j’essaie de plus en plus de les éviter, en partie inconsciemment, en partie consciemment. Parce que ces discussions me fatiguent d’avance. Parce que je sais aussi comment elles se déroulent (toujours les mêmes arguments fallacieux, etc.). Parce que je n’ai jamais convaincu personne d’arrêter de croire en Dieu, de devenir végétarien/végan ou que les vaccins, OGMs et les ondes électromagnétiques ne sont pas mauvais. Ou que l’exploration spatiale, ça sert à quelque chose, même lorsque des gens meurent de faim sur la Terre. Ou que l’homéopathie, non, ça ne “marche pas”. Ou que… 🙂

    C’est pourquoi j’ai beaucoup d’admiration pour les gens qui persistent, inlassablement, à débattre. Dans le domaine de l’athéisme, je pense par exemple à des gens comme Sam Harris ou comme Anthony Magnabosco (https://www.youtube.com/user/magnabosco210), qui cherchent les discussions difficiles, tout en restant civils. Sans jamais s’énerver.

    Cela dit et pour finir sur une note optimiste, j’ai aussi l’impression que la pratique de la méditation et du stoïcisme (découvert plus récemment) me permettent de plus en plus de rester serein lorsque ces sujets sensibles arrivent inévitablement dans la discussion. Je ne sais pas si ce n’est qu’une impression. Je ne crois pas. Mais je pense que j’ai tendance à être légèrement plus calme et à l’écoute de l’autre. J’ai encore énormément de progrès à faire, cela dit !

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