PSA: Don’t Use Your Mobile Number For 2FA Or Password Reset [en]

[fr] N'utilisez pas le code par SMS comme solution pour la double authentification, utilisez une application genre "Google Authenticator" sur votre téléphone à la place. Pourquoi? A cause du SIM-swapping.

People nowadays rely heavily on their online presence: in today’s world, your e-mail, facebook, tiktok or instagram account has become part of your identity. So, you’ll want good passwords for your accounts, and an extra layer of security provided by two-factor authentication (2FA). But don’t use SMS for that!

You definitely want to use two-factor authentication (2FA) on at least all your important online accounts (e-mail, facebook, website, etc). This means in addition to using a strong password (do use a password manager) you also have to indicate you are in physical possession of your phone (usually) or some other device (newer: security keys).

SMS is the basic (but outdated) way of doing 2FA. You get a code through SMS when you try to sign in from another device.

However, as this episode of the Perfect Scam podcast on the multi-million SIM swapping business demonstrates, there is no way to safeguard oneself against SIM-swapping (though I do suspect it is less likely to happen in Switzerland than in the USA).

Do listen to this podcast, and to other episodes of “A Perfect Scam“. It’s really a great way to become familiar with the kinds of bad actors a normal person can encounter today, and how they operate.

A couple of extra tips:

  • your e-mail allows to reset all your social media accounts, so it should be extra secure
  • in addition to making sure you don’t use SMS for 2FA, make sure it is not possible to reset your account password by receiving a code or link by SMS
  • use an authenticator app on your phone like Google Authenticator
  • make sure to print out the backup codes which will allow you to access your account if ever you’re locked out, and store them in a safe place.

Stay informed and stay safe!

Histoire de ce soir [en]

J’ai envie de te raconter une histoire. Je ne sais pas où elle ira, je suivrai dans ses pas. J’ai croisé un homme qui avait vécu cent ans dans les collines aux couleurs de l’automne, au pied d’un glacier blanc qui touchait presque le ciel. Il m’a raconté les chagrins mais aussi la sagesse, il m’a montré la rivière et les poissons dedans, j’ai touché sa main au cuir épais, je me suis endormie au coin de son feu.

Le matin tout avait disparu, il n’y avait sur ma couche qu’une lettre manuscrite. En la lisant tout est revenu, tous les souvenirs, la peine et les larmes, j’ai pleuré et hurlé dans les collines, crié ma rage et mon désespoir, ce vieux couple usé qu’on convoque encore malgré tout, parce qu’ils sont si bien ensemble, la rage et le désespoir, des mots un peu creux mais on n’a pas mieux pour raconter ce qui nous déchire. 

J’ai repris la route car je suis en voyage, et il faut avancer, inexorablement, quoi que dise l’intérieur on met un pied devant l’autre. L’aiguille tourne toujours dans le même sens, sans retour possible, malgré notre désir perpétuel de retrouver notre état “d’avant”. Un troupeau de moutons blancs à la tête noir pâture dans le vert. Le soleil est sorti et la température est douce. Pourquoi cette histoire nous amène-t-elle dans la nature? La nature est ressource, la déesse de nos jours, alors tout mène à elle, me dit la bergère. Oui, elle est là, au milieu des moutons, sans son petit âne gris au sort tragique.

Un voyage, un vieil homme, une bergère, les animaux et les paysages. C’est là que mon histoire nous mène. C’est souvent là, d’ailleurs. On finit rarement dans un sous-sol glauque à jouer au poker, dans une salle de tribunal, ou dans un supermarché. Alors qu’on pourrait, au fond. La vie c’est là aussi, surtout en fait. La vie grouille aussi dans les réseaux, courant après les électrons qui ne se contentent plus d’occuper fils et câbles.

Pourquoi raconter? Pourquoi t’emmener dans les collines, ou dans le sous-sol oppressant d’une partie de poker à l’air enfumé? Parce que nous sommes faits d’histoires, notre vie est histoires, et notre âme aussi. Dans les histoires nous trouvons du sens, la matière première pour mettre un pas devant l’autre entre notre naissance et notre disparition inéluctable.

Alors on fait ça: on commence par essayer de raconter une histoire, et on finit par raconter une histoire d’histoires. Demain je reprendrai mon baluchon, je traverserai une journée entière et tout ce qu’elle contient, et le soir je ferai un feu qui attirera les papillons de nuit, je chanterai peut-être quelques chants avec mes compagnons de route, et je m’endormirai au son des rêves qui s’évaporeront avec l’aube.

Fenêtre de tolérance émotionnelle: comment me ressourcer? [en]

Mon retour d’Inde a été (est?) difficile. Aujourd’hui ça va – en fait, depuis une petite semaine, “ça va”. La semaine dernière j’ai galéré, par contre. Et depuis, je réfléchis pas mal, non pas à ce qui fait ou a fait que ça va pas, mais à ce que j’ai fait, ou comment ça se fait, que j’ai réussi à me sortir du fossé où j’étais embourbée.

En fait, à un moment donné, je me suis souvenue que j’avais une boîte à outils (cognitive) pour faire face au type de situation où j’étais coincée. Je l’ai mise en action, et ça a tout de suite été mieux – même si évidemment, globalement, ceci reste une période difficile. C’est un schéma que je connais, à part ça: aller mal et n’avoir plus aucune conscience qu’on sait faire des choses pour aller mieux. La boîte à outil n’existe plus, comme les légumes au fond du bac en bas du frigo. Si je le vois pas, c’est pas là.

J’ai eu une discussion fort enrichissante lors de ma séance en début de semaine à As’trame. Petite parenthèse, cette fondation ne s’adresse pas qu’aux enfants, et en ce qui me concerne je suis enchantée par leur accompagnement. Si je devais résumer cette discussion, pour ce qui nous intéresse ici, elle portait sur l’idée de la fenêtre de tolérance émotionnelle, et sur identifier les choses qui me ressourçaient.

La métaphore de la fenêtre de tolérance émotionnelle (window of tolerance) est intéressante et me permet de mettre des mots sur quelque chose que j’avais de la difficulté à exprimer jusque-là. Ce sentiment de ne pas avoir “d’amortisseurs”, ou de rouler sur les jantes, les pneus usés jusqu’à ne plus être là, et donc de ne pas avoir la capacité à faire faire ou “gérer” les événements un peu contrariants de la vie.

L’idée est la suivante (si vous googlez vous allez trouver ce concept proposé en 2019 à un peu toutes les sauces, y compris pseudoscientifiques; j’ai mis deux liens plus haut qui me semblent pas trop mal): il y a une zone dans laquelle on arrive à réguler correctement ses émotions. C’est la fameuse “fenêtre”. Hors de cette zone, on n’arrive plus, ou pas assez bien, on peut avoir le sentiment que l’émotion prend le dessus et on tombe soit d’un côté “hyperactivation” (crise de colère ou de panique par exemple, “ON”), soit “hypoactivation” (dépression, engluement… “OFF”). La largeur de cette fenêtre peut être variable selon les individus (merci la loterie et les aléas de la vie) et aussi selon les périodes, suivant ce qui nous arrive. J’ai trouvé un article avec des illustrations/schémas un peu parlants.

Donc là, clairement, je suis dans une période où ma fenêtre de tolérance émotionnelle n’est pas très large. Ma tolérance au stress ou aux contrariétés est très limitée. Il suffit de pas grand chose pour que je “dégringole”. Clairement, un deuil, ou la réactivation de celui-ci, ça fait rétrécir la fenêtre. Avec le temps, mais aussi avec certaines activités, elle va tranquillement s’élargir. Mais ce n’est pas un processus linéaire.

La question suivante c’est donc: quelles sont les choses qui, pour moi, permettent d’élargir cette fenêtre? En somme, les choses qui me ressourcent? J’avais toujours eu du mal avec cette question, “qu’est-ce que tu fais pour te ressourcer”, parce que je ne comprenais pas bien ce qu’on entendait concrètement par “se ressourcer”. Maintenant, si on dit “se ressourcer = élargir la fenêtre de tolérance”, ça me parle beaucoup plus. (On pourrait discuter: est-ce élargir la fenêtre, ou revenir dedans quand on en est sorti? et est-ce qu’on y revient de la même façon si on a filé du côté “hypo” ou “hyper”? Laissons ça de côté pour le moment.)

J’ai donc commencé à faire un inventaire de ces activités. L’une d’entre elles, un peu surprenante, c’est de faire un puzzle, par exemple. La semaine passée j’ai eu une impulsion soudaine de démarrer un puzzle, et quelques heures après je me sentais déjà bien mieux. Pourquoi? Que s’est-il passé? Comme je le comprends, j’étais dans un état émotionnel qui n’était pas gérable pour moi. Je ne voulais plus sentir ce que je sentais parce que c’était “trop”, et je n’arrivais pas à en faire quoi que ce soit si ce n’est rester bloquée dans une spirale descendante. En faisant un puzzle, je sors de cet état “figé”, parce que c’est une activité facile pour mon cerveau, qui demande de la concentration mais qui est très rentable niveau gratification: les couleurs, le toucher, et surtout, trouver deux pièces qui vont ensemble! C’est donc une activité qui me demande très peu d’effort à initier, qui est active, gratifiante, et m’aide à prendre de la distance avec mes émotions.

Sinon, clairement, les activités sportives “intenses” comme le judo, le ski, la voile dans certains contextes, ça permet d’une part de me dépenser physiquement (et les émotions… c’est physiologique!) et en faisant une activité qui m’oblige à y consacrer mon attention. Quand je suis en train de combattre au judo, je laisse toutes mes préoccupations du moment au vestiaire. Je n’y pense pas une seconde. En combat, on ne peut pas être distrait: on se fait tourner. Et avec les années (30 ans bientôt) il y a un ancrage qui se fait: personnellement, dès le moment où je me change et où je suis sur les tapis, je suis, par habitude, en “mode judo”. Le ski, comme j’aime skier, vite, c’est similaire. Si je ne suis pas ultra concentrée, je risque la chute. Je suis donc 100% concentrée sur ce que je fais, ma trajectoire, les sensations corporelles, etc.

Marcher en montagne ça le fait aussi, être dehors, dans la nature, avec de grands espaces autour de moi. Un bain chaud, un massage, un hammam, les bains thermaux – plus directement corporel, mais ça le fait. Ecrire, évidemment, et aussi les moments de lien et de partage véritable, où je peux être entendue. Un peu de méditation, une turbo sieste, de la relaxation. Il y en a peut-être d’autres mais maintenant que j’ai compris de quoi on parle, je vais enrichir mon inventaire.

Il y a des activités que j’aime mais qui ne me ressourcent pas, ou pas toujours. Le chant par exemple, ou voir du monde. Les jeux de société, j’adore, mais après je suis épuisée dans la tête. Faire à manger, j’aime mais ça ne me ressource pas. Ça fait quelques années que j’ai mis ensemble que le fait d’aimer quelque chose ne signifie pas qu’on se “ressource” ou qu’on en sort en étant “mieux” après. Avant, je n’avais pas fait ce lien. C’est important.

Aujourd’hui j’ai une journée assez libre devant moi, et je réalise, en contraste avec mes journées tranquilles au Rajasthan, que j’ai du mal à vraiment ralentir, me poser et “débrancher” (mon cerveau des soucis de la vie). Et je me demande pourquoi. Et j’ai une piste. Ici, je n’arrive pas à ne pas avoir en tête la liste interminable des choses que je devrais ou pourrais faire. Il y a la poubelle à vider, un peu de vaisselle à faire, la lessive, le coin du couloir à ranger, la valise à finir de ranger, l’autre coin ici à ranger (en gros tout l’appart est à ranger), faire des choses pour décorer mon lieu de vie et le rendre plus accueillant, chaleureux et agréable, du courrier à ouvrir, des photos à regarder et avec lesquelles jouer (je n’aime plus dire traiter ou trier), quelques soucis sur mon site web à gérer, des vidéos à faire pour Diabète Félin, une pile de documents à compléter, je pourrais sortir faire une promenade, ah oui descendre au bord du lac voir le bateau après tout ce gros temps, faire les courses, planifier les prochaines vacances, regarder ma série, aller au cinema, pourquoi pas, enfin commander les cartes de crédit avec cashback dont m’a parlé mon père, organiser une après-midi jeux de société, réorganiser les armoires de la cuisine, les habits pour la saison froide, acheter ou louer des skis… Ça vous fatigue, tout ça? Eh bien moi aussi.

Donc, même quand j’ai décidé de prendre une journée tranquille pour me relaxer, je n’arrive pas à ne pas “voir” tout ça. Je lutte contre une paralysie du choix, soit je fais des trucs utiles et je me suis pas ressourcée, soit j’essaie de me ressourcer mais je culpabilise de ne pas avoir avancé sur toutes ces choses que j’ai à faire.

Au Rajasthan c’était simple. J’étais en vacances, physiquement loin. Sur le menu, je pouvais: prendre des photos, sortir me balader, m’étendre sur mon lit en écoutant un podcast si j’étais pas trop en forme, regarder mes photos, écrire, attendre le repas suivant…

Je pense qu’il me manque des outils, par là, ou que je n’ai pas encore bien trouvé comment adapteur ceux que j’ai à cette situation. Je sens que c’est à chercher en direction de la restriction – je fais ça quand j’ai une “obligation de productivité” et que je n’arrive pas à démarrer sur quoi que ce soit: au lieu d’essayer encore et encore, je me donne 15 minutes avec timer pour essayer, et si ça ne marche pas, je laisse tomber jusqu’à l’heure suivante (ou la journée suivante, la semaine suivante). Donc là, pour créer un contexte où je me sens plus libre de faire des activités ressourçantes, inventorier/limiter les activités productives que j’ai le droit de faire dans la journée? Je réfléchis à haute voix en écrivant, c’est gentil de me tenir compagnie.

Aujourd’hui par exemple: la lessive et les courses, c’est assez obligatoire que je les fasse. Et les poubelles. Ce week-end il faut que j’ouvre mon courier et probablement que je fasse un peu d’administratif. Les autres choses, même la valise éventrée dans ma chambre à coucher, ça peut attendre. Le bateau, ce serait quand même bien que j’y passe. Samedi je suis au chalet toute la journée pour m’occuper du jardin avec mon frère. Donc je pourrais dire, aujourd’hui je fais la lessive, les courses, les poubelles et je fais un crochet au bateau en allant aux courses. Dimanche, je fais 1 à 2h d’admin et c’est tout. Et le reste du temps, je n’ai pas le droit de faire des choses “productives”. Ça me stresse, l’idée de procéder comme ça, je vous dis pas! C’est pas évident de trouver l’équilibre entre “j’ai besoin de faire des activités qui me ressourcent” et “j’ai besoin de diminuer ma pile de “je devrais” pour me sentir moins stressée et sous pression.

Sur ce, je vais chercher une photo sympa et sans rapport pour illustrer cet article, et aller mettre ma lessive. Puis je vais démarrer un nouveau puzzle. Ah ben voilà: je vais vous mettre en photo le puzzle que j’ai terminé hier, celui qui m’a aidée à sortir de mon trou. Je sais, il manque deux pièces. C’est triste mais ça ne me sort pas de ma fenêtre de tolérance émotionnelle!

Stop aux virus des idées! [en]

Ne copiez-collez pas des messages sur Facebook, de grâce.

Vu qu’il est maintenant possible de payer un abonnement pour ne plus avoir de pubs sur Facebook, la désinformation à copier-coller fleurit de plus belle sur le réseau. Ça n’aide pas que Facebook a présenté tout récemment un petit écran au démarrage pour nous demander de choisir si on voulait payer ou pas, et donc d’affirmer explicitement (pour être supposément raccord avec la législation européenne), qu’on est d’accord “d’être le produit” et de laisser Facebook exploiter joyeusement nos données pour son plus grand profit. Chose que Facebook ne s’est pas privé de faire toutes ces dernières années, alors qu’on gardait la tête dans le sable, qu’on regardait ailleurs, ou qu’on serrait les dents.

En somme, rien ne change par rapport à la semaine dernière si on continue à utiliser la version gratuite. Mais bon, voilà, on est envahis par ce genre de mauvaise herbe. Je vais vous expliquer pourquoi c’est un problème.

Ces messages véhiculent des idées très naïves et fausses sur comment fonctionne la protection des données et de la vie privée. Vous croyez vraiment que copier-coller un message sur un mur peut avoir une valeur légale? Surtout quand celui-ci comporte des référence factuellement fausses, comme c’est souvent le cas? Et… sérieux, les fautes d’orthographe, ça vous parait sérieux?

D’aucuns répondront: “on sait jamais, ça peut pas faire de mal”. Je ne suis pas d’accord. On se plaint des ravages du complotisme, du fait que les gens ont des croyances qui sont complètement déconnectées du réel, et bien nous y voici. En propageant ce genre de message, on infecte notre entourage avec un “virus des idées” qui essaie de faire croire aux gens des choses qui ne sont pas vraies. Tout le monde n’a pas un système immunitaire cognitif efficace.

Ça me navre vraiment de voir autant de personnes de mon entourage, certaines, j’avoue, dont j’attendrais qu’elles sachent mieux, jouer les petits soldats de la désinformation et de l’intox.

Leaving India Again [en]

I’ve gone back and forth between Switzerland and India a dozen of times now. It’s funny, people think I’m a big traveller because “India”, but actually, aside from a handful of countries in Europe and a few trips to North America, it’s pretty much the only place I’ve been.

Leaving India has always been hard for me, as far as I can remember. In 2000 I had built a life there, I was 25, leaving people I loved and had a real connection to behind, heading back to a life in Switzerland which had gone on without me, where my parents had separated and my heart had finished being broken during my absence.

I’ve been going through some of my old posts to see what I’ve written about this in the past. It’s funny (and unsettling) to see how some of my memories from 20 years ago have warped. I can imagine as years go on, I’ll be happier and happier to have this written account of bits and pieces of my life. This is from 2004, my second trip back, and so is this post. (I’d forgotten how “dramatic” my journey home in 2001 had been.) In 2004, I was obviously planning to come back as soon as I could, but it would be 7 long years before that happened. 2011 was particularly difficult as Bagha had died shortly before my trip. 2012 had me writing about it again. And so on.

This time, grief and travel are also on the platter. Grief over my stepmom’s death but also not having the time I was so looking forward to with Aleika. It was a short trip for me, two weeks. I wasn’t in a very good place when I left Switzerland, I did manage to get a breath of fresh air in Rajasthan, but it was too short, and now I’m flung back where I was, struggling to find my balance, unpack my suitcase, reconnect with work and loss.

My stepmom would have liked Rajasthan. But she’s not there to hear about it, and I felt that acutely during my trip. I would have liked to show her things. I think that for me, a large part of the pleasure of travel is sharing it with others. And that went and pressed painfully on my loss.

I don’t like transitions. I never have. They’re always stressful. The added understanding I have about certain specificities of how I function, since diagnosis, have helped me make sense of this. There’s maybe a little personal history in there too, but mainly, I just think that context changes are hard for me. I know it’s often hard for people to understand how I can react and perform well in a crisis (talk about a change in context) but simply taking myself from home-in-my-flat to home-in-the-chalet can be complicated. But that’s how it is. And India-to-Switzerland is definitely a major transition, loaded with history af good-byes with no certainty about the future.

One thing India has maybe also brought me that I struggle to find here is a different pace of life, a different sense of time. In my life here, I find it difficult to slow down. Even when I try to slow down, I’m still running around, still putting myself under a lot of pressure to do a lot of things (desired and less desired). In India, there is more waiting, there is more lateness, there is more unexpected that makes planning complicated (so you do it less), things take more time. At least, that’s what I experience. In India, I get a lot of downtime. Now, is it India or is it holidays? The two are linked, anyway. Leaving India behind when I return from a trip is also leaving behind a certain taste of life that I need more of here, but so often fail to achieve.

My body is slowly drifting back to Switzerland. I didn’t get up too early this morning, and as I write, the clock is ticking and it’s going to be time to get ready for work. I’ll leave these words here, and thank you for reading – and thank this trip to India for reconnecting me to my blogging keyboard again.

Cold Switzerland and New Things [en]

One thing I have succeeded in bringing back from my holidays is the desire and determination to blog. I’m trying to lower the bar, and not worry too much if I seem to be rambling on more than crafting content. I’ve always loved the “interaction/expression” aspect of blogging – over “communication”. Anyway, it’s cold here in Switzerland, and dark, and gloomy, and did I mention it was cold? Today was my first day back at work. I’m a bit disoriented, to be honest, but it went OK enough.

At home tonight I listened to The Secret of a Long Life (a Radiolab episode). It is about our sense of passing time, and how it is linked to memories and novelty. You know, the way the first few days of holiday go slowly by, and then everthing speeds up and suddenly you’re on the plane home? During the first days, everything is new and memorable. So it feels like the days were long. But then your days are less and less different from one another, and time starts shrinking. Taking the research on the subject literally, Sindhu goes off to try and live a week of absolute novelty. Doing only new things, eating only new things, sleeping in a different place every night.

Having just made the decision to spend 10 days of holidays in the same bed in Rajasthan every night instead of in a different place in Nepal every night, of course this had my attention. It also had strong echoes to my early 2019 realisation regarding making memories (yes, another podcast episode involved). Following that, I remember I had been very deliberate, when Aleika came to visit shortly after, about planning various activities to make for more memories. I must admit that over the last years, my focus has moved more towards creating routine and stability. I need it, but I know I also need novelty. How does one find a balance between the two?

All this reminds me of another podcast episode, Making the Good Times Last, which I listened to a few months back. It is about the science of savoring, and this connects with an idea put forward near the end of the Radiolab episode: it’s not just/so much doing new things that counts, but focusing our attention on them. You can see how this fits in with some kinds of mindfulness practice, or the importance of sensory perception in hypnotherapy (yes I still need to write about hypnotherapy).

As I try to navigate through life, I find myself cooking up plans (mental plans) to organise and schedule my life and activities. For example, I brought back a recipe book from Rajasthan: how about I cook one recipe from the book every week? Or, doing new or unusual things. Maybe I should make sure I do it at least once every month? Peak experiences: should I go to the cinema more often, for example? The list can go on and on, and the problem is that if I did try and put this into practice, I would probably quickly end up suffocated by everything I want to do. (I already tend to, just as things are – thanks, hyperactivity.)

So, how much routine? How much newness? How much simply paying attention to things differently? How do I navigate life whilst at the same time respecting my need to spend time in my comfort zone, and my need to discover new and exciting things, and hold down a job? Should I move the furniture around in my flat more? (23 years in the same flat, heavens.) I feel I already don’t have enough time to do all the things I know I enjoy doing, how many more should I explore?

So many questions. I didn’t take a photograph of the lake and the clouds and the mountains with snow on top this morning on my commute – it was stunning – so I’ll leave this post without a photo, for once.

Flight Podcasts [en]

On my flight back home, I listened to a certain number of podcasts. I had some fitful sleep too, but not enough (overnight flight).

After finishing the episode of Heavyweight I was listening to, I immediately went for part 2 of the Search Engine piece on ADHD medication. (I talk about part 1 in a previous post.) As promised, and expected, the story it told was much closer to mine: a woman who discovers methylphenidate in her mid-thirties, which is life-changing for her – and she wonders why it took her so long.

Her story and mine are at the same time very different and very similar. Very different: she started really struggling with reading in childhood after surgery to remove a brain tumour when she was eight. I had none of that. I did, however, have heart surgery when I was six. And what she describes about how her operation is talked about (or not talked about) in her family feels very familiar. What she says about getting the implicit message, again and again, that “everything is ok”, “it’s normal”, “nothing is wrong”.

She was very objectively struggling as a child, and I think I can honestly say I was not. Academically, that is. Socially was another matter. Being good at school ended up defining me. At one point in the podcast, PJ and his guest talk about the two different paths they ended up going down, regarding their difficulties in school: “I’m not even going to try” and “I’ll manage, whatever the cost”. I think I spent a lot of my life “managing” without even realising there was a cost. It was “normal”, right. I do remember one episode, though, where I was getting a bad evaluation (it had to do with presenting science reports). I made some effort at improvement, and still got the same bad evaluation. My reaction was clearly “forget about this”. Thankfully my parents intervened, we talked things through with the teacher and started over with more support for me and an assurance that my efforts would be rewarded.

This reminds me of the Hidden Brain episode on perfectionism I listened to a few weeks back. It was a revelation to me. I’ve always seen myself as “over perfectionism”. I understood, as a teenager, that wanted to do things “too well” was keeping me from doing them. So I made a deal with myself that it was better to “just do, even not well” than “not do, perfectly”. And generally, what I do still is viewed as at least “very good”. I thought I had cracked perfectionism. For me, perfectionists are people who spend hours doing and redoing their tasks until they are perfect. People who are hard workers.

I’m none of that. I’m a first draft person. Quickly throw something together and be done with it. One might even say, on my internal compas, minimalistic. You know, Pareto’s Law – I do the 20%.

But listening to the podcast, I was shocked to hear that my strategy was in fact another kind of perfectionism. The drive behind is the same. The bar I set for myself is still impossibly high. Only, I set myself up to fail reaching it, from the start. If I don’t really try, then it makes sense I won’t reach it, right? If I didn’t really give it my all, then it hurts less when it’s not as good as it could.

Looks like I’ve been fooling myself all these years, and I am indeed a perfectionist, despite my frantic attempts not to. I have to say this realisation upset me – not because I was wrong, but because it forced me to realise that there is where lies the source of the excruciating pressure I put on myself.

Back to the Search Engine episode: the first part had bothered me also by the use of “amphetamine” (and “speed”) to cover ADHD medication. Methylphenidate is not amphetamine, and at least in Switzerland, amphetamine is not prescribed unless there fails to be a result with methylphenidate. I thought the tone was a bit dramatising of the drug (which is understandable given PJ’s personal history). So, I’m really glad this second part showed another type of ADHD story. In a way, it’s all very well to want to throw away the meds when you’ve lived your whole life on them, but that’s also maybe forgetting that they helped you bring you where you are. I’m surrounded by so many people who have gone through life with no diagnosis and no meds (like me), only to come crashing down somewhere in their forties or fifties. And at least in Switzerland, getting an ADHD diagnosis as an adult is hard, so imagine try to get that sorted out when you’re reached a state where you’re barely functioning anymore.

Unlike PJs guest, I take my medication even on my days off, because what I struggle with (without) is simply managing daily tasks, emotions, life in general. It’s not “just” for reading or concentrating. It’s to reign in some of my hyperactivity so that I can actually get somewhere, and not feel too shitty while I’m getting there.

So, definitely an episode to listen to, probably before the first part, actually.

After that I continued with Radiolab’s Poison Control. A rerun that I hadn’t heard the first time around (I think), and as always, very interesting. I’m not sure it’s the kind of episode that’s supposed to make you cry, however – the fact I was in tears listening to it probably says more about my mental state on that plane in the middle of the night than about the podcast itself. Do listen.

One of my very favorite podcasts is Meta de Choc, a French podcast on “why we believe what we believe”. It often covers topics linked to New Age spirituality – not as innocuous as you may think. The host, Elisabeth Feytit, does an extraordinary job of explaining very clearly what is at stake, why these beliefs are problematic, and where they stem from. This episode was on modern day witches (think wicca) and the sacred feminine. If you understand French, I definitely encourage you to listen. It’s possible that like me, you’ll feel a mixture of gratitude (and relief) that somebody is putting in words your concerns, and discouragement at how difficult/impossible it is to talk somebody out of this type of belief. As somebody said, you can’t reason somebody out of the position they didn’t reason themselves into in the first place.

To continue losing hope in humanity (what was I thinking?) I followed with the first three episodes of The Kids of Rutherford County. Seriously, in what dystopian world is it even imaginable to consider throwing elementary school age kids into jail (handcuffs, jumpsuit and all – as young as 8 years old) for a schoolyard fight scene? I listened at those three episodes in shock and disbelief. What is WRONG with people? I just don’t have the words (and you know me, usually I have more than enough words). It boggles the mind.

For good measure, I did include two Heavyweight episodes (Nick & The Elliotts) in my listening queue. That’s probably what saved my remaining sanity.

Aside from podcast recommendations: I made it home, tired (couldn’t stay awake in the train from Geneva, was afraid of missing my stop) and drained, but happy to see Oscar, who was visibly happy to see me too. It’s rainy and foggy and windy and stormy and cold here. I’m glad I planned on having a day off to settle before going back to work on Tuesday. I’ll go back to trying to fix my Lightroom sync problems (very annoying), eat something, watch a series or two and have an early night (easy with the jetlag). Bright side of things: I should be up nice and early tomorrow morning!

India: Adventures Till The Very End [en]

I’m sitting at my gate here in Delhi airport. In a few hours I’ll be in the air, in less than a day I’ll be home. Leaving India is always surreal and inevitably makes me very sad. I think it sends me back to my first “leaving India”, and also, maybe more than other places I go, it’s somewhere I feel strangely at home, despite how alien and removed from my “normal life” it is here. I already noted a few years ago that when in India, Switzerland disappears (and vice-versa). I look forward to seeing my cat, but right now, honestly, I don’t want to go home. I know things will be different once I’m actually back, and I’ll be happy to see my friends, be in my flat, live a familiar life. But I think there is something about how different these two “ways of being” are that unsettles me. In addition to that, this time around, although I think I managed to make good of it, my trip had a rocky start. And I miss not having had the two weeks with my friend that I was so looking forward to.

Two adventures today. The first, getting to the airport. There is very heavy smog in Delhi right now. So bad that it’s in the international papers. So bad that people are advised to stay indoors if they can. So bad that diesel vehicles are banned from entering Delhi, we are told. I heard something about a 40k INR fine. Ouch. So, we had to find a petrol car to drive me to Delhi. Actually, the same driver who took me to Rajasthan. This had me a bit wary as I had very nearly said something to him on that trip given how pushy I found he was about getting ahead of any car in front of him and squeezing into any gap in the traffic. But there wasn’t that much traffic on the way to Rajasthan. Delhi airport is another story. I’ve seen my fair share of Indian roads and driving, but let me tell you I was a little tense – and intervened to mention there was no emergency and we had plenty of time to get me to the airport. The pace calmed down a little, but still, I was almost surprised to reach the airport without us touching anybody on the road. It wasn’t disastrous, but still, I’ve been treated to less nerve-wracking driving in India and I know it’s possible.

The second, at the airport. I had dinner before coming, but discovered Delhi airport has a huge food court (in addition to a large selection of luxurious stores). I wandered around, and figured that it might be wise to grab a little snack before getting on the plane, as I was almost starting to feel a little peckish, and I wasn’t certain when we would be fed on the plane (departure 1.45am). Browing the various food stalls, I see mention of a Kolkata chicken andha roll. Yum! There we go. I pay with my card, but am surprised to discover I have been charged 330 INR instead of the 260 written on the board. Worried that there might be a misunderstanding with my order (I really wanted that chicken roll), I enquired, and got a rather unsatisfactory answer. I started wondering if this was another of these situations where a quick buck can be made from a presumably clueless visitor (it happens).

A man next to me in the queue asked me what the problem was. I explained, he enquired (more efficiently than me), a lot of confusion ensued (with, at one point, my order cancelled and a cash refund on the counter), but in the end things were sorted out and I got my roll with a complimentary masala chai as well as a dinner companion. It turns out the price on the board was wrong. OK, said we, but in that case, you inform the customer before charging a different price… The roll was nice (and huge, I wasn’t expecting so much! I’m definitely not worried about my next meal now) and I had a nice chat with this man from Andhra Pradesh who was on his way back to Chicago where his family lives. Sometimes India serves you with these pleasant, random encounters that leave you with a little extra faith in life and humanity.

Another highlight of my day was attending a danse performance by students of Ashoka University. Different styles, taking us through the rasas of the Natya Shastra. I regretted not having a better understanding of what was going on (I often feel shame at my lack of Indian “culture” for somebody who has studied it) but I thoroughly enjoyed the performance and was very impressed by the talent of the students on stage, be it dancing, singing and reciting, or playing music. A very high-quality production!

I head back to Switzerland a little anxious about what the coming week will bring me. Will this break have had the positive effect I expect, even though I’m feeling like a big jumble of emotions right now? Fingers crossed.

La fin en vue [en]

On sait tous comment c’est. Le début des vacances, les jours s’étirent et le temps ralentit. Et soudain, on se retrouve presque à la veille de rentrer, un peu désorienté et dépaysé, à se demander si le monde normal de “à la maison” existe vraiment.

Demain, je rentre à Sonipat. Une nuit et un jour là-bas, puis direction Delhi pour prendre mon avion au milieu de la nuit, très tôt dimanche matin. Cela fait bien une semaine que je ne sais plus quel jour on est. On est jeudi, mais ça ne veut plus rien dire.

Juliette Armanet chante “c’est la fin” en boucle dans ma tête. Je pense à toutes les choses que je n’aurais pas faites durant mon séjour, tous ces possibles qui ne se sont pas réalisés, je m’exerce à “lâcher”. Des choses que je pensais ramener, bijoux, tissus, et autres peut-être, pour lesquels il me semble maintenant déraisonnable de fournir l’effort, au risque de regretter plus tard, de me dire “j’étais là, j’aurais quand même dû profiter”. Les habits que je voulais acheter avant-hier (ou était-ce hier?) et que j’ai remis au rayon car les cabines d’essayage n’avaient pas de lumière (nuit noire) et que ma capacité à communiquer avec le personnel du magasin n’a pas suffi à les faire marcher, ou apparaître, et après avoir attendu et attendu j’ai cru comprendre qu’à midi il y aurait la lumière, et je n’allais pas attendre là une heure dans ce magasin-fournaise alors que mon idée initiale était de rentrer dans le magasin, trouver 2-3 trucs, essayer, acheter, rentrer. J’accepte relativement bien tout ça.

Mais c’est la fin. Je ne l’ai pas vu venir. On est jeudi soir, dimanche matin je suis de retour à Lausanne, quelques heures de décalage horaire perdues en l’air entre Delhi et Zurich.

Me suis-je assez reposée? Ai-je assez récupéré? Y a-t-il un bilan à ces vacances qui ont démarré par un changement d’aiguillage assez brutal? Ai-je fait ce qu’il fallait? Vais-je revenir dans ce coin du monde un jour, ou est-ce que je quitte à tout jamais le Rajasthan, cette ville, ces gens? Vais-je réussir à ramener dans ma vie en Suisse un peu de ralentissement, de sérénité, d’équilibre? Non pas que j’idéalise mon temps ici, je ne veux pas croire ou faire croire que j’ai trouvé la paix et la sérénité ou un rythme de vie que je pense transposable en Suisse dans une vie professionnelle active, mais j’ai pu reprendre contact avec un certain goût du temps qui passe, du faire, de l’être, qui m’ont un peu manqué ces dernières années dans ma vie, et je rentre avec l’espoir de réussir à me servir un peu dans cette petite boîte à épices indienne que représente cette dizaine de jours à Nawalgarh, et aussi la crainte d’échouer complètement à cela.

Les phrases longues c’est pour vous montrer comment c’est dans ma tête.

J’ai peur d’arriver à la fin, alors que je suis déjà sur le seuil. La fin, comme la fin de la vie, c’est clore, c’est dire adieu à tous les potentiels, à tous les possibles. Quand on meurt, la somme de notre vie est faite. Elle est entière. Elle est comme elle est, ou plutôt a été. Il n’y a plus de marge de manoeuvre pour changer, pour être autre chose, faire autre chose, surprendre ou se surprendre, décevoir ou être déçu.

Loin de moi l’idée de mettre sur le même plan deux semaines de vacances et une vie qui s’achève, mais le mécanisme de clôture est là aussi. Tant que les vacances sont encore en cours, leur sens n’est pas complet. Elles peuvent encore apporter ceci ou cela, donner l’opportunité de faire, d’observer ou d’accomplir – de mettre du sens dans cette parenthèse au milieu de la vie ordinaire. Une fois que c’est fini, une fois dans l’avion du retour, l’histoire est écrite, la pièce est jouée, ce qui est fait est fait et ce qui n’est pas fait n’est pas fait. On peut tirer un bilan. On n’est plus dedans, on est dehors, à chercher à faire sens, peut-être, mais ça ce n’est plus du vivre, c’est de l’analyse, du commentaire, de l’interprétation, du discours sur. Un voyage qui se termine, c’est un espace qui se ferme. Un délai avant lequel il reste encore un peu de temps pour quelque chose, qui réveille désagréablement en moi ce sentiment d’urgence de vivre dont je parlais hier.

Comment faire, pour vivre ce jour qui vient comme s’il pouvait être suivi de tant d’autres, alors que je sais pertinemment que c’est le dernier? Aujourd’hui, alors que j’étais couchée sous mon ventilateur entre un repas et une sieste, j’écoutais un épisode du podcast The Pulse: How We Talk About Death. Il y a une histoire qui me prend à rebrousse-poil, mais qui me fascine aussi, parce que ça va tellement à l’encontre de mes croyances sur le monde que je me demande si je ne suis pas en train de rater quelque chose. Ce couple, dont l’un des deux est HIV+, qui se rencontrent dans les années 90, et vivent ensemble 30 ans sans jamais avoir les fameuses discussions sur la mort qui est à l’horizon, restant sciemment dans le déni en quelque sorte, et malgré les alertes, les hospitalisations, les “ça n’a pas passé loin”, continuent à vivre comme si cette épée de Damoclès n’était pas là – une formule qui leur a fort bien réussi, semble-t-il.

Alors, en continuant avec mon parallèle douteux entre les vacances et la vie, la fin du voyage et la mort, est-ce que j’arrive à vivre demain matin comme si je ne rentrais pas? A ne pas voir ce mur dans le temps devant moi, à me balader en ville comme si je pouvais y revenir demain? Est-ce souhaitable? Qu’est-ce qui me retient?

Je ne sais pas.

Avoir le temps [en]

J’ai toujours vécu avec un sentiment d’urgence vitale. Littéralement. Il y a tant de choses que je souhaite faire (hyperactivité, allô) et nous ne sommes pas éternels (j’ai appris jeune que chacun pouvait mourir demain). Il y a en moi une énorme pression interne à “profiter de la vie”, “faire”, accomplir des choses afin que ma vie ait un sens. Un sentiment de “pas assez de temps”, qui se manifeste également par une absence d’envie de dormir, une activité que j’ai tendance à percevoir comme du “temps perdu”.

Tout ceci est pas mal pourri, évidemment, et certainement le résultat de la combinaison entre TDAH et parcours de vie. Maintenant, j’ai quand même du recul par rapport à ça, et il y a eu du changement depuis que je suis sous traitement. J’aime beaucoup plus mes nuits, par exemple, et comme j’arrive effectivement à “faire” plus, je me sens beaucoup mieux par rapport à ma vie. Mon angoisse existentielle a également largement disparu. Auparavant, j’avais déjà compris que cette pression à faire et profiter me paralysait, et m’empêchait ironiquement de “profiter” de ma vie. Pourri, je vous ai dit.

Il y a quelques mois, mon chef m’a posé une question dont la réponse était évidente pour moi, mais qui m’a permis de vraiment expliciter un aspect de mon fonctionnement. Il m’a demandé si, dans une situation où j’avais du mal à avancer sur une tâche, un peu de pression supplémentaire m’aidait ou non. Clairement, cri du coeur, la réponse est non. En fait je me mets déjà une énorme pression interne pour à peu près tout (y’a quelque chose à écrire là au sujet du perfectionnisme et de ses manifestations), et comme dit plus haut, plus le stress grimpe, plus la pression augmente, plus je culpabilise de ne pas faire (“assez” – et je vous laisse imaginer à quelle hauteur est la barre) et moins j’arrive à faire. Typique des mécanismes de procrastination, typique TDAH.

Là où je suis le plus capable de produire, c’est quand il n’y a pas de pression (“il faut faire”) mais de la motivation interne (“j’ai envie” ou “c’est important”). Cette motivation interne, c’est une sorte de cri du coeur (“impulsivité/impulsion” si on veut un vocabulaire un peu plus scientifique) qu’il m’est difficile de commander. C’est là où c’est pas là. C’est “on” ou “off“. Qu’est-ce que j’aimerais en avoir la clé! A nouveau, avec mon traitement c’est plus nuancé, et c’est plus facile qu’avant d’accomplir des choses pour lesquelles je n’ai pas une grande motivation. Je suis moins susceptible d’être embarquée par mes élans à des moments moins opportuns, aussi. Je peux résister.

Un domaine où je vois ça très fortement à l’oeuvre, c’est dans la création de vidéos et de documentation pour la communauté Diabète Félin. Si l’élan est là, hop, je fais une vidéo ou je passe 3 heures à écrire, et c’est fait. Mais si l’élan n’est pas là, j’ai beau me rappeler que cette tâche est importante pour un projet global qui me tient à coeur, ça ne prend pas. Idem pour l’écriture. Les rares fois où j’ai écrit dans le cadre d’un mandat où il fallait produire, c’était vraiment pénible. Par contre, quand j’ai une idée pour un article, hop, j’écris, et voilà.

Comme mon chef l’a très bien résumé: le management par objectifs, c’est pas trop pour moi. Ce qui peut être difficile à comprendre, toutefois, c’est que si les objectifs et la pression ont tendance à me “casser”, je fonctionne plutôt bien face à une bonne situation de crise (mais une vraie, pas une fabriquée: l’importance et l’urgence doivent être une évidence).

Depuis quelques années, j’écris moins. D’une part, depuis que je ne suis plus indépendante, je me suis retrouvée avec la priorité soit du travail pour un employeur, soit de la recherche d’emploi. Et pré-diagnostic, il faut bien l’avouer, je n’allais pas super bien. Depuis mon diagnostic, aussi (ou peut-être même avant? c’est dur de s’y retrouver dans les années qui passent), je ressens moins le besoin d’écrire. J’ai beaucoup écrit pour me comprendre, comprendre le monde, digérer des émotions. J’ai beaucoup écrit car ça bouillonnait à l’intérieur et j’avais besoin de poser quelque part une information qui me tenait à coeur ou une prise de position. J’ai moins ça, maintenant. Une part le traitement, mais une autre part, déjà là je pense, simplement l’âge et peut-être un peu de sagesse et de maturité qui vient avec. J’ai bientôt le double de l’âge que j’avais quand j’ai ouvert ce blog. Plus du double de quand j’ai démarré ce site.

Mais aussi, je réalise de plus en plus, parce que pour écrire (et faire certaines autres choses que j’aime), j’ai besoin d’avoir le temps. J’ai besoin d’avoir du temps ouvert devant moi. J’ai besoin de ne pas sentir le poids des choses à faire, de ne pas avoir un temps limité à disposition. Je suis sûre que pour certains d’entre vous, ça semble complètement anodin de réaliser ça. La réalisation c’est une chose, réussir à en faire quelque chose, à mettre en pratique, c’en est une autre. Comment, dans mon quotidien surchargé (pas que d’obligations, aussi de choses que j’ai choisies et que j’aime), est-ce que je m’octroie suffisamment de temps ouvert pour qu’émerge l’élan de vouloir? Parce que voici quelque chose qui ne marche pas: me dire, allez, cet après-midi je ne m’oblige à rien, donc je vais pouvoir prendre le temps d’écrire, ou alors de lire, ou alors de trier mes photos… Ça ne suffit pas.

Ici, en Inde, en vacances, voilà que je retrouve ça. L’Inde est un pays rempli de temps morts, de chaleur qui cloue sur le lit sous le ventilo, de digestion capricieuse qui oblige à rien faire, d’imprévus et d’annulations, de moments dans la journée où tout s’arrête, soi-même y compris. Ce n’est pas pour rien que j’ai énormément écrit et lu en Inde. Les vacances, c’est bien aussi. On est hors du quotidien, on laisse nous soucis derrière nous, pour autant que les vacances soient assez longues et qu’elles comportent assez d’espace pour se laisser vivre.

Je suis ici depuis 10 jours. Dix jours, un début chaotique avec des projets de vacances annulés dans des circonstances difficiles, un changement radical de programme, et là une semaine, à une demi-heure près, que j’ai posé mes valises à Apani Dhani au Rajasthan. Durant mon trajet en voiture depuis le Nord de Delhi, je me suis dit “ah! je vais pouvoir écrire!” et j’ai même enregistré 45 minutes de notes sur le début de mon voyage, à défaut de pouvoir directement sortir mon ordinateur dans la voiture pour me mettre à taper. Au final, ce n’est qu’avant-hier que l’élan d’écrire est arrivé, après quelques premiers jours un peu trop actifs et un ralentissement soudain imposé par mon système digestif (rien de grave… juste le truc qui assomme et fait rester allongé sous le ventilo en attendant que ça passe…).

Quelle est la recette? Quelles sont les “conditions-cadre” (si vous avez bossé en Suisse allemande vous apprécierez la référence) pour que j’aie envie d’écrire, et écrive? Est-ce réalisable avec moins de deux semaines à disposition, en Suisse ou quelque part de plus proche? Pourquoi est-ce que des fois ça vient, des fois pas?

Une autre chose pour laquelle j’ai pu apprécier de prendre du temps c’est de trier et retoucher les photos que je suis en train de prendre ici. Comme j’avais “tout le temps du monde”, j’en ai aussi profité pour apprendre à utiliser certaines fonctions de Lightroom que je ne connaissais pas (il y en a tellement). Qu’est-ce que c’était agréable de pouvoir trainouiller à essayer des choses, sans la culpabilité d’avoir le sentiment que je “perds mon temps”!