Twitter et les SMS: riches de leurs contraintes [fr]

[en] I write a weekly column for Les Quotidiennes, which I republish here on CTTS for safekeeping.

Chroniques du monde connecté: cet article a été initialement publié dans Les Quotidiennes (voir l’original).

Les SMS et Twitter (qui est à la base un service construit sur le SMS, en passant) doivent leur utilité et leur efficacité aux contraintes qu’ils imposent. Dans notre monde d’abondance et de surenchère de liberté, on voit souvent les contraintes comme quelque chose de négatif. On veut toujours plus, toujours mieux, sans limites. Pourquoi s’amuser à envoyer des messages sur Twitter, limités à 140 caractères, alors qu’on pourrait envoyer un e-mail ou publier un article sur un blog, sans limite de longueur?

Tout comme les contraintes stimulent la créativité, elles peuvent également être source d’efficacité dans la communication.

Si j’encourage les gens qui veulent prendre contact avec moi à utiliser le SMS ou Twitter, c’est parce que je sais que le message ainsi reçu sera court. Il sera vite lu. Il ira droit au but. Il sera simple. Et ma réponse, aussi, pourra être du même ordre.

Ce qui paraît être une contrainte pour celui qui envoie le message devient ainsi un avantage pour la personne qui le reçoit. Finis les messages vocaux interminables sur le répondeur, les e-mails qui tournent en rond avant de finalement daigner nous dire de quoi il en retourne. C’est l’expéditeur du message qui fait, en amont, un peu de travail pour le rendre plus digeste. Mais finalement, c’est bien lui qui cherche à se faire entendre…

Evidemment, ce type de communication un peu court et sec, purement utilitariste, n’est pas adéquat en toutes circonstances. (Ruptures amoureuses, SVP: on fait ça en face à face, même en 2010. Oui oui, c’est plus difficile. Mais l’autre mérite bien l’effort — en général.)

Je pense que c’est entre autres à mon utilisation de ces canaux de communication alternatifs (on pourrait y ajouter également la messagerie instantanée, qui à la brièveté ajoute un élément de co-présence, rendant le dialogue possible) que je dois de ne pas être submergée d’e-mails et harcelée de coups de fils.

D’autres moyens de communication jouent sur leurs limitations: le bon vieux téléphone, par exemple. Oui, il n’a toujours pas été supplanté par le “vidéophone”, même si la technologie est là depuis longtemps. On aime pouvoir téléphoner en pyjama, sans être sous le regard de l’autre.

La messagerie instantanée, par rapport au téléphone, ne nous met pas en contact vocal direct, mais est du coup bien plus tolérante des silences et même des interruptions sommaires de communication. On se retrouve pris par autre chose au milieu d’une conversation, la connexion internet a un hoquet, et hop! conversation abandonnée en cours de route. Limitation, mais aussi avantage.

Avoir à sa disposition toute cette riche palette de modes de communication avec autrui, plus ou moins limités, plus ou moins propices et efficaces dans diverses circonstances (y compris la discussion autour d’un café!) est précieux pour maintenir — ou approfondir — les liens avec notre entourage.

Alors oui, on pourrait le faire sans. Mais imaginez: sans téléphone ni courrier postal, ne trouveriez-vous pas un peu plus laborieux de rester en contact avec les personnes qui composent votre monde?

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *