Il faut courir, encore et toujours, mener une vie digne des jours-mois-années comptés qui nous sont donnés, que dis-je, que l’on arrache à coups de hasard au couperet de la mort.
La vie est courte. On ne sait pas de combien. On a la certitude du moment présent, mais après, plus rien. Une crise cardiaque, un caillot au cerveau, une camion qui passe ou un accident con. Une maladie qui d’un coup nous montre le bout de la route.
Alors il faut en profiter.
Mais comment?
Il faut faire, faire, construire des cathédrales gravées de notre nom, qui garderont durant des siècles la trace d’une petite vie vécue, petite vie insignifiante, comme tant d’autres, toujours trop courte avant de retourner au néant.
On s’accroche, on s’accroche. On l’aime bien, notre petite vie, même si on ne sait pas trop à quoi elle sert. Elle est là, on ne voudrait pas qu’elle ne soit plus.
Nous sommes les chanceux. Coupables survivants, condamnés à “faire quelque chose” de leur vie, à ne pas la gaspiller, chanceux, toi qui as ce que tant d’autres ont perdu, tu te dois d’avoir du sens, d’en fabriquer, de ne pas vivre en vain.
L’absence de mode d’emploi donne une liberté presque absolue, mais étouffée sous le poids du devoir, de l’obligation, de la peur de disparaître. La peur de ne pas être là pour voir notre souvenir s’effacer du quotidien de ceux qui nous étaient chers, de voir le monde continuer sans nous, impensable, en un battement de cils, on aurait presque pu ne pas venir du tout.
Quelque part, ma liberté, tu piaffes dans les starting-blocks en attendant que je fasse quelque chose de toi. De liberté tu deviens carcan, car il faut il faut il faut. Ce serait si dommage de ne pas en profiter.
Sois libre!
Cahin-caha, les années passent, que l’on sache ou non ce qu’on est en train de faire. Avancée inexorable sous le joug de cette injonction paradoxale, appel d’air qui nous embarque qu’on le veuille ou non. Il faut y aller. Pas le choix. Mais comment? Trop de choix.
Mieux vaut tout faire, de peur de laisser échapper ce qui enfin donnera sens à tout ça.