Minuit moins quart. Je suis rentrée tard, mais c’est samedi soir, ça va encore.
Je suis accoudée sur mon lit, téléphone à la main, chat presque contre moi. Il est temps de me lever pour me mettre vraiment au lit. Je vais lire un peu et dormir sans trop tarder.
Seulement, quand j’essaie de changer de position, je ne peux pas. Mon bassin est un océan de douleur paralysante. Changer ne serait-ce que la répartition du poids entre mon coude et ma hanche est un calvaire. J’essaie de plier légèrement la jambe: n’y pensons pas.
Quinze longues minutes plus tard, j’ai péniblement réussi à me coucher sur le dos.
Il me faudra quinze minutes supplémentaires et pas mal de serrage de dents pour me retrouver sur mes pieds, pliée comme une petite vieille, accrochée à la table de nuit – mais « debout ». Je tremble comme une feuille: froid, peur, choc?
Je me redresse tant bien que mal. Je fais quelques pas en m’accrochant aux murs. Que faire? Prendre des médicaments? Un bain chaud? Essayer de bouger? Au contraire, surtout ne pas bouger? Me mettre au lit et prier?
Je suis raide comme un bâton, pendue à un fil. J’aimerais aller aux WC mais je n’arrive plus à m’asseoir. J’aimerais voir ce que j’ai comme médicaments mais je n’arrive pas à me pencher pour ouvrir le tiroir. A tout hasard, je sors la clé de ma serrure. On sait jamais. Je m’accroche à mon téléphone, point de contact avec le monde.
Vais-je pouvoir aller travailler lundi? Ma tête fait le tour des plans de contingence en cas de catastrophe.
Vivre seul a plein d’avantages. Je ne range que mon propre bordel. J’ai toujours mon espace vital. Je fais ce que je veux à peu près quand je le veux.
Il y a des désavantages, aussi: je paie toutes les factures. Quand je rentre du travail, les courses ne sont jamais faites, le repas n’est jamais prêt. Toutes les décisions reposent sur mes épaules.
Et les frayeurs médicales arrivent toujours au milieu de la nuit. Être mal, effrayé, et seul, c’est vraiment misérable, comme situation. Je connais bien le numéro de la centrale des médecins de garde.
J’hésite à l’appeler, mais j’ai des scrupules à deranger l’infirmière de garde parce que je n’arrive pas à m’asseoir.
Heureusement, une copine infirmière est encore debout. Un paracétamol, un ibuprofène, un patch anti-inflammatoire et une heure plus tard, je peux précautionneusement me mettre au lit avec un coussin chauffant en bas du dos. J’ai pu aller aux WC.
Je vois ma physio mercredi.
[PS pour les curieux: très certainement l’articulation sacro-iliaque, et la suite du feuilleton faisant suite à mon accident de judo d’il y a 18 mois. Je suis entre de bonnes mains.]
C’est très vrai ça, même si ça peut paraître évident. On n’a aucune possibilité de se relâcher.