A midi, un ami m’apprenait qu’il avait un blog déjà depuis un petit moment, mais qu’il n’avait pas osé ouvrir les commentaires (c’est-à-dire: permettre aux lecteurs de s’exprimer directement sur son site, en réaction à ses articles) de peur de se faire déborder ou d’y passer trop de temps.
Souvent, lorsque je commence à “parler blogs” avec des clients (ou futurs clients), c’est autour des commentaires que tout se crispe. On a peur de ce qu’autrui pourrait venir écrire “chez nous”, et on se retrouve aux prises avec ce bon vieux pote qui nous joue pourtant de bien sales tours: le contrôle.
Si vous avez lu Naked Conversations (fortement recommandé pour qui voudrait comprendre l’importance que les blogs prennent dans le monde économique et social d’aujourd’hui) ou bien The Cluetrain Manifesto (le “manifeste” est traduit en français mais franchement, il m’a passé complètement par-dessus la tête plusieurs fois avant que j’attaque le livre — que je dévore en ce moment — disponible gratuitement sur le site), si vous avez donc lu un de ces deux livres, vous saurez de quoi je parle. On ne peut plus contrôler.
Sur internet, chacun peut en deux minutes, gratuitement et sans compétences techniques particulières, créer un blog (filez chez WordPress.com si vous êtes tenté) et y écrire ce qu’il souhaite. Tôt ou tard, si ce qu’il écrit présente un intérêt pour suffisamment de personnes (et ce nombre n’a pas besoin d’être bien grand), il se trouvera un public.
Le rapport avec les commentaires? Si vous avez peur de ce qu’on pourrait dire de vous ou répondre à vos écrits, ne pas avoir de commentaires ne change rien. Si vous avez des choses peu honorables à cacher, si vous êtes malhonnête, si vous refusez de dialoguer avec autrui, alors certainement, internet est un grand méchant espace effrayant, et si vous y avez un site, vous allez éviter d’encourager les gens à s’y exprimer. Oui. Laisser à ses lecteurs la possibilité de s’exprimer chez vous, via des commentaires, c’est inviter au dialogue — et bien des personnes qui s’expriment dans les commentaires ne l’auraient pas fait s’il leur avait fallu prendre la peine d’envoyer un e-mail ou d’ouvrir leur propre blog. Mais de l’autre côté, fermer les commentaires n’empêchera jamais quiconque de déverser du fiel à votre sujet en ligne — que ce fiel soit justifié ou non n’est ici pas la question.
Admettons cependant que la plupart des gens (et des entreprises) sont (raisonnablement) honnêtes et n’ont pas trop de vilains cadavres pourrissant au fond de leurs placards. (Il y en a toujours quelques-uns, de squelettes ou de cadavres, mais on finira par comprendre que les vrais êtres humains ont parfois des boutons d’acné sur le nez et qu’ils ne sont pas retouchés en permanence sous PhotoShop.) Donc, pourquoi cette peur des commentaires, si au fond on est relativement comfortable avec qui l’on est et ce qu’on fait? Quelques hypothèses:
- Les gens peuvent dire n’importe quoi! C’est vrai. Ils peuvent aussi dire n’importe quoi ailleurs. Sur votre site, l’avantage c’est que vous pouvez immédiatement répondre au commentaire en question pour corriger le tir. Pensez-y: dans la “vraie vie” (arghl, je déteste utiliser cette expression) on agit pareil. Quand quelqu’un dit quelque chose de stupide ou de faux à notre sujet, eh bien, on répond. On discute. (La conversation, vous vous souvenez?) De plus, notons que la plupart des gens ne passent pas leur temps à aller laisser des commentaires débiles sur les blogs des autres. Pas dans le monde des adultes civilisés, et sur un blog qui a l’air “sérieux”, en tous cas.
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Ça va prendre du temps! Là, il vaut la peine de s’arrêter une minute et de se demander ce qui va prendre tellement de temps. Déjà, réaliser que les craintes du point 1. se réalisent peu souvent. Ensuite, savoir que la plupart du temps, le problème d’un blog n’est pas qu’il y a trop de commentaires, mais pas assez. Sur Climb to the Stars, avec environ 2000-2500 lecteurs par jour (ça varie, mais voilà l’ordre de grandeur), j’ai entre trois et cinq commentaires par jour en moyenne. Parfois zéro. Combien de lecteurs a votre blog? Ce qui peut prendre du temps, c’est de nettoyer le spam, si l’outil de blog que l’on utilise n’a pas un bon filtre. Mais ça, ce n’est pas une question de principe, c’est une question de choix de moteur de blog (et aussi pour ça qu’en général je recommande WordPress — le filtre à spam fourni avec, Akismet, est assez efficace).
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Les gens pourraient poser des questions difficiles, ou dire des choses incomfortables… Ça, honnêtement, je pense que c’est la seule crainte réelle à avoir. Si la conversation n’est certes pas impossible sans commentaires (on avait des conversations via nos blogs avant que ceux-ci ne comprennent cette fonctionnalité), ceux-ci invitent clairement au dialogue. Et le dialogue, cela implique une certaine ouverture à l’autre — d’assumer une certaine humanité. On ne peut pas dialoguer si l’on parle comme un communiqué de presse ou des prospectus de marketing. Oui, il y des choses qui sont imparfaites. Oui, on fait des erreurs. Non, on ne sait pas tout. Oui, la concurrence peut être bien aussi. Il vaut donc la peine de se demander si on est prêt pour ça — sachant que dans le fond, ce n’est pas si difficile que ça (discuter, c’est quelque chose que l’on fait tous les jours, sans y prêter vraiment attention), et qu’en fin de compte, l’évolution d’internet nous permet de moins en moins d’échapper à ce dialogue…
Moralité: ouvrez les commentaires, ne les filtrez pas, gardez un oeil attentif dessus au début si vous êtes inquiet, résolvez les problèmes posés par les commentaires “difficiles” en y répondant plutôt qu’en censurant… et si vraiment vous considérez que vous êtes débordé de commentaires, activez la modération, voire supprimez-les. Mais dans cet ordre. Essayez d’abord. Faites marche arrière ensuite si nécessaire (et je vous parie que dans 99% des cas, cela ne le sera pas).
Surtout quand tu parles à des clients, donc à priori à un blog d’entreprise, ou d’activité économique, on va dire.
Les risques de dérapages sont quand même moindres que sur des blogs perso où on peut facilement partir en vrille.
Un bon exemple pour moi de blog ouvert est celui de Pierre Assouline, où les commentaires peuvent parfois fortement déborder, et pourtant ça roule. Il laisse faire, sans intervenir.
Oui, tout à fait. Mais ce que j’essaie de dire, c’est que même pour un blog professionnel, les risques d’être “débordé” sont très minimes — et franchement, si on l’est, c’est que le blog a déjà bien assez de succès pour qu’on ne s’inquiète pas d’éventuelles retombées négatives d’un débordement de commentaires.
ça sent un peu le commentaire-prétexte, là, plutôt que le commentaire-contenu, xhtml…
Absolument en désaccord avec les idées développées ici.
Modérez a priori vos commentaires pour éviter tout désagrément. Les plateformes gratuites de blog sont innombrables : si quelqu’un a quelque chose à dire dont vous ne souhaitez pas porter la responsabilité (car tout ce qui est publié sur votre site est de votre responsabilité juridique et morale, que vous l’ayez écrit vous-même ou pas), il n’est qu’à trois clics d’ouvrir son propre site où il l’écrira sous sa propre responsabilité.
Bien entendu, l’énorme avantage collatéral de cette réalité, c’est que l’effort requis par ces trois clics calme bien des ardeurs de critiques puériles.
Commentaire-prétexte ??? Dommage je suis déçu que tu n’as pas compris steph..:-( Ok je sais il y a pas beaucoup qui arrivent a me comprendre…:-( moi qui pensais que tu arrivais…)
En quelques mots:….
Le Web2.0 c’est cela le grand changement…. l’utilisateur devient acteur…. et le système de blocage des commentaires….
C’est quoi un Web2.0 ou l’utilisateur ne peux intervenir???
C’est du Web1.0 tout simplement….
Il y a deux possibilité en 2007
1) on revient au Web1.0
2) on continue au Web2.0 puis se sera le Web3.0 …. a moins que….
….est ce la fin de l’économie 2.0 et du Web2.0 aussi..?
A suivre…
A mon avis le Web2.0 va suivre la même route que les mails…
Conclusion:
Aussi belle est une technologie aussi terrible elle peut devenir …
Dans le cadre de mon (ex) travail, nous avions créé un premier site de publication de contenu ouvert sur internet ( http://http://synergies.modernisation.gouv.fr/ ) et la question de l’interactivité s’est très vite posée : bien que souhaitée, elle s’est cantonné dans un premier temps à mettre un lien permettant aux internautes d’envoyer une réaction par courriel.
Pourquoi cette interactivité limitée ? La raison principale est celle de la responsabilité légale du directeur de publication du site, en l’occurrence le chef de service d’une direction d’un ministère français : cette responsabilité peut être engagée sur le contenu des commentaires. C’est donc un point supplémentaire à gérer (mettre en place un système de modération des commentaires à priori, missionner une personne pour jouer le rôle de modérateur, etc.) : autant de freins qui ont, à ce jour, conduit à l’absence de mise en place de commentaires sur le site.
Quelques mois plus tard, je crée un “sous-site” du premier ( http://www.adele.gouv.fr) : un blog collectif orienté veille technologique, et donc à priori touchant un public moins large que le premier site. La question de l’interactivité se pose de nouveau : permettre la discussion autour des articles paraît essentielle, et nous décidons d’accepter les commentaires en les modérant à priori.
Pourquoi la mise en place a-t-elle été possible dans le second cas et non dans le premier, alors que les deux sites sont tous deux des sites sous la responsabilité d’un ministère de l’Etat français ?
Mon analyse est la suivante :
1) Le second site est clairement affiché comme un blog : les contributions sont perçues comme plus personnelles, et n’engagent pas (moralement) l’institution à laquelle appartient le bloggueur : cette perception s’étend aux commentaires dans le sens où ceux-ci répondent non pas à une communication institutionnelle mais à un billet d’un individu
2) La plate-forme utilisée ( wordpress ) permet de gérer facilement la modération des commentaires que ne le permettait le système ( spip ) du premier site
3) l’engagement personnel des contributeurs du blog a permis de trouver facilement des volontaires pour assurer la modération du blog ( le blog est tout récent et ce travail de modération est faible à ce jour )
D’accord avec toi, Stephanie.
En fait les seules retombées vraiment négatives des commentaires sont celles où la repsonsabilité de l’éditeur du blog peut être mise en cause. Or juridiquement parlant, il me semble qu’elle n’est pas en cause “a priori” mais si il en a eu connaissance, et en même temps que le caractère délictueux du commentaire a été prouvé.
Ce qui n’est pas si simple…